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À la recherche du doigt bleu
Publié dans Business News le 27 - 12 - 2023

C'est au détour d'une phrase, lors d'une visite à El Fouladh, que le président de la République s'est prononcé sur la débâcle des élections locales boycottée par près de 90% des Tunisiens. Sans étude, sans sondage, sans rien de scientifique, Kaïs Saïed a estimé que le faible taux de participation est lié au rejet du Tunisien de l'idée du Parlement.

Officiellement, le taux de participation au premier tour des élections locales du dimanche 24 décembre est de 11,66% corrigé à 11,84%. D'après l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), il y aurait eu 1.047.878 Tunisiens qui se sont déplacés aux urnes ce dimanche. Soit approximativement plus d'un Tunisien autochtone sur dix.
Le chiffre officiel aurait pu faire l'objet de débat, si l'Isie autorisait la liberté d'expression et de débat. La loi électorale, sur laquelle elle veille au grain à coups de procès intentés contre les voix critiques, interdit de remettre en doute les chiffres qu'elle fournit voire même de s'interroger sur son indépendance.
Pourtant, force est de constater que les observateurs (journalistes, ONG, politiciens) n'ont pas vu de bureaux de vote bondés. « Nous n'avons rien vu des 11,66% dans les bureaux de vote », a indiqué Ahmed Nejib Chebbi lors d'un point de presse laissant entendre que le chiffre annoncé par l'Isie est erroné. « Nous doutons fort de la véracité des chiffres (…) Les bureaux de vote étaient vides et sans aucun participant (…) Le taux de participation était probablement de zéro virgule », a-t-il déclaré.
Le sentiment de M. Chebbi est partagé par des millions de Tunisiens. Un million de personnes dans les bureaux de vote, cela doit être visible à l'œil nu. Au-delà de la présence dans les bureaux de vote, il y a un autre constat à la portée de tout un chacun. Quand un 1/10 des Tunisiens est allé voter dimanche, cela implique automatiquement qu'un Tunisien sur dix ait le doigt tâché de bleu.
Or dans les marchés, les magasins, les cafés et la rue, on ne voit pas vraiment de doigts bleus chez les gens. Sans remettre en doute la véracité des chiffres fournis par l'Isie, il y a là des interrogations qui méritent des réponses et des constats que tout média qui se respecte se doit de partager avec son lectorat.

Le premier qui a l'obligation politique et morale de donner des éléments d'explication est incontestablement le président de la République. La tradition (dans le monde) exige que le chef de l'Etat (ou de son parti) se prononce le soir même des élections.
Kaïs Saïed a une vision extraterrestre de la politique. Dimanche 24 et lundi 25 décembre, il s'est muré dans le silence. Mardi 26, il a effectué une visite surprise à l'usine El Fouladh spécialisée dans la transformation de la ferraille. Dans une vidéo d'une quarantaine de minutes publiée par la présidence de la République à 20h50, il a consacré l'essentiel de ses propos à la ferraille, à la déliquescence du service public, au rôle de ce dernier. Il n'a consacré que quelques secondes au sujet des élections qui devrait pourtant être la préoccupation majeure de l'instant.
C'est comme si Kaïs Saïed opérait une manœuvre de diversion pour que les médias cessent de parler de la débâcle électorale et orientent leurs sujets vers la ferraille, les entreprises publiques et la privatisation.
L'heure politique doit être, par excellence, consacrée aux élections. Que le président de la République ait un autre avis, cela ne devrait pas changer les priorités.
« L'opération électorale a eu lieu en toute indépendance. Je préfère des résultats réels à ceux falsifiés à 99%. Il faut dire que l'abstentionnisme résulte principalement du rejet des citoyens de l'idée du Parlement. C'est aussi paradoxal, de voir les Tunisiens qui sont tombés en martyrs pour avoir un Parlement, rejetant aujourd'hui l'idée du Parlement. Il faut du temps, certainement, pour que le peuple retrouve la confiance », a déclaré le président de la République. C'est par ces trois phrases, prononcées en quelques secondes, que le sujet électoral et la polémique qui s'en est suivie devraient être clos aux yeux du chef de l'Etat. Notons, au passage, que ce sont les mêmes éléments de langage utilisés par les chroniqueurs de médias réputés lui être proches, durant leurs interventions lundi et mardi.

