"Est-ce normal que je présente la campagne promotionnelle de la destination Egypte devant 320 agences de voyages italiennes et non pas la destination tunisienne ? Et où ? En Tunisie ! Pour le premier trimestre de l'année 2010, une chose est claire. L'Egypte nous a bouffés. Certes, plusieurs facteurs y interfèrent, telles que les conditions climatiques, mais, avouons-le, nous peinons pour booster la destination tunisienne, et ce à cause d'un déficit de communication qui pénalise nos actions ", dixit Jalel Habara, président du groupe italien "Sprintours", un des plus importants Tours Opérateurs italiens, opérant sur la destination tunisienne depuis une vingtaine d'années. Cet aveu fait par M. Habara devant un parterre de journalistes réunis samedi 17 avril 2010 à l'occasion de la tenue du congrès annuel de "Sprintours", est révélateur d'un certain malaise. Avec l'habileté et la précision d'un chirurgien, M. Habara, nous a disséqué les raisons du fléchissement du marché italien tout en précisant que la Tunisie, dans ce contexte hautement concurrentiel, devrait doter le tourisme tunisien d'un budget conséquent afin de gagner en visibilité. Plus encore, en efficacité. L'événement à Sousse était le congrès du Tour Opérateur italien "Sprintours", tenu du 16 au 19 avril 2010. Jalel Habara a convié 320 agents de voyage ainsi que les représentants des médias italiens, qu'ils soient généralistes ou spécialisés dans le tourisme. Ont collaboré à cette action, l'Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) et la compagnie nationale de transport aérien Tunisair. Objectif : passer en revue les problèmes actuels du paysage touristique, notamment ceux rencontrés par les TO, les agences de voyage et les distributeurs italiens, promouvoir les deux villages inaugurés par "Sprintours", en l'occurrence le Village Sprinclub El Kantaoui et le Village Sprinclub Hammamet. Une opération d'envergure qui ne peut être que bénéfique pour la Tunisie, sachant que le marché italien a enregistré, au cours de 2009, une baisse de 13,7%. Mustapha Nasri, représentant de l'ONTT en Italie, nous explique les raisons de ce fléchissement. "Il s'agit, en premier lieu, d'une crise de Tour operating. Plusieurs TO italiens ont croulé sous le poids de la conjoncture économique internationale qui a affecté lourdement l'économie ménagère". Avec un taux de croissance négatif de l'économie italienne et un taux de chômage frôlant les 8%, les Italiens se sont serrés la ceinture et réduit leurs départs tout au long de 2009, après avoir subi une contraction de leurs revenus. Ce sont les TO qui ont payé lourdement la facture. Une dizaine ont fait faillite, dont quatre qui programmaient la destination Tunisie. A eux seuls, ils représentaient 70000 clients, d'où un manque à gagner important. Néanmoins, les résultats du premier trimestre de l'année en cours montrent une légère augmentation du flux de touristes italiens. Faute de statistiques et de données chiffrées, les estimations tablent sur une augmentation de 5% par rapport à la même période de l'année 2009 ce qui laisse présager les prémices d'une bonne reprise pour le marché italien. Cependant, il ne faut pas se laisser emporter par l'euphorie parce que les résultats enregistrés par la destination Tunisie pèsent peu devant celles réalisées par l'Egypte. "Pour le premier trimestre de l'année 2010, une chose est claire. L'Egypte nous a bouffés", a précisé M. Habara. Bien qu'il y ait d'autres facteurs qui influent sur la décision du touriste italien pour le choix d'une telle ou autre destination, y compris les conditions climatiques, il n'en demeure pas moins que les Egyptiens investissent beaucoup dans les campagnes promotionnelles. " Est-ce normal, pour vous, que je présente la campagne promotionnelle de la destination Egypte devant 320 agences de voyages italiennes et non pas la destination tunisienne ? Et où ? En Tunisie ! ", s'est interrogé M. Habara sur un ton amer. Décidément, l'image de la destination Tunisie demeure encore floue et limitée à des clichés simples et récurrents