La montée d'un nouveau racisme politique n'est plus à prouver en Europe. Les racines de ce racisme politique sont anciennes bien évidemment. Mais l'arrivée par vagues au pouvoir de dirigeants porteurs d'une idéologie d'extrême droite ces dernières années, constitue un changement des paradigmes. Le contexte en Europe est à la montée en puissance de la xénophobie et du sentiment anti-migrants. L'Europe des Lumières, des droits humains, de la démocratie, de la tolérance n'aime plus les étrangers, surtout ces Africains et Magrébins des anciennes colonies. Quel Tunisien n'a pas ressenti cette humiliation de devoir préparer une longue liste de documents, d'attendre des lustres pour avoir un rendez-vous et puis d'attendre encore pour espérer une réponse favorable à un visa touristique d'un pays européen. Il y a encore un an, la France avait décidé de restreindre les quotas et des milliers de Tunisiens, tous profils confondus ont vu leurs demandes rejetées sans qu'il n'y ait de motif valable. Si cette mesure a été levée depuis, il n'en demeure pas moins que rien ne garantit à un Tunisien, qu'il soit enseignant universitaire ou épicier, d'obtenir le droit de fouler la terre européenne. Nos partenaires de l'Union européenne ne s'embarrassent plus de dissiper la confusion entre la lutte contre l'immigration irrégulières et le droit à la libre circulation pour tout humain quelle que soit son origine. Nos amis italiens, menés par Giorgia Meloni, avec qui notre Président a signé tout récemment un mémorandum d'entente, ne cessent de nous démontrer l'étendue de leur amitié. L'activiste politique et ancien député Majdi Karbai nous apprend par exemple que les services consulaires italiens avaient mis en place un nouveau dispositif qui consiste à interviewer les demandeurs de visa en leur posant des questions au sujet de la Palestine, ce qui se passe à Gaza et le Hamas. Et en plus de ces restrictions au niveau de l'octroi des visas, les Tunisiens qui voudraient décrocher des contrats de travail en Italie devraient désormais s'acquitter de la somme de dix mille euros. Par ailleurs, l'ancien député a affirmé que les pensions qui sont versées aux familles des travailleurs tunisiens en Italie avaient été suspendues. Il révèle aussi que les rendez-vous pour le renouvellement du permis de séjour s'étalaient actuellement sur deux ans alors que cela prenait 45 jours. Autre signe d'amitié de nos partenaires privilégiés, plus de 500 étudiants tunisiens se sont vu refuser le visa sans explications. Les promesses européennes faites en marge de la signature du mémorandum d'entente sur la question migratoire ont pris de l'eau. A la lecture de la situation, les belles paroles en l'air n'auraient été qu'un écran de fumée ayant pour seul but d'externaliser le problème des migrants en dehors des frontières européennes. « L'Europe persiste à soutenir des accords, des programmes et des projets qui favorisent ses intérêts et ses priorités, et qui empêchent tout flux vers son sol. Une politique qui a pour conséquence de parquer les migrants dans les pays non européens », avaient relevé un collectif d'organisations tunisiennes pas plus tard que la semaine dernière, dénonçant la gestion sécuritaire répressive et une crise provoquée par les politiques migratoires inhumaines de l'Union européenne avec l'aval de l'Etat tunisien. En Italie toujours, les migrants qu'ils soient Tunisiens, Magrébins, Africains et d'autres nationalités du Sud, sont parqués dans des centres de détention aux conditions inhumaines. Plusieurs violations ont été constatées et des associations ont déposé plaintes. Entassés comme du bétail, ils ont droit à de la nourriture avariée, pas de couvertures ou de vêtements, des cellules insalubres, des conditions sanitaires indignes. Ils sont victimes de maltraitance et on leur donne des psychotropes. Sur les quatre dernières années les Tunisiens représentaient 53% de la population détenue. Ils représentent, également, la majorité de la population qui sera expulsée vers le pays d'origine. Un bel exemple de coopération et de respects des droits humains.
En France maintenant. Une loi immigration, ou plutôt anti-immigration, a été votée. Portée par Emmanuel Macron, président de la suppression des clivages droite-gauche, président qui entre-les-deux-tours de la présidentielle disait à Marine Le Pen qu'il combattait ses idées, son parti, son histoire et son positionnement politique. Le voilà donc qui devra signer une loi où se manifeste le mieux la philosophie de ce parti. Marine Le Pen peut s'en féliciter. Elle a d'ailleurs réagi en ces termes : « On peut se réjouir d'une avancée idéologique, d'une victoire même idéologique du Rassemblement national puisque est inscrit maintenant dans cette loi la priorité nationale. C'est-à-dire l'avantage donné aux Français par rapport aux étrangers présents sur le territoire ». Cette loi, il faut le comprendre, ne vise pas à mettre fin aux flux migratoires. Elle concerne les migrants tout à la fois régulier et irréguliers qui vivent déjà en France. Elle peut aussi concerner les binationaux dans certaines clauses. Jean-Marie Le Pen portait ce projet depuis des décennies déjà et voilà que la Macronie lui offre ce cadeau, ou plutôt en fait cadeau à toutes cette droite qui s'extrémise et l'extrême droite qui en sort triomphante. A l'époque, les propos du fondateur du Front national, rebaptisé Rassemblement national, faisaient scandale. La préférence nationale dans le travail, c'est-à-dire les Français et les Européens en priorité, disait Jean-Marie Le Pen. Aussi, la priorité dans les services sociaux, dans l'attribution des HLM, dans la politique familiale… Ainsi, les gens n'ont plus de raison de rester et donc rentrerons chez eux. C'est ce que défendait le père Le Pen et son héritière en récolte actuellement les fruits. La préférence nationale était une expression de cette extrême droite à laquelle on opposait un barrage républicain, mort et enterré aujourd'hui. Elle est devenue banale. Est instaurée par la loi une différence entre un Français dit « de souche » et un résident en situation régulière. La musique du Front national a pris dans la politique et la société française et se concrétise avec cette loi. Le texte porte cette empreinte idéologique raciste et xénophobe : expulsions avec moins de complications, restriction du regroupement familial, déchéance de nationalité, restriction du droit du sol, caution pour les étudiants, délimitation des aides sociales et de l'accès aux soins, du droit imposable au logement… Commentant ce vote l'éditorialiste Jean-Michel Aphatie s'est ainsi exclamé : « Pour la première fois les aides sociales seront conditionnées non pas par le rapport au travail, mais par la nationalité. Du jamais vu ! … C'est une république qui change de visage. Du jour où Macron publie cette loi au Journal officiel, le Macronisme devient une variante du Lepenisme ».
Cela ne concerne pas uniquement l'Italie ou la France. Montée des populismes d'extrême droite, poussées xénophobes, il ne fait pas bon être étranger ou binational non-occidental dans cette Europe, qui renoue finalement avec ses anciens démons et les pensées fascisantes sous une nouvelle forme. La matérialisation de ces idéologies met à mal les valeurs que l'Europe se targue de porter.