Le tourisme de plaisance est générateur de recettes en devises plus conséquentes que les revenus provenant du tourisme classique. Il procure de l'emploi direct et indirect. Il cible une gamme de clientèle que le tourisme national ne connaît pas encore L'activité risque pourtant de ne pas connaître l'expansion souhaitée. Elle piétine. Les formalités administratives et règlementaires sont lourdes, longues et compliquées. Des lourdeurs entravent les démarches à l'entrée et à la sortie, voire le déplacement d'un port à l'autre à l'intérieur de la Tunisie Le magazine "Tourisme infos" a convié les professionnels de la plaisance, exploitants, gestionnaires de ports et industriels nautiques, représentants du ministère du Transport, pour débattre des problèmes qui freinent le développement de ce genre de tourisme. Objectif : redynamiser la plaisance et lui donner un nouveau souffle. Bien qu'elle soit au cur de la Méditerranée, dotée de sept ports de plaisance, de 1300 km de côtes et surtout d'avantages assez intéressants, la Tunisie n'arrive pas, aujourd'hui encore, à séduire les plaisanciers. Ils sont moins de 1% de l'ensemble des bateaux sillonnant Mare Nostrum à jeter l'ancre dans l'un des ports de plaisance tunisiens. Et pourtant, on avait cru à ce créneau porteur. Au départ, une étude a été effectuée dès 1975, sur une initiative de l'Office National du Tourisme Tunisien (ONTT). La première journée de plaisance a été célébrée en 1989, puis en 1993,1994 et 1995. Après, c'est le calme plat. Il a fallu attendre 2005, pour lancer une nouvelle étude sur la même question. Réalisée par le bureau marseillais, "Créocean", elle a relevé les mêmes problèmes, les mêmes embûches, affirme Ahmed Mootamri, responsable de la Marina Yasmine Hammamet, le seul port de plaisance privé, le six autres étant sous la tutelle du ministère du Tourisme. L'activité est en veilleuse pour ne pas dire en déclin, a indiqué Afif Kchok, directeur de Tourisme Infos. Comment peut-on lui redonner un coup d'éclat ? Comment la revitaliser d'autant plus qu'une industrie nautique est bien installée. Elle réalise en moyenne un chiffre d'affaires de 60 MD, et emploie quelque 2000 personnes sinon plus. Cependant, certains industriels nautiques, à l'instar de Hédi Gharbi, vice-président de la Chambre Syndicale des industries nautiques, se sont décidés à fermer boutique faute justement de procédures et de formalités. Fabricant de bateaux, il n'arrive plus à honorer ses engagements vis-à-vis de ses clients, faute de procédures. Les bateaux sont prêts, a-t-il indiqué, mais on n'arrive pas à les faire sortir du pays, les clients attendent et on est en pleine saison ». En tous les cas, les participants, professionnels de la plaisance, sont unanimes : « Actuellement, l'activité de plaisance est très peu développée. Elle ne représente que 0,7% de la capacité d'accueil en Méditerranée. Sur un total de 270 mille de bateaux qui sillonnent les mers et océans, chaque année, à travers le monde, la Tunisie en accueille moins de 1%, soit l'équivalent de 2.500 bateaux par an ». Pis encore, le ratio d'équipement est des plus faibles de la région. Il tourne autour de 0,25 bateau pour 1.000 habitants. On se demanderait alors, où en est la plaisance aujourd'hui ? Qu'en est-il de l'exploitation et de la gestion ? Est-elle réellement un produit touristique à part entière ? Quelles sont les conditions d'accueil et de services dispensés aux plaisanciers ? Quelles promotions doit-on imaginer pour séduire les plaisanciers ? Quelles formalités administratives et règlementaires faut-il prendre? Il semblerait que c'est cette dernière question qui a remué le couteau dans la plaie. Au fait, de l'avis de tous les participants c'est justement là, où le bât blesse. « La plus grande entrave et le plus grand frein au développement du tourisme de plaisance en Tunisie, sont justement les formalités et procédures administratives d'entrée et de sortie du territoire et même du déplacement à