comme la plage, le soleil et le Sahara. Pourtant, "notre pays renferme des potentialités importantes, malheureusement, sous exploitées", a-t-il avancé. Et d'ajouter :"Nous réalisons 27% de notre chiffre d'affaires uniquement sur la Tunisie. Nous sommes identifiés comme l'un des spécialistes de cette destination. Seulement, il est à signaler que la Tunisie, bien qu'elle soit la destination la plus compétitive dans la rive Sud de la Méditerranée, peine à être plus visible. Jouer la carte de la communication innovante, à coup de grandes campagnes, en appuyant sur le concept de "proximité", en réanimant les circuits culturels c'est dont la Tunisie a besoin pour se positionner comme la destination la plus attractive pour les Italiens". Les hôteliers ne doivent pas être du reste. M. Habara explique. "Comment voulez vous qu'on prévoit l'augmentation de 10 à 15% du flux des touristes italiens alors même que la capacité de lits pendant la haute saison demeure limitée ? Depuis combien d'années, on n'a pas vu l'ouverture d'une nouvelle unité ou l'extension des unités existantes ? Malheureusement, la Tunisie n'a pas répondu à cette exigence". Le dur est à avenir pour le président de "Sprintours". "L'arrivée des compagnies low cost va basculer le paysage de fond en comble. Mis à part qu'elles desservent uniquement les destinations les plus rentables et à des tarifs beaucoup moins chers, elles ont développé un tourisme d'appart-hôtels et ce pour 100 euros uniquement. En ce sens, que les hôteliers doivent agir pour face à cette nouvelle donne. Même nous autres, à certains moments, nous devons contracter nos marges en axant nos efforts sur la réduction du nombre de passages. C'est ce que j'ai expliqué aux représentants des agences de voyages présents aujourd'hui. Il n'est plus question qu'un client passe par quatre ou cinq acteurs alors même qu'il peut réserver sur internet. On ne peut pas rester immobile face aux low cost et l'émergence des agences de voyages en ligne", a-t-il souligné. En attendant que le brouillard se soit dissipé, M. Habara n'entend pas baisser les bras et poursuit son engagement vis-à-vis de son pays. Le TO "Sprintours" entend bien continuer à promouvoir et à mieux vendre la destination Tunisie, profitant notamment de la baisse de certains marchés. M. Habara a tout fait pour adresser un message d'optimisme axant sur la stabilité et la quiétude régnant dans le pays ainsi que les produits diversifiés et adaptés aux touristes italiens, sans compter la proximité régionale et culturelle entre les deux pays. "Le ministère du Tourisme et l'Office national du tourisme tunisien (ONTT) soutiennent fortement nos actions afin de promouvoir la destination Tunisie et y drainer davantage de touristes. Et notre responsabilité est de bien renvoyer l'ascenseur, à la Tunisie consolidant nos efforts pour vendre plus et mieux cette destination", a-t-il tempéré. Mais il faut bien plus que ça. " Sans mettre en doute les efforts consentis par l'administration tunisienne, surtout en matière de diversification des produits touristiques, il faut doter le secteur touristique d'un budget conséquent afin de rendre l'action promotionnelle et publicitaire percutante et promouvoir le tourisme culturel, écologique et le tourisme de chasse", a-t-il précisé. Bon à rappeler, M. Habara est le seul TO tuniso-italien propriétaire d'un hôtel en Tunisie, plus précisément, à Djerba. Il s'agit de l'ancien Abou Nawas Golf devenu Sprinclub Djerba Golf & Spa, de catégorie 4 étoiles avec une capacité de 492 lits racheté pour un montant de 19,6 MD. M. Habara, fondateur du groupe « Spring Club Villagi Vacanze » est un Tunisien qui réside en Italie depuis plus d'une quarantaine d'années. Aujourd'hui, son groupe, c'est 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, avec une présence notable en Italie, en Egypte, mais aussi et surtout en Tunisie. Sprintours est également un spécialiste de Tabarka puisqu'il a été le tout premier TO à atterrir sur l'aéroport de la Cité du Corail dès son inauguration en 1993. Walid Ahmed Ferchichi