Il y a une semaine encore, nombreux étaient les Tunisiens qui étaient confiants en l'avenir. Nombreux étaient ceux qui pensaient que la Tunisie pourrait surmonter les différentes crises rencontrées. C'était avant l'attentat de Sousse. En moins d'une heure, un terroriste a mis fin à la vie de 38 touristes, fin aux vacances de plusieurs centaines de personnes et fin aux rêves de milliers d'autres. Ce vendredi 26 juin 2015, la crise que rencontrait le secteur du Tourisme s'est aggravée, annoncant une crise sans précédent qui touchera plusieurs acteurs économiques tunisiens, notamment les hôteliers, les agences de voyages, les fournisseurs, les centres de loisirs… Pour faire face, Selma Eloumi Rekik, ministre du Tourisme, annonce dans la nuit du lundi 29 juin 2015 une longue série de mesures destinée à aider les professionnels du tourisme à tenir.
La ministre propose, entre-autres, le report du remboursement des prêts pour les années 2015 et 2016 avec une reprogrammation selon la capacité de l'institution à payer, l'octroi de nouveaux crédits exceptionnels remboursables sur sept ans, dont deux ans de grâce avec garantie de remboursement prise en charge par l'Etat, la réduction du taux de TVA de 12% à 8% et le rééchelonnement des créances fiscales et des créances auprès de la STEG et de la SONEDE.
La ministre demande également l'annulation du timbre fiscal de 30 dinars imposé aux étrangers lors de leur départ du territoire tunisien et la réduction de 30% sur les tarifs du transport (aérien et maritime) pour les Tunisiens résidents à l'étranger, indiquant que le taux de réduction sera pris en charge à 50% par l'Etat et 50% par Tunisair ou la CTN.
Selma Eloumi Rekik explique que l'Etat prendra en charge les affiliations à la CNSS des organismes touristiques et octroiera une prime aux employés au chômage technique suite à la fermeture ou non de l'institution touristique à laquelle ils sont rattachés.
L'objectif premier de ces mesures est de soulager la trésorerie des hôtels afin qu'ils puissent continuer à travailler, comme l'explique Radhouane Ben Salah, président de la Fédération tunisienne des hôtels (FTH), contacté par Business News jeudi 2 juillet 2015. Radhouanes Ben Salah explique que la situation économique du secteur est telle que sans aucune mesure prise, c'est la fermeture de centaines d'entreprises touristiques, impliquant d'importantes pertes d'emplois, ce qui provoquera de graves problèmes sociaux.
Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui appellent à la démission de la ministre suite à la présentation de ces décisions. En effet beaucoup ont du mal à comprendre que ces mesures sont prises pour permettre de sauver des emplois, qui s'ils sont perdus obligeront l'Etat à d'importantes dépenses.
Selon eux, ces mesures enrichissent les riches et appauvrissent les pauvres. On entend également que l'argent du peuple devrait servir à autre chose. D'autres encore dénoncent le fait que les impôts sont en grande majorité payés par des salariés, dénonciation assez paradoxale quand on sait que même les employés du tourisme paient des impôts, ce qu'ils ne pourront plus faire si les hôtels ferment…
Sauf que voilà, quand on lit et comprend bien les mesures prises, on voit bien qu'« aucun millime (ndlr : du contribuable) n'est déboursé » en faveur des hôteliers. Radhouane Ben Salah revient plus en détails sur ces différentes mesures. « La première mesure, est le report des échéances bancaires. L'Etat ne paye rien, c'est juste un report. La deuxième mesure est elle aussi un report des échéances, mais fiscales. Pareil que pour la première. Enfin, la troisième mesure est l'octroi de nouveaux crédits de financements. Là aussi, l'Etat ne paye rien, vu qu'un crédit, par nature, est destiné à être remboursé. Cependant, l'Etat se propose garant des institutions touristiques qui ne pourraient avoir accès à ces crédits au vu de leur situation financière. »
Une autre mesure indique que les charges CNSS des hôteliers seront payées par l'Etat. Le président de la FTH indique qu'en effet l'Etat se servira de l'argent du contribuable dans ce cas, mais à condition que l'hôtel ne renvoi aucun salarié. Et entre payer des allocations chômages, perdre les impôts que ces salariés payent à l'Etat, supporter et résoudre de graves problèmes sociaux, et payer ces charges, le choix est tout fait.
Radhouane Ben Salah conclut la discussion en expliquant que ces mesures ne permettront pas d'obtenir d'excellents résultats, mais au moins d'avoir une trésorerie qui « puissent nous permettre de sauver nos hôtels et de garder des emplois ». Il considère que cette année sera une année blanche pour le tourisme et que tout sera mis en place afin d'offrir un service correct aux touristes qui sont restés, et surtout d'empêcher le plus grand nombre d'organismes touristiques de mettre la clé sous la porte.