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Interview de Saïd Aïdi : Le laisser-aller dans nos hôpitaux n'a plus lieu d'être !
Publié dans Business News le 31 - 07 - 2015

Saïd Aïdi, ministre de la Santé, nous a reçus jeudi, 30 juillet 2015, pour une interview dans son cabinet. Il a répondu à nos questions sur la situation du secteur de la santé, sur le plan de réformes et sur la vidéo choquante du vieux monsieur qui a suscité une grande polémique, aussi bien dans les médias que sur la toile. Interview.

Les conditions d'hygiène dans nos hôpitaux sont lamentables, voire choquantes. Pourquoi nous en sommes arrivés là ?
Vous avez raison, l'hygiène c'est une priorité ou même un pré-requis en termes de santé publique. L'hygiène est essentielle. Alors pourquoi on en est arrivé à cette situation ? Les raisons sont multiples. D'abord, la réalité sanitaire de la Tunisie a évolué. Elle a évolué au fil des années. Ainsi, la réalité sanitaire au moment de l'indépendance, dans les années 70, 80, 90, 2000 et aujourd'hui ne sont pas les mêmes. De plus, la relation du citoyen à la santé a également évolué. Ce qui est une bonne chose d'un côté, mais de l'autre cela met une pression sur les établissements de santé. Autre raison, ces établissements arrivent à un certain niveau de vétusté dû à l'absence de maintenance les dernières années ou les dernières décennies. Cela a donc provoqué une dégradation des établissements de santé en termes de maintenance. D'autre part, il y a aussi l'évolution ou le glissement démographique. N'oublions pas que la santé est organisée en trois lignes. Dans la première ligne on trouve les dispensaires, la deuxième ligne comprend les hôpitaux de circonscription qui sont censés faire de l'ambulatoire et dans la troisième ligne il y a les hôpitaux et les CHU. Quand on ne trouve pas les services adéquats ou les services nécessaires au niveau de la première ou de la deuxième ligne on se dirige automatiquement vers la troisième ligne ce qui crée une forte pression sur les hôpitaux publics aujourd'hui et y cause un surpeuplement. Par ailleurs, sur les trois ou quatre dernières années, il y a un laisser-aller qui a été constaté en termes de gouvernance, de suivi et de présence au niveau des hôpitaux, mais pas que.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation ?
Le premier axe de notre réforme c'est de donner la priorité à la prévention et parmi la prévention figure l'hygiène des établissements sanitaires. Vous avez peut être remarqué qu'on est réellement en train de mettre un plan de reprise en main de tous ces établissements. Cela demande avant tout une volonté et des moyens, mais à mon avis les moyens viennent en second lieu. J'estime que c'est surtout une question de volonté, de gestion quotidienne et de culture.

Puisque nous parlons d'hygiène, je suppose que vous ayez déjà vu la vidéo qui circule depuis hier sur les réseaux sociaux. Celle d'un vieil homme gisant à même le sol dans une pièce insalubre qu'est ce que vous en dites ?
J'ai vu cela et j'ai demandé l'ouverture d'une enquête. Je ne vais pas me prononcer avant d'avoir les résultats. De plus, je ne veux pas trop en parler vu qu'il s'agit d'un monsieur qui a été montré à visage découvert et que je suis tenu au respect médical des personnes. Après je ne sais pas encore dans quelles conditions cela est arrivé. Est-ce qu'il y a une responsabilité professionnelle ou non. Est-ce que c'est le malade qui, peut être dans un moment de panique, aurait provoqué sa chute. Chose qui pourrait arriver dans n'importe quel hôpital du monde même le plus avancé. Maintenant ce qui importe en matière d'hygiène et là où il y a un effort à faire aussi, c'est de renforcer les capacités en termes de ressources humaines, mais aussi en termes de formation continue afin de gérer la prise en charge dans la dignité des patients au sein des établissements sanitaires et notamment des hôpitaux.
J'ai demandé immédiatement une enquête. Je ne peux pas me prononcer avant d'avoir les résultats. Mais soyez certains qu'on prendra les mesures qui s'imposeront par rapport aux résultats de cette enquête.

