Il s'appelle Abdelwahab Maâter, et il loge, présentement, au siège du ministre du Commerce, après avoir occupé celui de l'Emploi. Qui ne se souvient pas, d'ailleurs, de la fameuse rhétorique qu'il a eue dès lors qu'il a été nommé au poste de ministre de l'Emploi : « l'employabilité ne compte pas parmi nos prérogatives ». La couleur a été, d'ores et déjà, annoncée. Vous voulez des compétences, en voici en voilà… Abdelwahab Maâter déborde, à claire vue, de ressources mais aussi de fantaisie. Alors, des idées farfelues, mais vêtues d'un bon vouloir sérieux, le ministre nous en a déversées. C'est qu'il nous enchante par ses prouesses et, de surcroît, par ses exploits en matière de développement du commerce et de la lutte contre la contrebande. Car, bien entendu cela fait partie de ses prérogatives que de combattre le commerce parallèle, fort préjudiciable à l'économie nationale. De fait, le ministre du Commerce, dans l'essence détenteur d'un ministère clé, s'inscrit en vrai dans les foirades de tous bords. Autopsie d'une tragédie ministérielle. Parce qu'il est membre dirigeant au CPR, une des composantes de la Troïka, Abdelwaheb Maâter a pu jouir d'un poste de ministre de l'Emploi sous le gouvernement de Hamadi Jebali. Il répliquera, sans l'once d'un doute, qu'il ne doit son ascension à un poste de pouvoir qu'à ces fabuleuses qualités et compétences. Mais, le fait est que la Tunisie entière a été témoin de l'échec d'Abdelwahab Maâter, en tant que ministre de l'Emploi. Au moment où le chômage est devenu cette plaie chronique à laquelle tous les points de suture ne suffiraient pas à recoudre, Maâter a eu la brillante idée d'inviter les jeunes diplômés à la recherche d'emploi de prendre part à la cueillette des olives lorsque la saison était propice. Moncef Marzouki, actuel président de la République, n'a pas hésité à rappeler cette idée, au cours d'une récente interview qu'il a donnée, lisérer même qu'il aurait été fier de rejoindre ce « programme de création d'emploi ». Le bilan d'Abdelwahab Maâter en tant que ministre de l'Emploi n'aura pas été de toute impétuosité ni aux allures glorieuses. Et comme cela n'aura pas suffi, le nouveau gouvernement trôné par Ali Laârayedh a jugé bon de garder Maâter en le plaçant à la tête du secteur du commerce. Il s'agit là, certainement, de l'un des portefeuilles clés, eu égard à la prolifération du fléau de la contrebande qui sévit dangereusement dans l'économie du pays. Mais encore, au regard de tout le contrôle qui échappe aux autorités de tutelle quant à la régulation des prix des produits alimentaires. Accordant le bénéficie du doute, en faisant prévaloir la théorie de la seconde chance, l'opinion publique a cru à la promesse de Maâter d'opérer une baisse des prix en l'espace de 15 jours, à compter de ses prises de fonctions. C'est alors que les citoyens ont loué l'effort déployé par le ministre du Commerce au travers d'une réduction de 5 millimes sur le pot de yaourt. Cocorico et total respect ! La baisse des prix des produits alimentaires, en l'occurrence, est une cause perdue, pour tout le moins à présent. Abdelwahab Maâter ne désemplit pas et reprend les tentatives de faire preuve d'efficacité. Et en guise de mise à l'épreuve, il y a eu la problématique liée aux moutons de l'Aïd El Kébir, survenue l'année dernière, et à laquelle, le ministère de Commerce a consacré toute son ingéniosité. Résultat des courses : importation de moutons de la Roumanie. L'expérience, unique en son genre et une première sous nos cieux, n'a pas été soldée par un succès, malencontreusement. Des bruits ont couru alors pour faire croire à des moutons infectés et à une ruse du ministère pour se payer la tête du citoyen. Néanmoins, Abdelwaheb Maâter, refusant de quitter sa tour de Babel, se livre à la même expérience mais se dit de faire mieux : il a importé des moutons de l'Espagne. La question étant de réguler le marché des moutons pour l'Aïd, et d'éviter la flambée des prix qui empêcherait le citoyen moyen de s'affranchir de son sacrifice. Maâter a lancé à l'endroit des spéculateurs un message leur demandant d'observer une trêve à l'occasion de l'Aïd. Notre ministre du Commerce fait davantage dans le psychologique et le moral que dans les mesures de répression de la fraude. Mais Monsieur Maâter n'attire même pas la sympathie des gens pour pouvoir adresser des messages d'appel à la sagesse et à la rationalisation. Mauvaise pioche ! Il y a de cela environ une semaine, le ministère du Commerce a procédé à une saisie de mules pour atteinte au sacré. Il paraitrait que sur la semelle de ces chaussures, on voit « clairement » l'inscription "Allah" en arabe. C'est qu'il est doué Abdelwahab Maâter pour amuser la galerie avec des absurdités du genre. Les services compétents font litière des principales missions pour se préoccuper de détails qui n'intéressent absolument personne et constituent une forme de manque à gagner. Des moyens humains et matériels sont mis à disposition pour effectuer ce type d'opérations creuses. Et à Abdelwahab Maâter d'enchaîner dans les actions fructueuses de son ministère. Une saisie de boissons gazeuses comportant de l'alcool a été effectuée dans la région de Béja. Le ministre s'en félicite et ordonne l'ouverture d'une enquête. Bien joué ! C'est à croire que le ministère du Commerce n'en a cure des opérations de contrebande de tous types de produits, notamment des armes, cela n'est-il pas tout autant amusant ? Le ministère du Commerce devra se pencher sans répit sur le fléau du commerce parallèle, non pas en chassant à coups de bâtons les commerçants ambulants dans le centre ville de Tunis, mais en allant chercher la source du problème : les contrebandiers. Mener la guerre contre ces groupes mafieux et dangereux ayant réussi à constituer des réseaux bien ancrés de contrebande et tirant profit de la faille sécuritaire dont souffre la Tunisie pour prendre davantage racines, devrait être son cheval de bataille qui lui permettra sans conteste, de descendre de ses grands chevaux, montés trompeusement.