L'anniversaire du lancement des festivités de l'Assemblée nationale constituante, qui a pris ses quartiers au Bardo un certain 22 novembre 2011, a été marqué par les déclarations controversées du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, qui s'est montré critique à l'égard de la lenteur des travaux entrepris par les élus et la nécessité de remédier à cela, voire d'opérer une pression de la part de du pouvoir exécutif à l'égard du pouvoir législatif. Ces déclarations, accordées à l'agence Reuters, sont loin d'être passées inaperçues et ont provoqué un véritable tollé à l'Assemblée. Elus d'Ennahdha, comme de l'opposition, ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme un dépassement des prérogatives du chef du gouvernement, mais la question essentielle demeure : Hamadi Jebali a-t-il raison ? Retour sur une Assemblée constituante en mal de reconnaissance. Yamina Zoghlami, élue d'Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante (ANC) a été l'une des premières à s'indigner des propos de Hamadi Jebali, chef du gouvernement et, accessoirement, secrétaire général de son parti, en charge, de surcroît, de la coordination de son parti avec le gouvernement. « C'est nous qui contrôlons le gouvernement, et non le contraire. Ce qu'a dit Monsieur Hamadi Jebali est un avis faussé. Y compris au sujet de l'opposition qui donne des propositions pour faire avancer le pays et non le contraire. Les journalistes et les observateurs de la société civile ont pu observer notre travail pour le projet de loi de la future ISIE, par exemple, et constater à quel point nous œuvrons à trouver le consensus entre les différents groupes », s'offusque Yamina Zoghlami. Intervenant sur les ondes de Mosaïque Fm, le président de l'Observatoire Arabe des Religions et des Libertés, Mohamed Haddad, a mis en garde contre la volonté de donner les pleins pouvoirs à l'exécutif, au détriment du pouvoir législatif, comparant les propos critiques du chef du gouvernement à l'encontre de l'ANC, aux récentes décisions du président égyptien, Mohamed Morsi, visant à élargir considérablement ses pouvoirs. Face à ces critiques, Hamadi Jebali campe sur ses positions, recommandant à l'ANC de modifier son règlement intérieur, jugeant inconcevable qu'il puisse y avoir des centaines d'interventions sur un seul article, ce qui participe à accentuer la lenteur des travaux des députés. Le 22 novembre 2012, Mustapha Ben Jaâfar, aura à cœur de rétablir l'honneur de l'Assemblée. « Il est inacceptable que le pouvoir législatif, qui est le pouvoir originel, soit sous la tutelle du pouvoir exécutif, et cela au nom de l'équilibre et de la séparation des pouvoirs. À la proposition de Hamadi Jebali de modifier le Règlement intérieur de l'ANC, M. Ben Jaâfar répond par une autre : la modification de la Loi fondamentale organisant les pouvoirs publics. « Il faut consacrer l'indépendance administrative et financière de l'Assemblée », lance-t-il, sous les applaudissements des députés, y compris ceux d'Ennahdha. Rappelons que lors des débats ayant abouti à l'adoption de ladite Loi fondamentale, Ennahdha avait refusé cette indépendance financière, plaçant l'Assemblée constituante sous la tutelle du ministère des Finances. Pour Noômane Fehri, tout le problème réside dans cette dépendance. Une dépendance qui est à l'origine de la décision du Tribunal administratif de geler l'augmentation des salaires des députés. « La question des salaires est subsidiaire, car il est inacceptable que l'ANC, qui est le pouvoir supérieur, soit dépendante du ministère des Finances, et donc du gouvernement », déclare M. Fehri sur les ondes de Mosaïque FM. Pourtant, tout en condamnant les déclarations du chef du gouvernement, de nombreux députés concèdent, qu'il existe bel et bien un déficit d'organisation, à l'Assemblée constituante, à l'origine des lenteurs constatées dans l'avancement de ses travaux. Sélim Ben Abdessalem, député France Nord, démissionnaire d'Ettakatol et membre de la commission en charge de l'élaboration du projet de loi de la nouvelle ISIE, en témoigne : « Certes, le projet du gouvernement est arrivé tardivement à l'ANC, de même que les autres projets, mais la cause de notre retard est davantage due à l'absence d'organisation et de méthode. Nous avançons à l'aveuglette, les députés adoptent une méthode de travail, pour se rendre compte, en cours