l'intérieur du pays, d'un port à un autre », a déclaré Ahmed Mootamri. Et d'ajouter : « Il faut 45 secondes pour entrer dans un port européen. Chez nous, c'est un véritable casse-tête chinois qui décourage les plaisanciers à venir dans nos ports. Entre la visite des douaniers sur le yacht, le formulaire à remplir, les questions interminables, parfois ridicules, genre : combien avez-vous de téléphones portables ? Combien d'appareils électriques avez-vous à bord ? Autant de formalités qui bloquent le développement de la plaisance et l'arrivée d'une clientèle haut de gamme et surtout dépensière ». Les dépenses, justement. Nul ne peut nier que l'activité est fortement génératrice de devises. De l'avis des professionnels, un bateau de 40 mètres a besoin de deux voitures de location, d'un bus pour le personnel ; environ 4 à 5 mille dinars de ravitaillement, 100 mille litres de gasoil, d'entretien du bateau .En 15 jours, le bateau peut laisser 40 mille dinars en Tunisie, et c'est un minimum ! Un chiffre qu'aucun hôtel ne réalise en si peu de temps. Autre problème non moins important, l'acquisition et l'immatriculation des bateaux en Tunisie. Elles obéissent à des formalités monstres et surtout longues. Pour immatriculer ou acheter un bateau, l'intéressé doit subir une enquête policière. Pour Daniele Nadotti, industriel nautique implanté dans la zone franche de Bizerte, il serait judicieux d'appliquer le même régime des véhicules « RS », aux bateaux étrangers. Car, en définitive, le bateau est un moyen de transport, tout comme la voiture. Sammouda Marouane, Global Rider, propose de son côté, la création d'un guichet unique pour les formalités administratives et règlementaires relatives à la plaisance, tout comme la création d'entreprise A entendre les professionnels on ne peut que déceler un grand problème de communication, de sensibilisation des agents de la douane, du ministère de l'Intérieur et des autres administrations impliquées dans l'activité, mais aussi de formation aux métiers de la mer. Pour certains professionnels la question des procédures relèverait, dans certains ports, d'un excès de zèle des agents. Il est vrai que du côté de l'Etat et de l'administration, il existe une certaine prise de conscience de l'importance du tourisme de plaisance. Une activité génératrice de recettes en devises. Néanmoins, d'un côté on veut développer, de l'autre on a des craintes liées à l'immigration clandestine qui entravent les initiatives. Le problème de communication existe à tous les niveaux. Il serait peut-être intéressant de commencer par se parler, par communiquer, expliquer et sensibiliser les agents de l'ordre à la question de tourisme de plaisance, il y va de l'image de marque de la destination. Dans ce sens, la très jeune Chambre syndicale des industries nautiques, fraîchement créée, au sein de l'UTICA, a du pain sur la planche, notamment pour ouvrir le débat, faire comprendre ce qu'est le tourisme de plaisance, à distinguer impérativement de la marine marchande, exposer les impératifs, les problèmes, les contraintes . Il serait aussi, intéressant que les professionnels se regroupent au sein d'une Fédération afin qu'ils soient représentatifs et mieux entendus par l'administration. Or cette proposition semble difficile et, pour le moment, la majorité des ports de plaisance dépendent du ministère du Tourisme et ne sont pas privés. Le tourisme de plaisance vaut vraiment la peine que l'on s'y penche avec sérieux, eu égard à son impact sur le tourisme tunisien. Le regroupement des professionnels est indispensable et il se fera tôt ou tard. Faut-il rappeler que l'Etat n'a pas pour mission de gérer ni d'exploiter les ports de plaisance ? Et, partant, les ports seront privatisés et la situation changera. De plus avec la réalisation en cours du 2ème port de plaisance, Bizerte Cap 3000, sur une initiative, entre autres de Kaïs Guigua, investisseur, avec d'autres partenaires, la situation s'améliorera à coup sûr !