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Misère, sous-développement et vide politique : Chronique d'une Libye hors de l'Histoire
Publié dans Le Quotidien le 19 - 04 - 2011

C'est l'un des plus riches pays pétroliers, pourtant la Libye est une patrie où tout s'est arrêté il y a plus de quatre décennies. Pauvreté indescriptible, infrastructure moyenâgeuse, service public caricatural…, de l'or noir, les Libyens n'ont eu que la noirceur. L'or a toujours été entre les mains du guide et de sa smala.
De notre envoyée spéciale en Libye, Fatma BEN DHAOU OUNAIS
Qui de nous aurait pu soupçonner un instant qu'il y a de la pauvreté en Libye ? De ce pays voisin, on ne connaissait que le côté caricatural dû en partie aux frasques de Kadhafi, et un gros mensonge qui stipule que les Libyens logent, consomment de l'électricité et de l'eau gratis, et vivent de la rente du pétrole comme des pachas. Certains d'entre nous ont même cru que le petit «retard» dans le timing de la révolution libyenne par rapport à celles tunisienne et égyptienne est certainement dû à l'absence du facteur pauvreté dans le cas libyen.
Il a fallu que je me déplace sur les lieux pour voir de mes propres yeux des scènes dignes des pays les plus démunis et constater que ces milliers de citoyens que Mouammar massacre à coups de missiles ont vécu un crime encore plus abominable, celui de la spoliation de la Libye.
Cité Ezzogm est l'un des quartiers à construction anarchique à Tobrouk. Ni eau courante, ni école, ni mosquée… les habitants d'Ezzogm n'en peuvent plus de ramener les citernes d'eau et de faire des kilomètres pour accompagner leurs gosses à l'école … Et ça dure depuis 37 ans, date à laquelle cette cité a germé tel un champignon, en plein centre de Tobrouk, à cause de la pauvreté.
Institutrice… en Libye
Najeh Chérif est l'une des habitants de ce quartier oublié, comme tant d'autres, par le régime libyen. Institutrice de son état, elle appartient à une famille de 23 membres et participe avec ses 300 dinars de salaire à subvenir aux besoins de la fratrie, dont la plupart sont chômeurs.
Pour elle le malheur est double : d'une, elle vit comme la grande majorité des Libyens, une pauvreté qui n'a pas lieu d'être dans un pays pétrolier. De deux, elle vit, de par, sa profession, l'appauvrissement du système éducatif libyen et sa transformation par le régime en une coquille vide.
Alors que je lui évoque la part sur la rente du pétrole que le peuple libyen est censé toucher, elle sourit d'une façon tellement ironique qu'elle aurait pu se contenter d'une telle expression pour toute réponse.
«Quelle part, quelle rente et quel pétrole… tu crois à ces histoires… C'est un pur mensonge… le pétrole, c'est pour Mouammar et sa progéniture… des sommes faramineuses qui auraient pu transformer notre pays en véritable paradis… Nous ne sommes que quelques millions… il aurait pu nous laisser ne serait-ce qu'une petite part pour que nous puissions subvenir à nos besoins. Tu te rends compte qu'avec toutes les richesses de notre pays, nous parlons de subvenir aux besoins… c'est absurde» dit-elle. Et d'ajouter : «Le plus grave, c'est l'appauvrissement des cerveaux. Kadhafi a tout fait pour abrutir les Libyens en massacrant le système éducatif. Il a supprimé les langues étrangères de l'enseignement pendant des années, donnant naissance à des générations de Libyens ne parlant que l'arabe. Il a inventé les facultés et les instituts sans diplômes. Il a encouragé l'enseignement à domicile, pour soi-disant remédier au problème de la saturation des écoles, un problème qui n'existe même pas.
Tu sais que dans les écoles primaires, nous appliquons le programme de Singapour. Et ne me demande pas pourquoi…c'est Mouammar qui a eu l'idée… c'est ainsi».
