Depuis son annonce, la composition du nouveau gouvernement suscite la controverse et anime les débats tant à la télé qu'à l'intérieur des partis. L'opinion publique comme la classe politique sont partagés sur cette composition. Certains contestent la nouvelle formation ministérielle. D'autres la cautionnent et quelques autres sont complètement déboussolés. Qu'elle que soit la composition gouvernementale retenue, son prix politique sera payé par Nidaa Tounes, d'où une certaine inquiétude de ses dirigeants. Depuis le jour où il a rendu publique la liste de ses nouveaux ministres, Habib Essid ne cesse d'essuyer les déclarations virulentes aussi bien sur les noms qu'il avait choisi que sur le programme du gouvernement. Fortement critiquée par le Front populaire, la nouvelle équipe de M. Essid comporte, selon Mongi Rahoui, des figures indignes de confiance et ayant servi sous l'ancien régime. L'élu s'indigne notamment contre la nomination de Mohamed Nejem Gharsalli à la tête du ministère de l'Intérieur. « C'est un point noir » dit-il. Les critiques s'accumulent aussi du côté de la deuxième force politique, Ennahdha. Noureddine Bhiri, président du groupe parlementaire du parti islamiste, est allé jusqu'à accuser la formation sélectionnée de « creuser les divisions entre les régions » traitant au passage le programme gouvernemental de « maigre ». En dehors de ces déclarations, beaucoup s'accordent à dire que le gouvernement désigné n'est pas en adéquation ni avec les aspirations des Tunisiens ni aux méthodes de consensus. La division sur la composition du gouvernement ne concerne pas seulement la scène politique. Mais, sévit également à l'intérieur de Nidaa Tounes, pourtant parti vainqueur des élections. Des désaccords fratricides ont surgit au sein du parti à cause de la nouvelle formation gouvernementale et plus particulièrement autour de la participation, ou non, des islamistes au gouvernement. Si certains dirigeants de Nidaa affichent un soutien plus ou moins discret à la composition de Habib Essid parce qu'Ennahdha n'y est pas représentée. D'autres sont moins solidaires avec la nouvelle équipe. Ainsi, Bochra Belhadj Hmida, farouche opposante à l'entrée du parti islamiste au gouvernement, déclare, lors de son passage, hier, sur Al Hiwar Ettounsi, que non seulement les partisans de Nidaa Tounes refusent cette participation, mais aussi, les bases d'Ennahdha repoussent l'idée de voir leur parti côte à côte au pouvoir avec Nidaa. Mme Belhadj Hmida estime, par ailleurs, que le gouvernement d'Habib Essid demeure valable, dans la mesure où il est composé de plusieurs compétences et garantit plusieurs équilibres. « Cependant, tout gouvernement présenté, lors de cette étape, fera nécessairement l'objet, de critiques et suscitera beaucoup de polémique, puisqu'il y aura toujours des personnes insatisfaites » a-t-elle lâché. Le leader à Nidaa, Mondher Belhaj Ali, défend la même position que Bochra Belhadj Hmida mais avec un argumentaire différent. L'élu à l'ARP motive son refus par la discordance entre les programmes des deux partis « Ceux-ci ne vont pas de pair » souligne-t-il. Et d'avancer comme deuxième argument le fait que le mouvement islamiste « formait l'ossature principale de l'ancienne Troïka » qui avait fait preuve d'incompétence lorsqu'elle était à la gouverne de l'Etat. Par ailleurs, d'autres représentants de Nidaa Tounes sont plus ouverts à l'idée de l'entrée d'Ennahdha au gouvernement. Le secrétaire général du parti, Taïeb Baccouche, exprime, en effet, un avis plus tempéré et nuancé sur la question. Il estime, ainsi, nécessaire de revoir la composition initiale délivrée par Habib Essid et d'y apporter quelques changements. Bien qu'il ne le dise pas de manière directe, M. Baccouche semble plutôt favorable à la participation d'Ennahdha au futur gouvernement. Loin de la langue de bois servie par les hommes politiques, Myriam Boujbel, députée de Nidaa Tounes au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, exprime son avis de manière explicite. L'élue a décrit, dans un post Facebook, la participation d'Ennahdha comme un passage obligé si l'on veut assurer la stabilité de la scène politique et faire voter les grandes réformes. Du fait de son poids, le parti islamiste ne peut être mis à l'écart et son approbation demeure nécessaire, explique-t-elle. « La pilule est particulièrement amère à avaler. Ne nous voilons pas la face ! » s'est-elle exclamée. Force est de constater que les avis sur cette question divergent au sein de Nidaa malgré le fait qu'il soit « le parrain » du nouveau gouvernement. Ceci l'a indéniablement fragilisé. Le futur gouvernement inclura des ministres nahdhaouis ? Réponse. Ceci est fort probable. Le retour aux négociations et le déroulement actuel des concertations laissent à constater qu'Ennahdha marquera, pour le moins, sa présence de manière indirecte, dans la nouvelle équipe d'Essid. Cette hypothèse est renforcée par une déclaration que Rached Ghannouchi avait donnée hier à l'issue de sa rencontre avec Habib Essid. Le chef islamiste considère que les propositions de son interlocuteur étaient satisfaisantes, tout en souhaitant que les consultations à venir aboutissent à un large consensus entre les différentes sensibilités politiques. On fera aussi remarquer que, dans le cadre de ce deuxième round des négociations, l'entretien avec M. Ghannouchi était le premier d'une série de rencontres avec des dirigeants et chefs de partis. Il semble plus que probable que le gouvernement de Habib Essid sera profondément remanié. Ceci permettra de faire passer son équipe à l'Assemblée, mais il est indéniable que le chef du gouvernement en sera fortement fragilisé. Ceci sans compter sur l'atmosphère de défiance qui régnera sur la scène politique tant le chef du gouvernement se trouve exposé aux tergiversations politiques. Ceci ne peut être qu'un mauvais départ pour un gouvernement appelé à entreprendre de profondes réformes.