La dégradation des services de soin dans les établissements de santé publics est due à la nonchalance du personnel soignant, à la négligence des directeurs d'hôpitaux et au manque de rigidité du ministère. Partagez-vous ce diagnostic ?
Non, je ne partage pas tout le temps. Parce qu'il y a du personnel qui est engagé et pour preuve : la gestion des deux drames que la Tunisie a vécu que ce soit avec le Bardo ou Sousse. Là, le personnel de la santé était au rendez-vous. Après, il faut savoir qu'aujourd'hui nous avons un afflux massif dans les hôpitaux publics, notamment dans les CHU. Cet afflux est expliqué par le fait que la première et la deuxième ligne n'ont pas évolué avec l'évolution démographique de la Tunisie. D'où la nécessité de renforcer et mettre à niveau la première ligne pour enlever la pression sur les CHU et que les patients qui arrivent dans les CHUs soient réellement ceux qui doivent être soignés et pris en charge au niveau d'un établissement de troisième ligne.

Ce que je tiens à souligner c'est que ce n'est pas la qualité des ressources humaines qui est mise en cause. Nous avons des médecins et des cadres paramédicaux de très bon niveau. Après, cette pression, même si elle ne justifie pas les manquements constatés, elle explique que les gens baissent les bras quelque part face à une trop forte affluence. Donc, il y a un problème d'organisation que nous nous employons à corriger.

Quelles sont les principales réformes qui seront entreprises dans le domaine de la santé ?
Avant de parler de réformes. Il faut qu'on détermine d'abord quel est notre objectif. Le but que nous voulons atteindre au sein du ministère de la santé c'est d'appliquer ce qui est écrit dans l'article 38 de la Constitution, c'est-à-dire garantir la santé pour tous. Pour y arriver, il faut prendre en considération la réalité sanitaire de la Tunisie d'aujourd'hui et de travailler de manière prospective vers où on va. Cela demande évidement de tenir compte du glissement démographique. L'un des acquis de la Tunisie c'est qu'on a augmenté l'espérance de vie. Aujourd'hui, les personnes ne se contentent plus de vivre plus longtemps, mais elles veulent vivre plus longtemps en bonne santé.

Il faut également tenir compte du déséquilibre territorial. Il y a une fracture entre le grand Tunis, le Sahel et Sfax d'un côté et les autres régions de l'autre. Il ne faut pas croire que des régions comme Nabeul ou Bizerte sont plus avantagées que d'autres qui sont à l'intérieur. Bien entendu, il y a Kébili, Tataouine, le Kef, etc. qui souffrent le plus du manque de couverture sanitaire.

Il faut aussi tenir compte dans la réforme à installer des habitudes alimentaires du Tunisien, des maladies dites non transmissibles telles que le diabète et l'hypertension artérielle qui sont souvent les conséquences de l'obésité.

Nous avons décliné notre réforme sur cinq axes. Le premier axe c'est de donner la priorité à la prévention et d'agir sur les déterminants de santé. C'est-à-dire lutter contre l'obésité, contre le tabagisme qui croît de manière inquiétante aujourd'hui en Tunisie, sensibiliser sur la sécurité routière et agir sur d'autres déterminants. Parlant de prévention, j'estime qu'il est essentiel d'agir dès l'école, car l'éducation à la santé est importante. Il est aussi important de traiter certaines maladies avant qu'elles n'évoluent vers des pathologies plus graves et détecter plus en amont les cancers du sein.

