Le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), Romdhane Ben Amor a assuré qu'il ne s'opposait pas à une collaboration entre la Tunisie et tout autre pays afin de débloquer la situation socio-économique. Néanmoins, il a considéré que l'Union européenne (UE) a exploité l'instabilité de la situation politique en Tunisie afin de pousser le pays vers l'application de certaines politiques. Invité le 13 juin 2023 à « La Matinale » de Malek Khaldi sur Shems Fm, Romdhane Ben Amor a indiqué que le déséquilibre de la relation liant la Tunisie à l'UE a été constaté depuis l'adoption de l'Accord d'association de 1995. Il a, également, rappelé que le FTDES et plusieurs autres organisations et composantes de la société civile ont exprimé leur refus face à un possible accord de refoulement proposé en 2014 et lors de l'entame des négociations d'un Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca). « Nous avons réussi à faire échouer la conclusion de l'Aleca… Aujourd'hui, nous maintenons la même position. L'UE ne pense qu'à ses intérêts. Il est dans son droit… Elle exploite la dégradation de la situation politique, sociale et économique afin d'imposer de nouvelles choses. Le premier ministre Néerlandais (Mark Rutte) a considéré qu'il s'agissait d'une opportunité… La Tunisie a besoin de fonds. Il pense pouvoir les pousser à faire quelques concessions », a-t-il dit. Romdhane Ben Amor a assuré que le projet d'accord entre l'UE et la Tunisie reposait uniquement sur la question de la migration irrégulière. La question des énergies renouvelables ou de la digitalisation sert, selon lui, d'écran de fumée. Il a assimilé la chose à des produits de beauté. Il a expliqué que dans certains cas l'UE proposait des fonds tout en sachant que certaines dispositions des accords étaient impossibles à appliquer. Le porte-parole du FTDES a considéré que le montant de l'enveloppe ne sert qu'à amadouer les foules et a insisté sur le fait qu'il ne s'agit que d'un mémorandum d'entente et non d'un accord finalisé. « On ne peut pas nous expliquer que l'adhésion au programme Erasmus+ est un exploit. Nos lauréats vont être accueillis chez eux où ils y resteront. Il ne peut pas s'agir d'un exploit… La partie tunisienne doit aborder la question de la libre circulation des Tunisiens ! S'agit-il d'un sujet sensible dont on ne peut parler ? On n'évoque pas le refoulement forcé de groupes de migrants en situation irrégulière… Pourquoi l'UE procède-t-elle à un refoulement forcé et aléatoire de centaines et de milliers de migrants tunisiens en situation irrégulière ? On nous affirme que cela a eu lieu dans le cadre du respect des droits de l'Homme ! Arrêtez de diffuser de fausses informations… Le 30 mars, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné les autorités italiennes, car elle n'a pas respecté la loi et a porté atteinte aux droits de migrants tunisiens », a-t-il déclaré. Romdhane Ben Amor a indiqué que l'expulsion forcée de migrants tunisiens en situation irrégulière avait lieu dans d'autres pays tels que la France ou l'Allemagne. Cette mesure est accompagnée d'une série de lois discriminatoire menaçant même ceux ayant passé une dizaine d'années en tant que migrants réguliers sur le territoire européen, mais qui se trouve par la suite dans une situation d'irrégularité. Le responsable du FTDES s'est interrogé sur l'absence d'échanges au sujet des agences jouant le rôle d'intermédiaire pour l'obtention de visas. « L'Italie avait l'habitude de refouler 80 migrants par semaine. Avec ce nouveau gouvernement, le chiffre est passé à 160 personnes par semaine. L'Allemagne a entamé l'expulsion de migrants en 2015. L'année dernière, plus de douze avions venant d'Allemagne et remplis de migrants tunisiens ont atterri en Tunisie. La France a entamé l'expulsion fin 2020, soit avec les récents gouvernements. De plus, il y a un point flou : la réadmission des migrants. Il a exprimé l'opposition du FTDES à ce point. Il a expliqué que ce genre de mesures était contraire aux traités et aux accords internationaux », a-t-il poursuivi. Romdhane Ben Amor a indiqué que les ports sûrs étaient ceux des pays dotés d'un système juridique protégeant les droits des migrants et des réfugiés. L'octroi de cette qualité aux ports tunisiens donnera droit à tout navire ayant à son bord des migrants en situations irrégulières d'amarrer en Tunisie qui est dans l'obligation de les accepter. M. Ben Amor a, aussi, expliqué que le gouvernement préparait un projet de loi définissant une zone de recherche et de sauvetage. La même chose a eu lieu en Libye. On élargit la zone d'intervention des garde-côtes chargés de procéder à des opérations d'interception. « La Tunisie a intercepté, l'année dernière, 38.400 migrants. Du 1er janvier au 31 mai, la Tunisie a intercepté 23.400 migrants. Depuis juillet 2021, la Tunisie a intercepté plus de 70.000 migrants se dirigeant vers l'espace Schengen. Ce chiffre représente plus de 60% ou 65% du total des migrants interceptés durant les dix dernières années. Ces chiffres démontrent que nous sommes devenus le premier rempart en matière de migration… Les pêcheurs de Chebba ont indiqué que les garde-côtes ne luttaient pas contre la pêche sauvage », a-t-il expliqué. Romdhane Ben Amor a, aussi, indiqué que le ministère de l'Intérieur et les garde-côtes ont arrêté de publier des communiqués les chiffres liés aux opérations d'interception de migrants pendant près de deux semaines. Il s'agit d'un changement au niveau de la stratégie de communication des autorités tunisiennes. Les opérations d'interceptions auront lieu, selon lui, dans le cadre d'une dissimulation des chiffres et des données. Le porte-parole du FTDES a indiqué que les leaders de l'UE ont, récemment, adopté une décision renforçant le refoulement de migrants. La Tunisie est le premier cas de figure où cette mesure sera appliquée. Il a, également, évoqué une facilité d'accès sur le territoire tunisien à partir du territoire algérien. Romdhane Ben Amor a appelé à garantir l'accès aux migrants aux services publics tels que l'éducation, le transport et le suivi médical. Il a indiqué que l'UE cherchait à bloquer les migrants subsahariens au niveau de la Tunisie et à empêcher leur arrivée sur le territoire européen. Il a considéré que l'UE devait trouver un moyen de passage sécurisé vers l'Europe. Il a expliqué que la Tunisie était la victime des politiques européennes et qu'elle en subissait les conséquences.