Entre retards et absentéisme à répétition, querelles au sein de l'hémicycle et propos dénués de tout sérieux, les députés de l'ARP ne s'en sortent visiblement pas mieux que leurs prédécesseurs de la défunte Assemblée nationale constituante. Les députés du 23 octobre 2011, élus pour rédiger une Constitution en un an, ont mis 3 ans pour en venir à bout. En cause, des retards et des absences à répétition et des débats qui frôlaient parfois même le ridicule, tous pointés du doigt et rendus publics par l'organisation Al Bawsala qui veille au grain. Quatre députés ont été absents à toutes les plénières du mois d'avril. Selon un rapport de l'organisation Al Bawsala, qui suit de très près les travaux de l'ARP. Ces élus sont Kamel Dhaouadi et Héla Ben Omrane (Nidaa Tounes) ainsi que Zeineb Brahmi (Ennahdha) et Souad Bayouli (Front populaire). L'élue d'Ennahdha, parti réunissant les députés les plus assidus, a justifié la totalité de ses absences. Idem pour celle de Nidaa Tounes. Kamel Dhaouadi, en revanche, n'en a justifié aucune et Souad Bayouli a présenté des justifications pour seulement 60% de ses absences à l'hémicycle. Dans son rapport, Al Bawsala épingle également l'absence de ces mêmes élus aux commissions auxquelles ils appartiennent. Si Kamel Dhaouadi n'est membre d'aucune commission, les trois autres députés n'ont été présents à aucune des réunions du mois d'avril.
Le mois dernier, l'organisation avait aussi publié un rapport qui a suscité une polémique. 6 députés de l'ARP ont été pointés du doigt pour leur absence aux plénières du mois de mars. Il s'agit de Néjia Ben Abdelhfaïedh et Khaoula Ben Aïcha (Nidaa Tounes), Imen Ben Mohamed (Ennahdha), Mohamed Ghannem (Afek Tounes) et Riadh Jaïdane (indépendant). Le sixième membre n'est autre que ce même Kamel Dhaouadi, élu de Nidaa Tounes, qui n'a assisté à aucune des plénières des mois de mars et d'avril.
Ce précédent rapport a vite fait de susciter l'ire des députés de l'ARP et de leur président. Réagissant aux chiffres rendus publics par l'organisation, le président du Parlement, Mohamed Ennaceur, a qualifié ce rapport d'inexact. Le rapport en question a été, en effet, vivement critiqué par les élus incriminés. On affirme que les absents ont été épinglés sans que soient pris en compte leurs motifs d'absence. Si ce détail a rapidement été ajouté dans la version du mois d'avril d'Al Bawsala, force est de reconnaitre cependant qu'il n'y a pas que les absences qui gênent le travail des plénières et commissions. Le retard y est aussi pour quelque chose. Toujours selon le même rapport, près d'une heure de retard a été enregistrée, en moyenne, au début de chaque séance plénière et 48 minutes, pour les réunions des commissions parlementaires. Il est en effet très rare qu'une réunion ou une plénière soient tenues à l'heure. Ces problèmes sont monnaie courante à l'hémicycle et même si les députés se défendent, affirmant avoir toutes sortes d'excuses, ces absences et retards génèrent d'importantes pertes de temps alors que de nombreux projets de loi devront être votés dans l'urgence.
Pour y remédier, certains élus n'hésitent pas à faire preuve de créativité en imaginant des solutions, pour le moins…surprenantes. L'élu de Nidaa Tounes, Brahim Nacef, est intervenu lors de la plénière d'hier, jeudi 14 mai 2015, pour proposer une solution à ces retards et absences à répétition. Selon ses dires, l'Etat devrait mettre à disposition des élus des voitures et construire un complexe de logements à proximité du Bardo. Il en va du prestige de l'Etat, affirme-t-il. « Pour garantir le confort des élus, un complexe devra être construit pour assurer leur logement » dit-il. Une solution qui coûterait à l'Etat moins cher que de devoir payer les frais de logements dans des hôtels pour les élus habitant en dehors de la capitale. Cela éviterait ainsi à ceux qui habitent Tunis « le désagrément de devoir prendre les transports en commun », selon l'élu. Une intervention non sans rappeler celles du très controversé ancien député, Ibrahim Kassass, qui réclame, aujourd'hui encore, le remboursement de ses dus. Des dus pour lesquels il serait prêt à sacrifier sa nationalité tunisienne, écrit-il sur sa page Facebook.
D'autres scènes observées au sein de l'ARP rappellent, également, à s'y méprendre le cirque de l'ANC, quelques mois plutôt. Tout le monde se souvient du fameux feuilleton ayant opposé, il y a quelques semaines, les deux députés de l'opposition Iyed Dahmani et Mongi Rahoui, autour de la présidence de la commission des Finances. Mais, plus récent encore, la polémique suscitée la semaine dernière par l'interdiction, ou non, du port du voile pour une hôtesse de l'air de la compagnie Tunisair. Une affaire qui a accablé les débats au sein du Parlement et créé des tensions, pour le moins inutiles, lors de la plénière tenue le 5 mai. Les tensions étaient vives, notamment entre le président du Parlement et certains députés qui, à l'instar de Samia Abbou, ont accusé ce dernier d'avoir une attitude « injuste » avec certains députés. « Vous êtes le président de l'ARP et non le président du parti au pouvoir. Regardez un peu par là quand des députés demandent la parole et parlez-nous poliment. Vous n'avez pas le droit de nous crier dessus. Ce n'est pas l'école ici ! » s'est écriée l'élue du Courant démocratique. Par ailleurs, lors de cette même plénière, une bagarre a éclaté entre les députés de Nidaa Tounes et du Front populaire après que ces derniers aient contesté le prêt algérien octroyé à la Tunisie.
Les rapports d'Al Bawsala ont longtemps été critiqués et pointés du doigt. On accuse l'organisation de ne « s'intéresser qu'au superflus » et de saboter le travail des débutés en ne médiatisant que les trains qui n'arrivent pas à l'heure. Mais l'organisation ne fait pas que ça. Il est vrai que certains députés sont réputés pour leur assiduité aux plénières et aux commissions. Par ailleurs, 133 députés ont réalisé 100% de présence en plénière et 49 députés ont réalisé 100% de présence en commission, peut-on lire dans ce rapport. D'ailleurs, après une période de tension entre l'ARP et l'organisation, Mohamed Ennaceur a rencontré hier Amira Yahiaoui qui lui a présenté les points forts des objectifs de l'association. La hache de guerre a-t-elle été enterrée vers une meilleure transparence?