Le régime a réussi l'exploit d'échouer sur tous les plans. Bien évidemment, la démagogie officielle ne parle que de réussites retentissantes et d'approches qui ont révolutionné le présent du peuple et qui sont en train de métamorphoser son avenir et celui de toute l'humanité. Un pouvoir qui semble évoluer dans une dimension parallèle et qui ne perçoit pas le gouffre vers lequel il nous entraîne tous sans exception aucune. L'échec retentissant est pourtant bien réel en dépit de l'aveuglement et du déni qui s'est emparé de la tête du pouvoir, de sa cour et des masses abruties par le matraquage incessant d'un populisme primaire, mais efficace. L'illusion est ainsi maintenue en évoquant des crises provoquées par des entités à la fois occultes et connues par tous. L'emphase et l'oxymore sont légion pour accaparer l'attention de foules hébétées et qui ne demandent qu'à croire au mirage qu'on leur fait miroiter. L'emprise s'est instaurée en titillant ce qu'il y a de plus primitif en ces foules, en attisant les haines et la division contre des ennemis chimériques qui n'ont d'autre objectif que de mettre des bâtons dans les roues au sauveur du peuple.
Ainsi, ce n'est plus le pouvoir qui est responsable des échecs, mais les innombrables comploteurs qui ourdissent des plans pour lui nuire et porter atteinte au peuple. Les gens ont faim et soif, la vie est trop chère, les pénuries sont devenues la norme, le chômage atteint des sommets, tous les systèmes sont au bord de l'effondrement, mais les masses continuent d'applaudir la guerre menée par le dirigeant messianique contre des vilains traîtres. Cette approche peut marcher pour un temps seulement. Cependant, le fait d'attiser les haines et la discorde en invoquant des complots à tout bout de champ ne peut qu'entraîner des conséquences néfastes à moyen et long terme.
Parmi les innombrables échecs de ce régime, on citera la gestion de la crise migratoire. Il y a une année, de malheureuses phrases lancées par le chef de l'Etat ont généré un véritable chaos. Il avait affirmé en conseil de sécurité nationale que l'afflux de migrants subsahariens était un complot dont le but est de changer la composition démographique de la Tunisie. Il avait indiqué que des conjurateurs s'organisent pour que ces "Africains" s'établissent et colonisent le pays à l'aide de transferts d'argent suspects. Il n'en fallait pas moins pour qu'une chasse aux "Africains" soit lancée par des citoyens très apeurés qu'on tente de les grand-remplacer. Depuis, l'afflux de ces pauvres migrants, qui n'ont d'autre objectif que de traverser la Méditerranée vers le présumé eldorado européen, n'a pas tari. Et puisque la Tunisie est devenue véritablement le gendarme de la mer, elle n'a eu de cesse d'empêcher ces gens de faire la traversée et ils se sont donc retrouvés coincés sur place. Des centaines, des milliers de migrants démunis livrés à eux mêmes, parqués dans les oliveraies et autres champs, pire que des animaux. L'importante présence de ces personnes affamées et sans toit, ne pouvait que déranger les habitants et créer des tensions. On ajoute à cela les discours haineux et racistes des responsables politiques et le racisme bien décomplexé chez beaucoup de Tunisiens, la situation ne pouvait que devenir explosive.
Comment l'Etat tunisien a-t-il géré la crise ? En employant des méthodes purement sécuritaires pourchassant ponctuellement les migrants. En parlant de complots et en attisant la peur et la haine sans présenter de réelles solutions. En traitant des migrants comme des moins que rien, indignement, inhumainement. En laissant la situation pourrir jusqu'à ce qu'on arrive aujourd'hui au risque que les choses dégénèrent. Les candidats à la traversée arrivent à pied depuis les frontières algériennes, ils traversent la Tunisie d'Ouest en Est pour arriver sur les côtes de la Méditerranée. L'Etat est incapable de contrôler ses frontières. Dès le début de la crise, le pouvoir n'a fait que parler de plans machiavéliques sans agir rapidement. Laisser des gens livrés à eux-mêmes dans la nature ne pouvait que dégénérer. L'Etat avait la responsabilité de les héberger dans des espaces sûrs sous sa supervision ou de créer des centres d'hébergement provisoires, le temps par exemple de les intégrer ou de les transférer vers leur pays de provenance ou un pays tiers. L'Etat se devait de réagir rapidement et de mettre en place une stratégie en coordination avec les organisations et non pas les diaboliser. C'est ainsi qu'on a vu récemment les réactions de certains "élus" du peuple qui s'indignaient qu'une organisation puisse émettre un appel d'offres pour héberger les Subsahariens dans une installation hôtelière. Un député a même eu cette phrase qui tombe sous le coup de la loi :"Ils veulent héberger des gens, qui vivaient dans la jungle africaine, dans les hôtels tunisiens"!. Immonde.
Incompétence, mauvaise gestion, racisme, idées fascistes décomplexées, la colère qui gronde chez les habitants confrontés à la crise et chez les migrants bloqués sans issue sur le sol tunisien... sont tout autant de manifestations de l'échec retentissant de ce pouvoir.