L'Isie, instance supérieure indépendante des élections, a annoncé les résultats préliminaires du référendum qui a eu lieu le 25 juillet 2022. Même si les grandes tendances de ces résultats sont déjà connues, les chiffres qui ont été proclamés par l'Isie seront contestés, mis en doute et probablement non reconnus par une frange de la société tunisienne, spécialement parmi les partis opposés au président de la République, à sa démarche depuis le 25 juillet 2021 et au processus qui a conduit au référendum, mais pas seulement. Depuis sa création en 2011, et même si depuis 2014 son image n'a pas été reluisante, jamais l'Isie n'a eu une image aussi effilochée, aussi dépréciée. Aujourd'hui, elle manque cruellement de crédibilité aux yeux des Tunisiens. Beaucoup considèrent qu'elle a failli à sa mission, ne s'est pas préparée convenablement pour être à la hauteur d'une échéance aussi importante, n'a pas assuré le bon déroulement de la campagne électorale et a manqué de réaction face aux nombreux dérapages constatés le jour du vote. En définitive, elle a été l'une des causes principales de l'échec du référendum, sinon de son succès mitigé. Les raisons de cette déconsidération sont multiples. La première est en rapport avec son indépendance. Partant du fait que tous ses membres ont été désignés par le président de la République à la suite de la liquidation de son ancienne composition, il est devenu difficile de considérer l'Isie comme une instance réellement indépendante des élections. Le comportement de son conseil désigné n'a cessé de confirmer ce manque d'indépendance. Même s'ils découlent de ce déficit d'autonomie, les rapports de sujétion et même de vassalité du conseil avec le président de la République, constituent une autre cause du discrédit qui frappe l'Isie. En aucun moment le conseil de l'Isie n'a assumé son rôle de garant du bon déroulement du processus électoral et n'a réagi face aux multiples entorses commises par le président de la République à la loi électorale. N'a-t-il pas considéré contre toute logique la lettre du président aux Tunisiens comme une lettre explicative et accepté sa publication hors des délais fixés par la loi électorale ? N'a-t-il pas validé les « corrections », souvent de fond, apportées à la version initiale du projet de la constitution, contrairement aux dispositions de la loi ? Ne s'est-il pas inscrit volontairement aux abonnés absents face au délit de propagande électorale commis par le président de la République et de son épouse, l'un en prononçant un discours d'un quart d'heure devant le bureau de vote et l'autre en portant une robe suggestive aux couleurs de la campagne du « oui ». L'autre raison de ce discrédit est l'opacité qui caractérise la version Bouasker de l'Isie. L'embargo décrété contre Sami Ben Slama, membre du conseil au même titre que les autres membres et désigné comme eux par le président de la République, est un exemple édifiant du manque de transparence des travaux de cette structure. Les choses ont pris une allure caricaturale le jour du vote quand Sami Ben Slama s'est vu carrément interdire l'accès au palais des congrès, salle d'opération du référendum. Les journalistes tunisiens et étrangers ont eu leur lot de tracasseries le jour du vote à cause de cette tendance de verrouillage de l'information décrétée par le trio composé par le président Farouk Bouasker, son vice-président Maher Jedidi et le porte-parole Tlili Mansri. Des consignes strictes ont même été envoyées par mail aux présidents des centres de vote pour s'abstenir de fournir aux médias des informations chiffrées concernant leurs circonscriptions. Cela a alimenté les doutes et décuplé les inquiétudes quant à l'exactitude des résultats annoncés par l'Isie. Certaines organisations de la société civile qui ont observé le processus référendaire exigent désormais que l'Isie permette aux citoyens l'accès aux registres pour vérifier leurs votes. Un soupçon de bourrage des urnes à peine voilé. Si on ajoute à cela l'incompétence et la mauvaise gestion, l'amateurisme caractérisé du conseil de la version actuelle de l'Isie, on comprend le peu de crédibilité qu'on lui accorde. Les décisions qui changent sans raison, un calendrier qui n'est jamais définitif, un déficit au niveau du personnel dans les bureaux de vote, comblé à la dernière minute et à la va vite par l'administration régionale et locale, ne sont pas pour calmer les peurs et apaiser les esprits. Le comble, c'est que l'ISIE est la seule rescapée parmi les instances indépendantes dans la constitution de la nouvelle république. A se demander si c'est finalement une bonne affaire ?