C'est tout au long de cette semaine, du 11 au 17 octobre 2021, que se tiennent les Assemblées annuelles d'automne du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). Un rendez-vous incontournable à l'occasion duquel les deux institutions financières multilatérales publient leurs « Perspectives économiques mondiales » respectives s'étendant jusqu'en 2026. L'événement ne semble pas avoir intéressé nos médias, ni notre classe politique, ni nos acteurs économiques. Pourtant, ce que les deux institutions de Bretton Woods prédisent sur l'évolution de la situation économique et financière du pays est franchement de mauvais augure, c'est le moins que l'on puisse dire. L'économie tunisienne enregistrera une croissance d'à peine 3% cette année et 3,1% en 2022, selon le FMI. On est bien en-deçà de la moyenne mondiale de croissance que le Fonds estime respectivement à 5,9% et 4,9%. La Banque mondiale est moins optimiste. Ses prévisions tablent sur une croissance mondiale de 5,6% et 4,7%. Cependant, elle ne manquera pas d'ajouter que c'est « un rebond post-récession d'une ampleur sans précédent depuis 80 ans ». La Tunisie est manifestement à la traîne au niveau mondial. Elle l'est aussi au niveau de la zone MENA-Asie Centrale qui, pour sa part devrait afficher un rebond de croissance de 4,1% cette année et en 2022.
Cependant, ce sont les prévisions au-delà de 2022 qui suscitent une réelle inquiétude. Déjà molle, la croissance économique va ralentir à partir de 2023 pour n'afficher qu'un taux de 2,5% puis reculera inexorablement pour n'atteindre qu'environ 2% en 2026. Certes, le taux d'investissement reprendra quelques couleurs autour de 17%, tout comme le taux d'épargne. Malheureusement, on demeurera très loin de la moyenne mondiale et même de la moyenne de la zone MENA qui affichera des taux respectifs de près de 30% sur la période de 2022-2026. Il en serait de même du cadre macro-financier du pays avec une inflation moyenne de plus de 5% au cours des prochaines années et des finances publiques qui laissent entrevoir aisément l'inéluctabilité du défaut de paiement. Le FMI estime que le déficit budgétaire de la Tunisie évoluera dans une fourchette de 6-7% chaque année faisant carrément exploser le volume de la dette qui passerait de 108 milliards de dinars en 2021 à … 175 milliards de dinars en 2026, faisant bondir le taux d'endettement de 90% du PIB à près de 100%. Autrement dit, ce n'est pas seulement cette année que l'Etat aura un besoin pressant de boucler son budget, mais toutes les prochaines années. Selon le Fonds, le pays accuserait un déficit budgétaire d'environ 10 milliards de dinars par an d'ici 2026.
A ce stade, il convient de souligner que les estimations et les projections du FMI se fondent sur un scénario statique, à savoir une simple actualisation des données actuelles dans le temps. Comme si tout était égal par ailleurs, diront les économistes. En réalité, la faillite économique du pays devrait être envisagée en 2023 si, entre temps, rien n'est entrepris. En 2020, c'est la BCT qui est venue au secours de l'Etat pour boucler son budget. Cette année, l'institut d'émission est intervenu par deux fois pour lui éviter le défaut de paiement. La BCT pourrait encore intervenir une fois de plus, avant la fin de l'année, pour lui éviter le pire. Mais qu'en sera-t-il de l'année prochaine et plus encore pour les années d'après?
L'exigence absolue tient dorénavant dans une radicale restructuration budgétaire. Face à la menace qui se profile, plus aucun sujet n'est tabou, ni dossier considéré comme ligne rouge. Les salaires dans la fonction publique, l'avenir des entreprises publiques, la politique des subventions, etc., tout doit être remis sur la table pour une seule priorité l'investissement. Il n'y a pas d'alternative hormis celle-là. Elle fera mal, très mal. C'est maintenant le prix à payer pour éloigner le spectre de la faillite et une mise sous tutelle du pays qui pourrait faire encore plus mal.