L'événement de la semaine dernière était incontestablement, l'énième bras d'honneur envoyé au monde entier par les Israéliens. Un carnage en haute mer dans les eaux internationales avec, une bonne dizaine de morts, le tout en toute impunité. Je ne sais pas quel est le sentiment de puissance que l'on a lorsqu'on est assoiffé de sang et que l'on peut tuer en toute impunité, mais ce sentiment ne devrait pas être humain. J'aurais dit bestial, mais il se trouve que les bêtes ne tuent jamais pour le simple plaisir de tuer. Ce n'est pas une première et ce ne sera certainement pas une dernière. Cela fait des décennies que les Israéliens agissent en toute impunité et lèvent des bras d'honneur au reste du monde et aux conventions régissant ce monde. Actes qui ont fini par déclencher la colère du monde entier. Une colère que chacun manifeste à sa façon. Regardons celle des Arabes, premiers visés par les bras d'honneur des Israéliens. Pour manifester leur désapprobation, les Arabes ont toujours adopté la même tactique : ils dénoncent. Ils dénoncent, ils dénoncent et ils dénoncent. Depuis des décennies, ils n'arrêtent pas de dénoncer. Certains nouent des relations avec les Israéliens, aujourd'hui, et ils dénoncent ces mêmes Israéliens demain. Le surlendemain, ils font de nouveau du business avec les Israéliens (qui n'ont pas changé entre-temps) avant de dénoncer encore une fois le sur-surlendemain. Qu'ils soient milliardaires, remplis de pétrodollars, fauchés ou chômeurs, les Arabes dénoncent. C'est leur façon de manifester leur colère. Une façon différente de celle des Turcs qui, vous en conviendrez, est plus intéressante que celle des Arabes. Nous, en bons Tunisiens, on connaît les uns et les autres puisque nous avons été occupés et par les Arabes et par les Turcs. Et on ne le sait que trop. Contrairement aux Arabes, les Turcs ne dénoncent pas quand ils sont en colère, ils réfléchissent. Et après avoir réfléchi, ils agissent. J'ignore si les Turcs cherchaient à se faire un coup de pub ou à agir réellement en humanitaires, mais ils ont agi avec maestria en décidant d'envoyer une flottille avec plein de bateaux, de vivres et de drapeaux blancs. Colis destinés aux Palestiniens emprisonnés dans l'enfer des Israéliens. Le résultat ne s'est pas fait attendre. Les Turcs ont réussi à bien faire parler d'eux et à donner la pire image qui soit des Israéliens. Le jour même où leur premier ministre devait être reçu à la Maison Blanche, voilà qu'ils sont traités comme de vulgaires pirates tueurs de la Méditerranée. Quelques bateaux remplis de quelques humanitaires et voilà que toute la planète s'adresse à vous avec grand respect ! Voilà qu'en deux temps trois mouvements, vous êtes devenus la vedette de la rue arabe qui, d'un coup, se remémore les bons temps de l'Empire ottoman, ses chéchias et ses cafés. Qu'il soit un coup de pub, coup humanitaire ou coup politique, c'est un coup efficace ! Les Arabes, eux, cela fait des décennies qu'ils crient, qu'ils dénoncent, mais ils n'ont jamais réussi à être efficaces. Ils n'ont jamais réussi à se faire entendre. Au contraire. Et pourquoi personne ne les entend, les Arabes ? Parce qu'ils ne savent pas se faire entendre. Parce qu'ils sont velléitaires. Partisans du moindre effort. Le jour de l'assaut des pirates israéliens sur le bateau turc, les Arabes n'ont fait que dénoncer. Mais qui des richissimes émirs a rebondi sur l'idée pour envoyer quelques autres bateaux humanitaires à Gaza poussant ainsi les Israéliens à répéter la même erreur ? Un seul bateau humanitaire turc et tout le monde a parlé de vous. Imaginez quelques dizaines de bateaux arabes dirigés vers Gaza remplis d'humanitaires, journalistes européens et américains et, pourquoi pas, des Nobel de la Paix ? Avec des drapeaux blancs et beaucoup de caméras et de témoins, ils pousseront inévitablement les Israéliens à reculer et à prendre en considération ce nouveau type de bataille. Mais non, les Arabes friqués préfèrent dénoncer avant d'aller à Paris faire du shopping et à Marbella draguer des nanas. Les Arabes fauchés, quant à eux, préfèrent dénoncer avant d'aller au café du coin fumer leur chicha et attendre, patiemment, le match sur Al Jazeera.