Le marathon électoral a vécu, après trois rendez-vous en l'espace de près de trois mois, soit un scrutin législatif et deux autres tours présidentiels, donnant naissance à l'Assemblée des représentants du peuple et un nouveau président de la République tunisienne. Mais force est de reconnaître que l'élection à la magistrature suprême a été, l'épisode qui a accaparé, de loin, l'attention générale et tenu en haleine l'opinion publique aussi bien nationale qu'internationale. Bon à signaler, d'ores et déjà, la tournure positive prise par les événements d'après la proclamation officielle par l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) des résultats du second tour de l'élection présidentielle, et ce avec l'annonce des félicitations adressées par Moncef Marzouki, à son adversaire d'hier, signifiant, ainsi, qu'il lui reconnaît la victoire. Cette nouvelle donne est d'autant plus réconfortante qu'elle est susceptible de faire baisser la tension dans certaines contrées du sud tunisien, plus précisément à El Hamma du gouvernorat de Gabès. Auparavant et tout au long de la campagne pour le 2ème tour, la question qui se posait était celle de savoir si les bases du parti islamiste d'Ennahdha allaient voter pour le président sortant ou s'ils allaient s'abstenir. On ne savait pas, en effet, si ces bases allaient suivre les consignes de Rached Ghannouchi ou si elles allaient s'en tenir au message diffusé par Habib Ellouze, un des faucons du mouvement islamiste, sur sa page officielle Facebook spécifiant, sans la moindre équivoque, que le Conseil de la Choura n'a jamais prôné la neutralité, mais qu'il a, plutôt laissé le libre choix à ses adhérents et ses bases pour le vote de leur choix. « Et étant donné notre connaissance des convictions de nos bases, nous sommes persuadés qu'ils voteront pour Moncef Marzouki », a dit M. Ellouze. Un message considéré comme étant une consigne claire en faveur du vote pour le président sortant. Or, d'après une première lecture de la nature du vote en ce second tour de la présidentielle, on constate que M. Marzouki a obtenu un taux de 44,32% soit près de 1 370 000 voix, ce qui lui fait plus de suffrages que lors du premier tour. Autrement dit, Moncef Marzouki a bénéficié d'un vote massif – autant que lors du premier tour, sinon plus – des Nahdhaouis, des voix du CPR et du Tayyar, bien entendu, ainsi que du report d'autres voix provenant, éventuellement, du réservoir de Tayyar al Mahabba, de Hechmi Hamdi, et des quelques milliers parmi les partisans d'Ahmed Néjib Chebbi et autres déçus de l'électorat infime de Mustapha Ben Jaâfar, etc. Quant au candidat de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, et d'après les 1 730 000 voix obtenues, il a pu compter sur l'électorat de Nidaa ainsi que sur ceux de l'UPL, d'El Moubadara et d'une partie du Front populaire. Cette configuration de l'électorat de M. Marzouki, serait prise en considération dans l'attitude à suivre lors de la prochaine étape politique puisque le parti de Nidaa détient, théoriquement, les trois leviers de commande au pouvoir à savoir la présidence de la République, la présidence de l'ARP et la direction du gouvernement. Et la question qui se pose est la suivante : Ennahdha a-t-il des chances de faire partie de la future formation gouvernementale, un vœu tant souhaité par le mouvement islamiste ? Une réponse tranchante est difficile à prévoir, mais une pareille participation est difficile à imaginer. On se rappelle bien que BCE, en personne, avait bien indiqué que tout dépendra de l'issue du scrutin présidentiel et, bien évidemment, de la nature du vote. Car, Nidaa Tounes a toujours reproché à Ennahdha un double langage et un décalage entre les paroles et les faits. Et puis, il est logique que le parti vainqueur aux législatives et à la présidentielle ne puisse se fier à un parti dont les dirigeants n'ont pas de maîtrise sur leurs bases, ce qui est apparu comme étant le cas d'Ennahdha puisque les bases semblent agir à leur guise et obéissent, plutôt, à de jeunes loups qu'à des dirigeants, pourtant aguerris et charismatiques. Cette élection présidentielle aura eu le mérite de donner naissance à un nouveau visage du parti islamiste, réputé un parti discipliné et obéissant à ses cadres. D'ailleurs, les observateurs s'attendent à un véritable remue-ménage au sein du parti islamiste avec la probable émergence d'une nouvelle direction, ou alors carrément, une scission entre les modérés et les durs. On attend, donc, avec impatience, l'approche qui va être suivie dans la formation de l'équipe gouvernementale. Certain parlent même d'un chef de gouvernement, en dehors de Nidaa et des partis politiques. On évoque même le maintien de certains ministres actuels du cabinet de Mehdi Jomâa. Et surtout, quel avenir et quelle destination pour Mohsen Marzouk, l'étoile montante de Nidaa Tounes et du paysage politique, en général ? Autant de questions et bien d'autres sont posées par les analystes afin de mieux cerner l'avenir du prochain pouvoir politique dans la mesure où la phase à venir s'annonce délicate puisque, pour les vainqueurs, le plus dur commence maintenant. Ces vainqueurs semblent, bénéficier, certes, de préjugés favorables, mais ils sont appelés à confirmer.