Une énième affaire vient de remettre sur le devant de la scène le débat sur la liberté de conscience dans un pays charcuté par sa classe politique. Le député d'Attayar, Hichem Ajbouni, a réagi, jeudi 21 avril 2022, à l'arrestation de citoyens tunisiens pour avoir mangé pendant le Ramadan. Dans un statut sur sa page Facebook, il a exprimé son indignation qualifiant l'affaire de « scandale à tous les niveaux ». Rappelant que cela était en totale contradiction avec les dispositions de la Constitution de 2014, le député a ajouté : « Il paraît que le juge d'instruction qui a ordonné l'arrestation n'a pas consulté la constitution que Kaïs Saïed a mangée depuis le 22 septembre 2021 ! ». Les faits remontent à la semaine dernière. Dans une déclaration à Business News, la substitut du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de la Manouba, Sondes Nouioui, a expliqué que quatre individus – deux employés et deux clients d'un café à la Manouba – avaient été arrêtés, jeudi dernier, après que des citoyens ont alerté la police. Les prévenus ont été interpellés pour outrage public à la pudeur, selon les dispositions de l'article 226 du Code pénal, et d'infractions aux règlements municipaux ; l'établissement ayant ouvert ses portes pendant les heures de jeûne, sans autorisation préalable. Ils comparaissent aujourd'hui-même devant le Tribunal de première instance de la Manouba.
L'article 226 du Code pénal stipule : « Est puni de six mois d'emprisonnement et de quarante-huit dinars d'amende quiconque se sera, sciemment, rendu coupable d'outrage public à la pudeur ». Il est invoqué pour punir l'exhibitionnisme et, dans un excès de zèle, le fait de manger et boire pendant le Ramadan.
Les membres de la campagne de sensibilisation à la liberté de conscience « Mouch Bessif » ont, également, réagi à cette affaire et appelé à un sit-in de protestation devant ledit tribunal pour contester la chasse aux non-jeûneurs, surtout qu'aucune loi n'interdit de boire et manger pendant le Ramadan. Les autorités locales s'appuient, aussi, sur la fameuse circulaire fantôme de 1981, dite Mzali. Celle-ci est ressortie à chaque Ramadan pour obliger les cafés et restaurants à fermer leurs portes et sanctionner, par la même occasion, les non-jeûneurs.
La Constitution – loi suprême du territoire – n'est, visiblement, pas prise en considération. Pourtant, celle-ci dispose, dans son article 2, que « La Tunisie est un Etat civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit » et dans son article 6 que « L'Etat protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l'exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l'exploitation partisane. L'Etat s'engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu'on y porte atteinte. Il s'engage également à prohiber et empêcher les accusations d'apostasie, ainsi que l'incitation à la haine et à la violence et à les juguler ».