de route, qu'elle n'est pas pertinente. Pour l'ISIE, nous avons débuté par l'étude des différents projets, avant de décider qu'il serait plus judicieux d'opérer les auditions pour, ensuite, revenir sur l'étude des projets ». « Le problème est qu'il n'y a pas de capitaine pour orchestrer et organiser les travaux de l'Assemblée. Personne ne contrôle notre travail, ni ne fixe les priorités. L'administration ne gère rien, tout le monde est livré à lui-même. Du temps de Ben Ali, tout était beaucoup mieux cadré, nous pouvions travailler jour et nuit, si nous devions achever l'élaboration ou l'étude d'un projet dans le temps qui nous est imparti », témoigne un expert en droit, à l'ANC. « Nous avons des experts extrêmement compétents, qui sont censés conseiller les politiques sur les questions légales et techniques. Mais personne ne fait appel à eux. Le décret statuant l'augmentation des salaires, par exemple, a été opéré sans aucune concertation, ce qui s'est soldé par la décision du Tribunal administratif, que je pense justifiée sur le plan légal, de geler l'augmentation des salaires », ajoute Sélim Ben Abdessalem. Problèmes techniques, absences répétées, retards institutionnalisés, tricheries lors des votes, débats interminables au sein des commissions qui se soldent parfois par des scènes ubuesques… des consensus qui volent en éclats, des positions qui changent au gré du vent, des dates d'élections qui diffèrent selon chaque élu… Hamadi Jebali avait-il raison d'asséner ses critiques virulentes à l'encontre de l'Assemblée nationale constituante ? Le fait est qu'il est en droit de le faire. Il a, de même, le pouvoir de le faire, en vertu de la dépendance administrative et financière de l'ANC. Et cette dépendance a été décidée à la majorité des élus, spécifiquement les élus d'Ennahdha qui s'offusquent aujourd'hui des dépassements du chef du gouvernement. Mais ce même Hamadi Jebali, dont les effets d'annonce sont devenus légion, à l'image du remaniement ministériel maintes fois annoncé, jamais exécuté, se demandait, il y a quelques mois : « Où est le gouvernement ? »… Il faut balayer devant sa porte, dit-on. Monia Ben Hamadi Tunisie – Une Assemblée constituante qui croule sous le poids des critiques L'anniversaire du lancement des festivités de l'Assemblée nationale constituante, qui a pris ses quartiers au Bardo un certain 22 novembre 2011, a été marqué par les déclarations controversées du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, qui s'est montré critique à l'égard de la lenteur des travaux entrepris par les élus et la nécessité de remédier à cela, voire d'opérer une pression de la part de du pouvoir exécutif à l'égard du pouvoir législatif. Ces déclarations, accordées à l'agence Reuters, sont loin d'être passées inaperçues et ont provoqué un véritable tollé à l'Assemblée. Elus d'Ennahdha, comme de l'opposition, ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme un dépassement des prérogatives du chef du gouvernement, mais la question essentielle demeure : Hamadi Jebali a-t-il raison ? Retour sur une Assemblée constituante en mal de reconnaissance. Yamina Zoghlami, élue d'Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante (ANC) a été l'une des premières à s'indigner des propos de Hamadi Jebali, chef du gouvernement et, accessoirement, secrétaire général de son parti, en charge, de surcroît, de la coordination de son parti avec le gouvernement. « C'est nous qui contrôlons le gouvernement, et non le contraire. Ce qu'a dit Monsieur Hamadi Jebali est un avis faussé. Y compris au sujet de l'opposition qui donne des propositions pour faire avancer le pays et non le contraire. Les journalistes et les observateurs de la société civile ont pu observer notre travail pour le projet de loi de la future ISIE, par exemple, et constater à quel point nous œuvrons à trouver le consensus entre les différents groupes », s'offusque Yamina Zoghlami. Intervenant sur les ondes de Mosaïque Fm, le président de l'Observatoire Arabe des Religions et des Libertés, Mohamed Haddad, a mis en garde contre la volonté de donner les pleins pouvoirs à l'exécutif, au détriment du pouvoir législatif, comparant les propos critiques du chef du gouvernement à l'encontre de l'ANC, aux récentes décisions du président égyptien, Mohamed Morsi, visant à élargir considérablement ses pouvoirs. Face à ces critiques, Hamadi