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Isie : instance supérieure pour la gouvernance par les bases
Publié dans Business News le 27 - 10 - 2022

L'annonce des mesures exceptionnelles du 25 juillet 2021, par le président de la République Kaïs Saïed, a représenté un tournant dans l'histoire politique tunisienne. A partir de cette date-là, le chef de l'Etat n'a pas raté une occasion pour montrer qu'il était l'ultime souverain du pays. Tout y passe ! Gouvernement, parlement, Conseil supérieur de la magistrature et instances indépendantes ! Kaïs Saïed a mis la main quelques mois sur l'intégralité des institutions de l'Etat. Ceux qui refusaient de se soumettre à sa volonté étaient limogés ou révoqués.

C'est ainsi qu'il est parvenu à créer sa propre Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Ne voulant plus de Nabil Baffoun, Kaïs Saïed a nommé, à la date du 9 mai 2022, les nouveaux membres du conseil de l'instance. Il avait justifié sa décision par ce qui serait une complicité, depuis la création de l'Isie, des anciens membres de l'Isie dans des opérations de trucage et de falsification des élections. Or, les "nouveaux" membres de l'Isie nommés par le président avaient tous fait partie de l'instance dans le passé.
On découvrira, plus tard, que ces nominations visaient à garantir la soumission de l'instance et la mise en place d'un processus électoral conforme au projet personnel du président de la République de la gouvernance par les bases. Kaïs Saïed a formé l'un des plus fidèles escadrons de bataille pour mener à bien sa guerre électorale. Son petit escadron a fait en sorte de tout mettre en œuvre pour garantir la réussite du référendum du 25 juillet 2022. Cet événement peut être assimilé plus à un sketch comique qu'à un vote. Nous avons eu droit à l'une des campagnes référendaires les plus bizarres de l'histoire.
Ainsi, une révision de la loi électorale a imposé à toute personne ou entité désirant participer à la campagne référendaire le dépôt d'une demande auprès de l'Isie. Cette demande devait être déposée avant même la publication du projet de la nouvelle constitution. C'est-à-dire que les Tunisiens étaient appelés à décider s'il voulait faire campagne ou pas au sujet d'un document qui n'avait pas encore vu le jour. Ils devaient déposer une demande auprès de l'Isie et attendre son aval. Une Isie qui, d'ailleurs, n'avait pas manqué de démontrer sa dévotion envers le chef de l'Etat. L'instance a interdit le droit de s'exprimer publiquement et dans les médias au sujet de ce référendum et a validé le changement du projet soumis au référendum en plein milieu de la campagne référendaire.
Après ce premier chapitre assez amer, l'Isie s'est, encore une fois, donnée en spectacle lors de l'annonce des premiers résultats du référendum. Un véritable scandale éclate à la suite d'une conférence de presse du 26 juillet 2022. Dès la publication des premiers chiffres, les Tunisiens ont signalé des incohérences. Il y avait de gros écarts entre les chiffres régionaux et le résultat officiel global. L'Isie, après avoir annoncé tard le soir du 25 juillet que le nombre total des participants au référendum était égal à 2,458 millions, a décidé de le porter à 2,830 millions. Le taux de participation est passé de 27,5% à 30,5%. Il y a eu des écarts entre les chiffres communiqués par les instances régionales et ceux présentés par l'Isie.
Afin de se rattraper, l'instance a émis un communiqué signalant que des erreurs s'étaient glissées dans les résultats et que les documents publiés n'avaient pas été mis à jour. Le président de l'Isie, Farouk Bouasker a, en guise de réaction, limogé le directeur exécutif de l'instance, Amor Bousetta en affirmant qu'il était responsable de l'erreur. Or, plusieurs documents rendus publics montrent que les résultats avaient été validés par le président de l'instance avant leur publication. La signature de Farouk Bouasker peut être observée sur l'ensemble des documents publiés initialement par l'instance.
Par la suite, Kaïs Saïed a continué à mettre en place son projet de la gouvernance par les bases sous l'œil complice de l'Isie. Il a, dans ce sens, promulgué un décret portant révision de la loi électorale. Ce décret a exclu les binationaux de la liste des candidats des circonscriptions sur le territoire tunisien aux législatives anticipées du 17 décembre 2022. Pour ce faire, le chef de l'Etat a réalisé une petite acrobatie légistique. Au lieu de mentionner directement la chose, il a introduit un article interdisant un Tunisien de père étranger ou de mère étrangère de se présenter comme candidat à l'une des 151 circonscriptions électorales se trouvant à l'intérieur du territoire tunisien. Par contre, les citoyens vivant à l'étranger gardent le droit de se présenter aux législatives dans la circonscription se trouvant en dehors du territoire national. Ceci n'a pas gêné les membres de l'Isie. Aucune réaction n'a été communiquée à la presse ou au grand public face à cette discrimination touchant des milliers et des milliers de Tunisiens dont bon nombre d'entre eux vivent sur le territoire tunisien. Les Tunisiens binationaux sont, donc, des citoyens de seconde zone et l'Isie n'y voit pas d'inconvénient.
L'instance a, également, soutenu Kaïs Saïed dans sa bataille contre l'égalité entre les genres et les acquis de la révolution en matière de droit de la femme. L'Isie ne s'est pas opposée à l'adoption du scrutin uninominal renforçant l'exclusion de la femme de la vie politique. D'ailleurs, les chiffres ne font que refléter cette triste réalité. 24 heures avant la fin des délais de dépôt de candidature, seulement 1.317 personnes ont déposé leur dossier auprès de l'Isie Ce chiffre comporte seulement 193 candidates femmes. En contrepartie, 1.572 listes pour plus de 15.000 candidats ont été déposées en 2019.
Le plus amusant dans tout cela reste les déclarations du vice-président de l'instance, Maher Jedidi ou son porte-parole, Mohamed Tlili Mansri. Tous deux ont assuré que la nouvelle loi électorale n'excluait pas la femme et ne représentait pas un bond en arrière. Jedidi est même allé jusqu'à considérer qu'il était contre le principe de discrimination positive. L'Isie a, même, décidé d'appliquer un décret contraire à la constitution de Kaïs Saïed qui évoque l'obligation de l'Etat de garantir la parité dans les conseils élus et la présence de la femme. Les membres de l'instance n'ont fait qu'obéir aux directives du président et appliquer son décret. Cette réaction était tout à fait prévisible de la part d'une instance composée exclusivement d'hommes. L'Isie se serait transformée en un boys band ou un gentlemen's club !

