De retour de son déplacement à New York, le président de la République, Moncef Marzouki, a accordé une interview à la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera, diffusée dans la soirée du mercredi 2 octobre. Au cours de cet entretien, le journaliste égyptien Ahmed Mansour a essayé de déstabiliser le président au travers de questions embarrassantes posées sur un ton ironique, allant jusqu'à traiter la Tunisie de "pays pauvre". Moncef Marzouki n'a pas voulu accorder de réponse exacte à la question de la fixation de la date des prochaines élections législatives et présidentielle, soulignant qu'il n'aimerait pas se risquer à annoncer un délai qui ne sera pas tenu. Il s'est contenté de dire que les élections seront probablement organisées autour du printemps prochain. Quant à son intention de se présenter à la prochaine présidentielle, Moncef Marzouki a affirmé que, pour l'heure, il ne compte pas se porter candidat et qu'il ne prendra cette décision de manière finale qu'à l'approche de la date butoir. Ahmed Mansour a interpellé le président sur la volonté de Béji Caïd Essebsi d'investir le palais de Carthage en tant que patron des lieux et sur la probable transaction établie à cet effet entre le parti Nidaa Tounes et le mouvement Ennahdha. Moncef Marzouki s'est pris d'un léger accès de colère avant de prendre un ton ironique et de répliquer que si Caïd Essebsi voulait devenir président de la République, il devrait concevoir un programme électoral, faire le tour des quartiers populaires pour le présenter, en convaincre les citoyens et présenter sa candidature selon la loi électorale. Et d'ajouter que "si le jour J, BCE aura entendu les youyous des femmes et des filles, il saura qu'il a gagné aux élections et devra se présenter au tribunal administratif pour confirmer son nouveau poste de président de la République [...] En dehors de cette méthode démocratique, aucune autre personnalité ne pourra devenir président de la République". Dans un autre registre, Ahmed Mansour a demandé au président de la République de lui procurer des explications sur le fait que l'homme d'affaires Kamel Letaïef, soupçonné de crime contre la sureté de l'Etat, est toujours en état de liberté. Ahmed Mansour a insisté sur le fait que Kamel Letaïef est connu pour être celui qui a fabriqué Ben Ali en tant que président et qu'il a fait exactement la même chose avec Moncef Marzouki, précisant que l'homme d'affaires est considéré comme l'homme d'Etat de l'ombre en Tunisie. Le président a insisté, de son côté, qu'il n'intervient aucunement dans le travail de la justice et que jamais il ne s'autorisera à demander à un juge de mettre quiconque en prison. Revenant sur la déclaration de Moncef Marzouki demandant la libération de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi, il a expliqué que sa demande s'inscrit dans le cadre de la défense des libertés des prisonniers politiques et qu'il ne pourra jamais laisser tomber ses principes, même si cela lui valait de perdre son poste de pouvoir. " Je suis l'élève de Mandela et non celui de Bashar Al Assad", justifie Moncef Marzouki. Il a ajouté que les Egyptiens qui sont en colère contre lui aujourd'hui à cause de sa déclaration, finiront par le remercier un jour, car il s'agit là "de propos venant d'un ami de l'Egypte qui ne leur veut que du bien". Le président a, en outre, indiqué qu'il comprend parfaitement la décision des autorités égyptiennes de convoquer leur ambassadeur à Tunis "ce qui constitue un signe de colère qui finira par se dissiper". En revanche, Moncef Marzouki s'est dit surpris de la réaction des Emirats Arabes Unis d'avoir rappelé de même leur ambassadeur, précisant qu'il s'agit d'ingérence car, selon ses dires, "les EAU n'avaient pas à intervenir dans un conflit entre la Tunisie et l'Egypte".