Les ghettos de la Jamahiriya
A des centaines de kilomètres plus loin se situe le quartier Boufekhra, à Benghazi. Une sorte de ghetto où logent des dizaines de familles, vivant dans un état lamentable. Sabri Ali Aboubakr, un sous-officier, en fait partie. Il habite ce quartier depuis huit ans et connaît les habitants un à un. «Nous n'avons ni eau, ni électricité, ni égouts. Il y a des familles qui habitent ici depuis 16 ans, dans des conditions inhumaines. Des dizaines de commissions sont venues à notre rencontre et nous ont promis monts et merveilles… mais on attend toujours » affirme-t-il. Sabri touchait, avant de démissionner de son poste, un salaire de 445 dinars par mois. «Un tel salaire ne suffit-il pas pour vivre dignement dans un pays où le logement appartient à celui qui l'occupe comme le stipule le livre vert?» dis-je à mon interlocuteur.
Il répond aussitôt, sourire aux lèvres: «Quel livre vert ?… Il est vrai que quand tu possèdes plus d'une habitation en Libye, l'Etat te soustrait les logements excédentaires. Mais pas pour les donner gratuitement aux pauvres, comme le croit tout le monde. Ces maisons sont louées avec des sommes pouvant atteindre les 350 dinars et l'argent est versé dans les caisses de l'Etat. Avec mes 445 dinars, je ne pourrais même pas louer un studio. Alors j'habite dans ce gourbi avec ma femme et mes deux filles, en attendant des jours meilleurs». En faisant le tour des lieux, je constate l'ampleur de la précarité de ce quartier envahi par les déchets et les eaux usées. Une dame d'un certain âge vient à ma rencontre et me dit: «Tu peux trouver du pétrole en Libye en creusant avec la main, et moi je ne trouve pas de quoi nourrir mes gosses… c'est injuste… c'est inacceptable».
Dans l'immense cours qui devance le quartier, un groupe d'enfants aux habits déchirés jouent avec des pistolets en plastique, en brandissant le drapeau de la révolution. En laissant la Libye miroiter dans la misère, Kadhafi ne savait pas qu'il plantait la graine d'une génération de Libyens dévorée par la colère.
Et le développement ?
Des quartiers comme celui-là, il y en a plein à Benghazi, deuxième ville libyenne, où l'infrastructure routière est déplorable, même dans les quartiers dits huppés. Taballinou et El Fuihet sont deux quartiers chics situés dans la partie ouest de Benghazi. Pour y circuler, il faudrait faire des zigzags interminables afin d'éviter les nids de poule et les cassures dans le goudron. «Pour circuler tranquillement dans notre quartier, il faut avoir un char. Si tu t'aventures avec une voiture, elle se transformera en épave au bout d'une année», me dit Ahmed, un des habitants de Taballinou. Il poursuit: «Est-ce que Benghazi ressemble à une métropole dans un riche pays pétrolier? Bien sûr que non. Tous ces immeubles que tu vois datent ou bien de l'occupation italienne, ou alors de l'ère du roi Idriss. Nous avons un hôpital dont le chantier dure depuis 35 ans… et il n'est pas encore prêt. Tu crois que ça ne me fait pas mal au cœur de voir les Libyens aller se soigner en Tunisie, alors que nous avons les moyens d'avoir les cliniques les mieux équipées au monde. C'est un crime qui dure depuis 42 ans. Depuis que Kadhafi est monté sur le trône, le temps s'est arrêté en Libye. Nous n'avons pas de cadres qualifiés, nos diplômes ne sont même pas reconnus à l'échelle mondiale, ni la moindre vie politique, même pas des partis de décor, encore moins des projets d'investissements, alors que nous avons des sites touristiques à couper le souffle. Rien de rien… c'est le désert».
En parlant de tourisme, je me rappelle de Bardi, cette petite localité libyenne à mi-chemin entre la frontière avec l'Egypte et Tobrouk. Un vrai paradis sur terre qui aurait pu devenir une station balnéaire sans égale. «Mouammar n'aime pas le tourisme et n'y pense même pas. Il ne veut pas se casser la tête. Il a tout l'argent du pétrole pour lui… pourquoi veux-tu qu'il songe à investir». Le problème en Libye, c'est justement ceci. Pendant 42 ans, tout tournait autour de Kadhafi et de ses caprices. Mouammar veut ceci, Mouammar veut cela… Que veut le peuple Libyen? Mouammar n'avait pas le temps d'y penser. Il était trop absorbé d'accumuler les comptes secrets.


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