Qui Kaïs Saïed espère convaincre par ses propos ? Le million de Tunisiens qui sont allés aux urnes ou les huit millions qui se sont abstenus ?
Chacun des huit millions d'abstentionnistes sait pourquoi il n'est pas allé voter dimanche dernier.
Pour que les propos présidentiels soient crédibles et convaincants, ils doivent être basés sur des études scientifiques. Un sondage d'opinion, par exemple, qui interroge un échantillon représentatif de Tunisiens sur les raisons de leur abstention. Ce n'est qu'ainsi qu'on saura si les abstentionnistes ne sont pas allés aux urnes, dimanche, parce qu'ils n'ont pas confiance au Parlement, comme le dit le chef de l'Etat, ou parce qu'ils ont décidé de boycotter afin d'affirmer leur désapprobation totale du projet présidentiel, comme l'analysent plusieurs médias et politiques. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut savoir si les Tunisiens n'ont pas confiance au parlement ou s'ils ne font pas confiance au Président.
À défaut de sondage réel et scientifique et d'un large débat médiatique, tout ce qui se dit à propos de l'abstention est de la littérature faite d'impressions et de suppositions et non de faits réels et tangibles.
Grand féru de littérature, et ce n'est un secret pour personne, Kaïs Saïed balaie d'un revers de la main ces considérations scientifiques. Il cherche à imposer sa propre lecture de l'abstention, au détour d'une visite anachronique et populiste, comme si le sujet des élections était un fait anodin qui ne mérite pas davantage de temps et d'énergie.
En se prononçant à la place de huit millions de Tunisiens abstentionnistes, Kaïs Saïed insulte l'intelligence de ces derniers et se dédouane de toute responsabilité. Dans le déni, il refuse de croire qu'une partie de ces abstentionnistes a manifesté son rejet du projet présidentiel et non son manque de confiance au Parlement.
Pour rappel, il y a eu 4,3 millions d'électeurs pour la constituante de 2011, 3,5 millions d'électeurs aux législatives de 2014 et 2,9 millions d'électeurs pour les législatives de 2019. Ces trois élections organisées avant le putsch du 25 juillet 2021 ont vu la participation d'observateurs tunisiens et étrangers indépendants, une forte mobilisation médiatique et la présence de l'ensemble des partis dans les bureaux de vote. La transparence requise était totalement respectée durant ces trois élections.
En revanche, pour les trois scrutins imposés par Kaïs Saïed depuis son putsch, la démobilisation était totale. Il y aurait eu 2,8 millions de votants au référendum 2022, un million de votants au premier tour et 895.000 au second tour des législatives 2022-2023 et un million au premier tour des élections locales de décembre 2023. Il nous est interdit de remettre en doute la transparence et la régularité de ces trois élections, mais il est bon de constater qu'il n'y a pas eu vraiment de mobilisation médiatique, qu'il y a eu très peu d'observateurs indépendants et qu'il n'y a pas eu de partis dans les bureaux de vote.
À défaut de sondages scientifiques, on se remet donc aux faits et aux chiffres et ces faits et chiffres ne devraient pas conclure à un manque de confiance au Parlement, comme s'est aventuré Kaïs Saïed à le dire. Il ne peut être que démenti par une partie (une bonne partie ?) des huit millions de Tunisiens qui ont refusé de se salir le doigt dimanche 24 décembre.
Kaïs Saïed peut jouer le déni et la diversion, il peut donner ses propres interprétations, il peut dire que les résultats sont réels et que l'opération électorale a eu lieu en toute indépendance, les chiffres et les faits restent têtus, tout comme la conviction profonde et inconnue des abstentionnistes.


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