La Banque africaine de développement (BAD) vient de publier une étude qui fait le bilan et examine les perspectives à venir de la sécurité alimentaire en Afrique du Nord, du point de vue de l'économie politique. L'importation de produits alimentaires ne constitue qu'un aspect de la sécurité alimentaire. Les autres variables permettant de déterminer le niveau de sécurité alimentaire dans une région sont les niveaux de richesse, la répartition des revenus et la situation budgétaire. Ces variables diffèrent non seulement d'une région à l'autre, mais également d'une nation à l'autre. Le rapport conjoint Banque mondiale/FIDA/FAO sur l'amélioration de la sécurité alimentaire dans les pays arabes (Banque mondiale : 2009) montre que la forte dépendance des pays du Nord d'Afrique à l'importation les rend vulnérables aux chocs quantitatifs tels que les embargos commerciaux ou des interdictions d'exportation des pays exportateurs de produits alimentaires. La Tunisie et le Maroc sont considérés comme les deux pays d'Afrique du Nord qui se retrouvent dans la catégorie des plus vulnérables car ils sont tous les deux extrêmement dépendants des importations de céréales et en proie à des contraintes budgétaires. Par ailleurs et selon ce même rapport, la proportion moyenne du revenu consacrée à l'alimentation aux Etats-Unis n'est que de 6,8% contre près de 40 % dans des pays de l'Afrique du Nord : la proportion moyenne du revenu consacrée à l'alimentation étant de 35,8%, précise la même source. Selon cette étude, depuis le début des années 1970, la demande alimentaire en Afrique du Nord a augmenté de façon soutenue, sous l'effet d'une croissance démographique et une urbanisation rapides et de l'évolution des habitudes alimentaires, l'accroissement des revenus ayant entraîné la demande d'aliments de plus grande valeur. Cependant, il existe de graves contraintes écologiques à la production alimentaire en Afrique du Nord, notamment les pénuries de terres arables et d'eau (Weinbaum : 1984 ; Wilson et Bruins : 2005 ; Banque mondiale : 2009 ; IFPRI : 2010a ; FIDA : 2011). Ainsi et à cause de ces facteurs liés à la demande et à l'offre, les pays d'Afrique du Nord sont obligés d'importer une grande partie des aliments qu'ils consomment. L'envolée récente des prix des denrées alimentaires et l'augmentation prévue de la dépendance aux importations de denrées alimentaires font que les gouvernements d'Afrique du Nord sont pleinement conscients de la vulnérabilité causée par le recours aux marchés mondiaux pour répondre à la demande locale. Par conséquent, la montée en flèche des prix des denrées importées est en partie responsable de problèmes macroéconomiques tels que la hausse de l'inflation, le creusement des déficits commerciaux et les difficultés budgétaires résultant des mesures prises par les gouvernements pour amortir l'impact du choc. Par ailleurs, puisque la transformation des cours élevés à l'échelle mondiale en prix élevés à l'échelle nationale n'a pas pu être évitée, les populations locales ont dû faire face à la hausse du coût de la vie, ce qui a contribué à la pauvreté, à la sous-alimentation et à d'autres répercussions négatives sur le bien-être social. Ces effets sociaux semblent avoir été parmi les déclencheurs des soulèvements politiques de 2011. Cliquer ici pour télécharger l'étude