La grève générale des transports qui se tient depuis lundi à Tunis et mardi à Sfax a paralysé les deux villes. Tenue sans aucun préavis, cette grève remet en cause un accord conclu le 8 décembre dernier au sujet de la prime de rendement des employés relative à l'année 2014. Entre d'un côté, une partie syndicale qui accuse le gouvernement de ne pas avoir respecté l'accord conclu, et un gouvernement qui pointe du doigt des revendications déconnectées de la réalité économique, on se retrouve dans un cul de sac. En attendant, la grève se transforme en grève ouverte et aucun dénouement n'est à l'ordre du jour. La grève des transports publics s'est transformée en grève ouverte aujourd'hui mercredi 13 janvier 2014, et ce « jusqu'au versement de la prime de fin d'année exigée par les employés de la TRANSTU depuis décembre dernier » a expliqué le secrétaire général de la Fédération générale du transport, relevant de l'UGTT, Moncef Ben Romdhane, dans une déclaration aux médias. La partie syndicale explique, en effet, qu'en vertu d'un accord conclu avec le gouvernement, le 8 décembre 2014, les autorités devaient verser aux employés de la TRANSTU les primes concernées. Un accord qui n'aurait pas encore été respecté et qui est à l'origine de la grève des agents depuis lundi à Tunis et mardi à Sfax. « Nous nous excusons auprès des Tunisiens et de l'opinion publique. Nous ne sommes pas responsables de cette situation », a déclaré M. Ben Romdhane. Pourtant, de l'autre côté, la partie gouvernementale tient le même discours. Tout en se disant « désolé de voir cette grève organisée sans aucun préavis et paralyser le travail de nombreuses sociétés tunisiennes », le ministre du Transport a tenu à souligner que la priorité était aujourd'hui donnée « à la pérennité des entreprises et à la sauvegarde de milliers d'emplois ». Tenant une conférence de presse au siège du ministère, Chiheb Ben Ahmed est revenu sur cette situation polémique qui émane, selon lui, d'un « problème sectoriel et non régional ». Le ministre qui, insiste sur « le respect de la position de l'UGTT », explique que si les revendications de la partie syndicale étaient satisfaites dans l'immédiat, elles seraient abusives pour les entreprises de transport tunisiennes, compte tenu de leur situation actuelle. « Une somme demandée que la situation des entreprises de transport ne permet pas, dans l'immédiat, si on privilégie la pérennité des entreprises et la sauvegarde des emplois qu'elles créent », explique le ministre. Suite à l'accord conclu le 8 décembre entre les deux parties, les discussions ont continué hier, très tard dans la soirée, et se sont même prolongées aujourd'hui, dans la matinée. A l'heure actuelle, aucun accord n'a encore été trouvé. Hier et aujourd'hui, les deux villes de Tunis et de Sfax ont été paralysées à cause de cette grève-surprise. Le trafic routier s'est vu perturbé, des travailleurs, lycéens et étudiants ont été obligés de recourir au système D pour pouvoir se déplacer. Plusieurs entreprises ont pâti de ce manque de transports publics et des services ont été retardés à cause de la grève. Par ailleurs, des manifestations ont été tenues dans la capitale, notamment aux cités Ettadhamen et Intilaka, pour protester contre cette situation jugée « intenable ». Face aux retombées de la grève, la possibilité de réquisitionner des agents pour assurer le transport des citoyens a été posée par le ministre des Affaires sociales aujourd'hui « si les intérêts des citoyens sont entravés ou mis en péril ». « Une solution tout a fait légale », a souligné Ahmed Ammar Younbaï lors d'un conseil ministériel qui s'est tenu aujourd'hui avec la présence de Mehdi Jomâa. Le ministre a pointé du doigt, lors de cette rencontre, « les nombreuses grèves illégales » tenues dernièrement sous l'égide de l'UGTT. Des grèves tenues sans préavis, contrairement à ce qu'exige la loi, et aux répercussions fâcheuses sur l'économie tunisienne. En effet, le code du Travail stipule clairement, dans son article 376 bis, que « Toute décision de grève ou de lock-out doit être précédée d'un préavis de 10 jours ». Une disposition qui n'a pas été respectée par le syndicat qui a décidé dans l'après-midi d'hier de tenir la grève et en a, immédiatement, informé le gouvernement. Une grève a été initialement prévue les 11 et 12 décembre dernier puis annulée par le syndicat suite à l'accord du 8 décembre qui prévoit l'attribution d'une prime de rendement de fin d'année au profit du personnel de la TRANSTU, et ce à partir de décembre 2014. Mais constatant que « le gouvernement n'a pas respecté ses engagements de verser une prime de fin d'année avant le 12 ou le 15 décembre 2014», explique M. Ben Romdhan, le syndicat a décidé d'improviser une grève. Une copie du PV de l'accord du 8 décembre, objet du litige, est parvenue à la rédaction de Business News aujourd'hui. Le document stipule clairement que les primes de fin d'années seront révisées « au bénéfice des agents permanents de la société selon la base du mois de décembre en comptabilisant le salaire selon la grille salariale en plus d'une prime de service qui sera multipliée par un coefficient de 2 à 3 ». Cet accord mentionne aussi que « la prime sera accordée, selon la nouvelle formule, à partir du mois de décembre 2014, dès l'approbation des services de la présidence du gouvernement ». Pour s'expliquer, le ministre du Transport affirme que le fameux accord stipule que la méthode de calcul tiendra compte de la productivité et du rendement de chaque agent. Il insiste par ailleurs qu'il s'agit d'un accord de principe conditionné par l'approbation des services de la présidence du gouvernement. Toujours lors de la conférence de presse d'aujourd'hui, le ministre affirme qu'un accord, conclu depuis 2006, stipule que l'attribution de ces primes se fera de manière graduelle et ce, de manière à ce que le code du Travail soit respecté, à horizon 2016. Chiheb Ben Ahmed dit aussi que, le 7 octobre 2014, l'accord de 2006 a été mis à jour en prenant en compte les années 2009 et 2010. En attendant que les discussions entre les deux parties aboutissent à un accord concret, les citoyens tunisiens, pris de court, ont été obligés de se débrouiller avec les moyens du bord. Covoiturage, louages et taxis collectifs ont été les moyens de fortune aujourd'hui pour se déplacer dans des villes complètement paralysées à cause de la grève. Face au blocage, rien ne présage, pour l'heure, que la situation s'améliorera dans les jours à venir… Synda TAJINE