Le militant de toujours Ahmed Nejib Chebbi est poursuivi dans une affaire terroriste. Rien de moins ! Par le biais d'une alliance aussi improbable que de circonstance, M. Chebbi s'est retrouvé au milieu d'une véritable cabale judiciaire. Comme d'habitude. Les faits. Dimanche 25 décembre 2022, Ahmed Nejib Chebbi intervient lors d'une manifestation du Front de salut national, qu'il préside, pour relever la culture autocratique de Abir Moussi et sa volonté de se venger de la révolution tunisienne pour réinstaurer la dictature comme au temps de l'ancien président, Zine El Abidine Ben Ali. La députée et présidente du PDL dépose une plainte en date du mardi 27 décembre. Lundi 2 janvier, soit une semaine après le dépôt de la plainte, Ahmed Nejib Chebbi apprend qu'il fait l'objet d'une enquête, ainsi que d'autres membres du Front de salut pour suspicion de terrorisme ! Pour comprendre ces faits et les contextualiser, une ligne sur les procédures judiciaires en Tunisie. D'habitude, il se passe plusieurs semaines, voire des mois, avant que le parquet ne donne suite effective à une plainte. Il commence, tout d'abord, par convoquer le plaignant pour l'auditionner, puis, quelque temps plus tard, la personne accusée. Dans le cas d'Ahmed Nejib Chebbi et ses camarades du Front de salut, en moins d'une semaine, le parquet a, théoriquement auditionné Abir Moussi puis il a contacté la section de Tunis de l'Ordre des avocats pour pouvoir auditionner Ahmed Nejib Chebbi. La loi exige que l'Ordre soit informé avant toute convocation d'un avocat ce qui est le cas de M. Chebbi.
Une affaire politique montée de toutes pièces ? Elle est bien politique, mais elle n'est pas montée de toutes pièces. Le parquet a juste réagi au quart de tour car cela arrange le régime de Kaïs Saïed. Bon à rappeler, Abir Moussi a déposé des dizaines de plaintes depuis le 25 juillet et rares sont celles qui ont connu des suites. Bon aussi à rappeler, Mme Moussi a été victime d'agressions physiques dans l'enceinte même du parlement, mais ses agresseurs ne sont toujours pas inquiétés près de deux ans après les faits. Or, dans cette affaire, le parquet a réagi à la vitesse de la lumière. Pourtant, il aurait dû la classer immédiatement au vu de la légèreté de la plainte. Abir Moussi accuse de terrorisme des personnalités politiques de haut rang de l'opposition ! S'ils faisaient du terrorisme, pourquoi le parquet n'a-t-il réagi qu'après la plainte de Mme Moussi et ne s'est pas autosaisi de l'affaire depuis des mois ? La vérité est que le régime de Kaïs Saïed ne voulait pas attaquer directement le Front de salut. Il lui fallait un prête-nom et Abir Moussi a accepté de jouer ce sale rôle. De la bêtise politique ? Sans aucun doute puisque Mme Moussi est, tout comme M. Chebbi, une opposante farouche au régime de Kaïs Saïed.
Jusque-là, le Front de salut avait du mal à exister et à s'imposer sur la scène politico-médiatique. On lui reproche plusieurs choses dont notamment la présence de membres d'Al Karama en son sein. Ce sont ces mêmes membres qui se sont retrouvés dans les actes les plus répréhensibles avant le 25 juillet. Ce sont eux qui ont attaqué des agents de la police des frontières, pour les intimider afin de faire voyager une femme interdite de voyage (parce que suspecte de terrorisme), ce sont eux qui ont agressé verbalement des agents de la brigade présidentielle pour forcer l'entrée à l'assemblée d'un suspect de terrorisme, ce sont eux qui ont agressé physiquement des adversaires politiques dans l'enceinte même du parlement et ce sont toujours eux qui ont été souvent aux premiers rangs pour défendre des personnes suspectées de terrorisme. Cette mauvaise image d'Al Karama est encore présente et déteint, inévitablement, sur le Front de salut. Ahmed Nejib Chebbi et Ridha Belhadj ont beau rejoindre et présider ce Front, ça ne blanchira pas pour autant les membres d'Al Karama. C'est même tout le contraire, ils ont réussi à salir des militants et avocats au parcours honorable, voire glorieux. Par cette brèche du terrorisme, Abir Moussi s'est engouffrée pour attaquer judiciairement le Front de salut. Jackpot pour le régime, elle lui a servi ses adversaires politiques sur un plateau en or. La machine judicaire est enclenchée et Ahmed Nejib Chebbi n'est qu'un nouveau nom dans la série d'opposants, militants, avocats et journalistes qui se sont retrouvés face à une justice ultra-rapide, voire la plus rapide au monde. Il y a désormais une justice ordinaire qui met des mois pour instruire une affaire, quand le justiciable est un commun des mortels et une justice express quand le justiciable dérange le régime putschiste.
Habitué à ce genre de coups, Ahmed Nejib Chebbi ne s'est pas laissé intimider. La réponse du berger à la bergère est intervenue ce matin mardi 3 janvier 2023 pour dire qu'il ne répondra à aucune convocation et que, s'il est amené de force, il observera le silence. Le militantisme d'Ahmed Nejib Chebbi n'a rien d'étonnant, ni de nouveau. En dépit de son alliance hasardeuse avec les islamistes radicaux d'Al Karama, il demeure encore et toujours le militant qui s'est opposé à tous les régimes qu'a connus la Tunisie ces cinquante dernières années. Il a été emprisonné par Bourguiba, il a affronté Ben Ali et il a résisté au harcèlement de la troïka composée par ses soi-disant amis islamistes et CPR. Cœur blanc, jamais rancunier, il a passé l'éponge sur tout ce qu'il a subi par les islamistes et Moncef Marzouki durant les années 2011-2014 et leur a tendu de nouveau la main, comme lors des années de Ben Ali. Pour 2023, ce n'est que le remake d'un mauvais film où il jouera toujours le rôle de bête noire du régime despotique. Ahmed Nejib Chebbi sera, comme à son habitude, celui qui dira la vérité haut et fort face aux mensonges, et celui qui militera encore et toujours pour les libertés, la justice et l'équité. Souillé par Al Karama, il est désormais blanchi par Abir Moussi et honoré par Kaïs Saïed. Il revient en force sur le devant de la scène avec son titre de toujours : infatigable militant des causes justes.