Jebali campe sur ses positions, recommandant à l'ANC de modifier son règlement intérieur, jugeant inconcevable qu'il puisse y avoir des centaines d'interventions sur un seul article, ce qui participe à accentuer la lenteur des travaux des députés. Le 22 novembre 2012, Mustapha Ben Jaâfar, aura à cœur de rétablir l'honneur de l'Assemblée. « Il est inacceptable que le pouvoir législatif, qui est le pouvoir originel, soit sous la tutelle du pouvoir exécutif, et cela au nom de l'équilibre et de la séparation des pouvoirs. À la proposition de Hamadi Jebali de modifier le Règlement intérieur de l'ANC, M. Ben Jaâfar répond par une autre : la modification de la Loi fondamentale organisant les pouvoirs publics. « Il faut consacrer l'indépendance administrative et financière de l'Assemblée », lance-t-il, sous les applaudissements des députés, y compris ceux d'Ennahdha. Rappelons que lors des débats ayant abouti à l'adoption de ladite Loi fondamentale, Ennahdha avait refusé cette indépendance financière, plaçant l'Assemblée constituante sous la tutelle du ministère des Finances. Pour Noômane Fehri, tout le problème réside dans cette dépendance. Une dépendance qui est à l'origine de la décision du Tribunal administratif de geler l'augmentation des salaires des députés. « La question des salaires est subsidiaire, car il est inacceptable que l'ANC, qui est le pouvoir supérieur, soit dépendante du ministère des Finances, et donc du gouvernement », déclare M. Fehri sur les ondes de Mosaïque FM. Pourtant, tout en condamnant les déclarations du chef du gouvernement, de nombreux députés concèdent, qu'il existe bel et bien un déficit d'organisation, à l'Assemblée constituante, à l'origine des lenteurs constatées dans l'avancement de ses travaux. Sélim Ben Abdessalem, député France Nord, démissionnaire d'Ettakatol et membre de la commission en charge de l'élaboration du projet de loi de la nouvelle ISIE, en témoigne : « Certes, le projet du gouvernement est arrivé tardivement à l'ANC, de même que les autres projets, mais la cause de notre retard est davantage due à l'absence d'organisation et de méthode. Nous avançons à l'aveuglette, les députés adoptent une méthode de travail, pour se rendre compte, en cours de route, qu'elle n'est pas pertinente. Pour l'ISIE, nous avons débuté par l'étude des différents projets, avant de décider qu'il serait plus judicieux d'opérer les auditions pour, ensuite, revenir sur l'étude des projets ». « Le problème est qu'il n'y a pas de capitaine pour orchestrer et organiser les travaux de l'Assemblée. Personne ne contrôle notre travail, ni ne fixe les priorités. L'administration ne gère rien, tout le monde est livré à lui-même. Du temps de Ben Ali, tout était beaucoup mieux cadré, nous pouvions travailler jour et nuit, si nous devions achever l'élaboration ou l'étude d'un projet dans le temps qui nous est imparti », témoigne un expert en droit, à l'ANC. « Nous avons des experts extrêmement compétents, qui sont censés conseiller les politiques sur les questions légales et techniques. Mais personne ne fait appel à eux. Le décret statuant l'augmentation des salaires, par exemple, a été opéré sans aucune concertation, ce qui s'est soldé par la décision du Tribunal administratif, que je pense justifiée sur le plan légal, de geler l'augmentation des salaires », ajoute Sélim Ben Abdessalem. Problèmes techniques, absences répétées, retards institutionnalisés, tricheries lors des votes, débats interminables au sein des commissions qui se soldent parfois par des scènes ubuesques… des consensus qui volent en éclats, des positions qui changent au gré du vent, des dates d'élections qui diffèrent selon chaque élu… Hamadi Jebali avait-il raison d'asséner ses critiques virulentes à l'encontre de l'Assemblée nationale constituante ? Le fait est qu'il est en droit de le faire. Il a, de même, le pouvoir de le faire, en vertu de la dépendance administrative et financière de l'ANC. Et cette dépendance a été décidée à la majorité des élus, spécifiquement les élus d'Ennahdha qui s'offusquent aujourd'hui des dépassements du chef du gouvernement. Mais ce même Hamadi Jebali, dont les effets d'annonce sont devenus légion, à l'image du remaniement ministériel maintes fois annoncé, jamais exécuté, se demandait, il y a quelques mois : « Où est le gouvernement ? »… Il faut balayer devant sa porte, dit-on.