La situation de la compagnie nationale Tunisiair a été au centre de l'interview accordée ce mardi par le président directeur général de Tunisair, Khaled Chelly au micro de Afif Frigui dans son émission Sahat El Omla. « La situation financière de Tunisair est critique », a avoué M. Chelly. Et de préciser que son endettement avait dépassé les 2,2 milliards de dinars, en plus de pertes de plus d'un milliard de dinars jusqu'à 2020. Parmi les problématiques évoquées par le PDG, la baisse de la qualité des service, l'âge moyen de la flotte de 17,5 ans, le nombre très élevé des agents par rapport à la moyenne au niveau mondial et une image de marque entachée.
M. Chelly a ainsi indiqué que la masse salariale est souvent pointé en tant que problème majeur de la compagnie étant « hors norme et hors standard » et des comparaisons sont souvent faites avec Royal Air Maroc, ce qui n'est souvent pas opportun, notant que la compagnie aérienne marocaine a externalisé un bon nombre d'activités notamment son personnel navigant commercial (PNC), en soutraitance. Il a admis qu'en 2012 et 2013, le nombre d'agents était en inadéquation avec 8.400 agents, soit 240 agents par avion contre 170 agents par avion pour la norme mondiale. Aujourd'hui, le nombre d'agents est à 3.200 employés. Ceci dit, la société a besoin d'un programme d'assainissement et de sauvetage, pour remettre à flot la compagnie qui a été lourdement impactée par la pandémie.
S'agissant de la masse salariale, le dirigeant a spécifié que Tunisair n'avait pas que le personnel au sol et les employés mais compte également 1.300 pilotes et PNC, sachant que nos pilotes touchent le quart et parfois moins que ce qu'offrent d'autres compagnies aériennes. Idem pour le PNC dont le salaire est très maigre par rapport à ce qui est pratiqué à l'étranger. La compagnie a également en charge plus de 400 agents à l'étranger, des locaux qui travaillent pour le compte de la compagnie. Un directeur central ou n'importe quel cadre est payé beaucoup moins qu'un cadre dans l'étatique, a assuré le PDG, en soulignant que la société souffre d'une fuite de ses compétences. « Nos directeurs touchent les plus bas salaires dans le secteur du transport, selon une étude réalisée au niveau du ministère du Transport », a-t-il affirmé. Et de soutenir que la masse salariale sur le total des charges est de 15% (et peut atteindre 23% selon les saisons), ce qui est bien en dessous de la moyenne mondiale.
Pour sa part, l'expert économique Moez Soussi a estimé que la compagnie aérienne était sur la bonne pente en 2019, avec des recettes record de l'ordre 1,8 milliard de dinars. En 2020, ses revenus ont chuté de 70% à cause de la crise du Covid-19, soit un manque de liquidité de 1,2 milliard de dinars. Et de préciser que le carburant représente une grande partie des dépenses pouvant atteindre jusqu'à 34% des charges, lorsque le prix du baril augmente, contre 12% lorsque son prix baisse. En outre, le glissement du dinar a coûté, de 2015 à 2018, des dépenses supplémentaires de l'ordre de 150 millions de dinars.
Khaled Chelly a estimé en se référant à l'année de 2019 que Tunisair avait du potentiel. Mais, les crises qu'elle a traversées ont contribué à sa déchéance. Pour lui, tout le monde a participé à l'état actuel de Tunisair et en particulier l'instabilité des gouvernements et des directions générales qui se sont succédé, faisant que toutes les stratégies et les plans de sauvetage sont mort-nés.
S'agissant du plan de sauvetage, le PDG a expliqué que la compagnie aérienne devra faire face aux problèmes d'endettement et de trésorerie. S'agissant des fonds nécessaires pour remettre sur pied la société, il pense qu'il faudra attendre la fin de 2021 pour évaluer l'impact du Covid-19. Pour lui, il faudra recapitaliser la société, réévaluer ses biens et injecter au moins un milliard de dinars pour rétablir les équilibres de la société. Il est également question de faire pression sur la dépense, notamment en adaptant le système de management et l'effectif par rapport au nombre d'avion, sachant que 2021-2023, seulement 17 à 18 avions seront opérationnels. En outre, il faudra revoir le modèle de Tunisair ainsi que les représentations à l'étranger, en baissant le nombre de détachés, ainsi que les loyers. Autre chose importante, la compagnie devra choisir des dessertes plus rentables. Le plan social sera aussi revu et les 50 millions de dinars mobilisés par l'Etat depuis 2014 à cet effet seront utilisés. Tunisair devra aussi travailler sur la productivité, l'open sky étant imminent.
S'agissant de la reprise des dessertes vers la Libye, M. Chelly a indiqué que la première desserte était prévue pour le début du mois de ramadan. Mais, ayant découvert que le timing n'était pas opportun, elle a été décalé au 16 mai courant. Et d'expliquer que le prix de l'assurance empêchait la reprise des vols vers cette desserte. 65 dessertes étaient opérées vers la Libye jusqu'à 2014.
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