Le gouvernement de Hamadi Jebali vient d'annoncer fièrement que tous les indicateurs sont au vert : hausse de 30,2% des investissements étrangers et de 41,9% de l'investissement déclaré dans l'industrie au terme des trois premiers mois de l'année 2012 par rapport à 2011, baisse de 0,6% des prix des produits alimentaires entre février et mars 2012, etc. Des chiffres positifs sur toute la ligne qui permettent de démontrer l'efficacité de l'action gouvernementale et le rétablissement de santé économique du pays, donc le redressement de la barre. Dernier chiffre en date à être présenté est celui de la croissance. Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances Slim Besbès a annoncé, mercredi 18 avril 2012, un taux de croissance de l'économie tunisienne qui dépassé les 2% au cours du premier trimestre de l'année 2012, précisant que la croissance prévue, pour cette année, par le projet du budget complémentaire pour l'exercice 2012, est de l'ordre de 3,5%. M. Besbès a fait valoir, lors d'un débat avec les membres de la commission des finances, de la planification et du développement à la Constituante, que ce taux de 3,5% est «possible» et «raisonnable», eu égard aux prévisions et indicateurs enregistrés depuis le début de l'année. Les résultats du premier trimestre 2012 tablent sur amélioration des indicateurs liés à l'exportation, aux intentions d'investissements ainsi que ceux relatifs au tourisme. Le hic ! C'est que certains experts économiques et financiers mettent en doute ces chiffres et, par voie de conséquence, les prévisions qui y sont liées. Ainsi, Ezzeddine Saïdane, l'un de ces experts et spécialiste en économie, s'est étonné de ce chiffre annoncé qui reflète et implique une hausse de 4 points par rapport à une année auparavant en expliquant qu'il pourrait s'agir de données préliminaires, tout en précisant que même une croissance nulle aurait été de bon augure au vu de la situation économique du pays. M. Saïdane s'est interrogé, d'abord, sur quelle base s'est fondé l'Etat tunisien pour avancer ces données positives dans la mesure où plusieurs secteurs stratégiques du pays sont encore en berne comme les phosphates et dérivés, le tourisme (d'ailleurs en basse saison) et celui des industries manufacturières. La croissance économique du pays est généralement annoncée par l'Institut national de la statistique (INS) qui calcule la valeur ajoutée dans tous les secteurs actifs de l'économie puis détermine la croissance globale du pays. Or, ces calculs économiques exigent un peu plus de temps pour leur élaboration leur mise à jour et sont annoncés, généralement par l'INS, vers la mi- mai, en ce qui concerne le 1er trimestre de l'année en cours. D'où la conclusion de ce spécialiste qu'il s'agirait de résultats préliminaires. L'expert a relevé, par ailleurs, la contradiction entre les chiffres avancés par le gouvernement et ceux de la Banque centrale de Tunisie (BCT), plutôt alarmistes. En effet, la BCT a souligné, dans son rapport mensuel, l'aggravation du déficit des paiements courants ; la baisse des avoirs nets en devises qui sont revenus à l'équivalent de 101 jours d'importations contre 113 jours à la fin de 2011, frôlant la ligne rouge de 90 jours, et le taux d'inflation qui s'est maintenu, en cette fin du mois de mars 2012, à un niveau élevé de 5,4%. Le Conseil de la BCT a noté que si la baisse des réserves en devises se poursuit, il sera nécessaire de mobiliser d'importantes ressources extérieures, donc de recourir à l'emprunt, pour le reste de l'année. M. Saïdane a, également, relevé la baisse de la valeur du dinar tunisien prouvant, si besoin est, que l'inflation est appelée, probablement, à augmenter (à cause de la hausse des prix des produits importés) et que le pouvoir d'achat du Tunisien va encore baisser. Vu la corrélation de tous les facteurs précités, Ezzeddine Saïdane estime peu probable que la croissance du pays ait atteint les 2% tout en envisageant qu'elle serait plutôt, à la lumière des indicateurs présentés par la Banque Centrale de Tunisie et relayés par le ressenti sur le terrain, nulle, voire carrément négative. Rappelons que le Fonds Monétaire International (FMI) a revu à la baisse ses prévisions de croissance concernant la Tunisie, estimée actuellement pour toute l'année 2012 à 2,2% alors qu'en septembre dernier il prévoyait 3,6% et avait annoncé pour son rapport précédent un taux de 4,4%. Pour 2013, le FMI table sur une croissance en Tunisie de 3,5%, loin des chiffres annoncés lors de la compagne électorale d'Ennahdha de plus de 5%, quoique le programme économique du gouvernement prévoie un taux de croissance de 7% à l'horizon 2015. Nous y reviendrons.