Le pluralisme politique a lui aussi pris un sacré coup, puisque le nouveau décret consolide la pensée du président de la République et l'idée de rejet de partis politiques et de leur fin. Le scrutin uninominal est appliqué dans sa conception la plus rigide. Après quelques jours d'oscillation et manque de précision au sujet du rôle de ces entités, la question fut tranchée : les partis n'avaient pas le droit de faire campagne. Ils n'ont pas le droit d'en financer une et de soutenir un candidat. Les emblèmes et logos de ces structures ne seront pas apposés sur le bulletin de vote pour les candidats qui y sont adhérents.
Il s'agit là de la consécration de la théorie de la fin des partis politiques souvent évoquée par le chef de l'Etat et ses soutiens. L'isie, qui théoriquement devrait veiller à la préservation d'une vie politique saine, équilibrée et pluraliste, a tout fait pour imposer cette approche à la scène politique tunisienne connue pour sa richesse et sa dynamique. Ceci a poussé la quasi-totalité des partis à boycotter les élections. Encore une fois, l'Isie a choisi de soutenir le président de ce qui reste de la République et de se ranger de son côté, servant ainsi les intérêts du projet de la gouvernance par les bases au détriment de la démocratie représentative.
Enfin, et pour exprimer son dévouement à cette cause qu'est le projet politique personnel de Kaïs Saïed, l'instance a décidé, dans un communiqué du 24 octobre 2022, soit la date officielle de la clôture du dépôt des candidatures, de prolonger la chose de trois jours. L'instance a annoncé cette nouvelle en publiant un petit texte de deux phrases et sans explications. On découvrira par la suite que cette décision avait été prise en raison du faible nombre de dossiers déposés et de l'absence de candidats pour certaines circonscriptions. Interrogés sur la possibilité de siège vacant à l'issue des élections législatives de décembre en raison de cette absence, les porte-parole et vice-présidents de l'instance ont assuré que l'Isie avait la possibilité d'organiser des élections législatives partielles pour combler le vide.
Or, la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums tels que modifiée et complétée par le décret-loi du 15 septembre 2022, n'a pas abordé ce cas de figure. Aucun article du texte dans sa forme initiale ou après l'amendement, ayant introduit le mode de scrutin uninominal et le nouveau découpage électoral, n'a abordé l'absence de candidats. L'article 34 de la même loi évoque la question de vacance comme étant un constat réalisé par un parlement existant et non-pas par l'instance. L'Isie sera seulement notifiée par le bureau de l'assemblée et ne dispose pas d'un pouvoir décisionnaire à ce sujet. L'absence d'un candidat pour une circonscription électorale n'y figure pas. L'empêchement invoqué par la loi est lié à la personne et non-pas à l'absence d'un élu. La question de vacance a été abordée pour les députés qui seraient dans l'impossibilité de continuer à exercer leur fonction d'élu. Mais, encore une fois, l'Isie semble vouloir taire cet aspect-là et chercher à tout prix une solution miracle pour continuer à mettre en place le projet présidentiel.
La campagne qui se déroulera prochainement dans le cadre des élections législatives anticipées du 17 décembre 2022 sera à l'image de la campagne référendaire : une drôle de campagne. L'Isie continuera sûrement à œuvrer de sorte à préserver les intérêts du président de ce qui reste de la République, de son projet politique et de ses soutiens. L'Isie optera pour la politique de l'autruche face aux innombrables dépassements qui auront lieu. L'instance a été plus que claire : la priorité est à la mise en place du projet de la gouvernance par les bases. A la fin de cette mascarade, nous allons sûrement nous retrouver face à l'une des pires assemblées de l'histoire ancienne et récente de la Tunisie. En plus d'une composition désastreuse, ce parlement n'aura aucun rôle, aucune prérogative et aucune autorité sur le pouvoir exécutif. Il s'agit, souvenez-vous, d'une simple fonction et non-pas d'un pouvoir. Quoi de mieux pour assouvir les penchants dictatoriaux du guide suprême !


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