Le deuxième axe porte sur la réorganisation des établissements de santé avec une approche territoriale en créant cinq grands pôles sanitaires où les établissements de santé de la première ligne au CHU devront travailler sur un projet sanitaire intégré. L'idée c'est d'être centré sur le patient et d'organiser le parcours de santé du patient de la prévention, ensuite la première ligne, jusqu'au CHU quand il devra y aller. Notre objectif aussi c'est de donner une autonomie sanitaire à chaque pôle territorial : Nord-ouest, Sud-est, Sud-ouest, Centre et le Grand Tunis. Et de faire travailler ces établissements en réseau centré sur le patient et non sur l'établissement de santé. C'est le patient qui sera notre préoccupation.

Le troisième axe de réforme porte sur la recherche et l'innovation puisque nous avons la capacité aujourd'hui de développer le pôle de recherche pour l'intérêt du patient et pour lui permettre d'avoir accès aux protocoles les plus avancés. Toujours dans ce contexte de la recherche scientifique, il est également important d'encourager l'industrie pharmaceutique locale qui, outre sa capacité à offrir de meilleurs médicaments et traitements aux patients tunisiens, représente un potentiel d'exportation, notamment sur l'Afrique. Il faut aussi travailler sur l'exportation des services de santé en allant de la thalasso thérapie aux soins classiques.

Le quatrième axe consiste à travailler sur la gouvernance au sens large du terme. C'est-à-dire introduire le dossier médical partagé, assurer une meilleure distribution des médicaments avec l'introduction de l'e-pharmacie et travailler sur la gouvernance des établissements de santé en s'occupant davantage de la formation des gestionnaires de santé. Il faut également poser la question et décortiquer le financement de la santé en Tunisie, c'est-à-dire regarder tout le circuit de financement avec pour objectif d'assurer la santé pour tous et la prise en charge des populations à faible revenu ou sans revenu. Il est par ailleurs primordial de développer l'institut national de l'accréditation qui lui aussi sera garant de la qualité des établissements de santé qui devront obtenir une accréditation.

Pour le cinquième axe, l'idée c'est de renforcer le secteur public de la santé qui est le pilier essentiel et le garant du système de santé, sans toutefois l'opposer au secteur privé. Il s'agit ici de trouver la bonne coordination entre les deux secteurs public et privé. Une réforme est déjà en cours d'étude pour renforcer ce secteur-là. Celle-ci concerne, entre autres, l'introduction des médecins de famille, la création de l'école de santé pour les gestionnaires des établissements de santé afin de pallier aux lacunes que vous avez constatées et la formation continue des cadres de santé et des médecins.

Que comptez-vous faire face aux problèmes des médecins spécialisés dans les régions ?
La couverture territoriale des soins rentre dans le deuxième axe de notre réforme. Mais, les Tunisiens n'attendront pas le temps de la réforme. C'est pour cela que nous avons pris des dispositions urgentes en termes de couverture sanitaire qui passeront dans la loi de finances complémentaire de 2015.

Celles-ci concernent, en premier temps, six spécialités, à savoir la gynécologie, la radiologie, la chirurgie, la pédiatrie, l'orthopédie et l'anesthésie et la réanimation. Le but c'est d'assurer une permanence 7 jours sur 7 de soins sur ces spécialités dans tous les hôpitaux régionaux. Le souci c'est que des postes ont été ouverts mais qu'il n'y avait pas de candidats. Comme on ne peut pas continuer dans une voie qui n'a pas donné de résultats, on a crée un groupe de travail avec l'ensemble des intervenants : les syndicats publics et privés, le conseil de l'ordre, les doyens, les collèges, les représentants des assistants hospitalo-universitaires. Il en est ressorti sept propositions de créer une démarche pour assurer une continuité de service pour ces six spécialités sur l'ensemble des hôpitaux régionaux plus, selon les régions, d'autres spécialités comme la cardiologie et l'ophtalmologie.

En parallèle de cela, nous avons ouvert plus de cinquante postes d'assistant hospitalo-universitaire sur les différentes spécialités dans les hôpitaux au niveau des zones intérieures. De plus, pour que ces personnes-là ne soient pas pénalisées dans le futur, nous avons introduit au niveau de la grille d'agrégation la prise en compte du travail fait en régions pour le valoriser. C'est un travail qui, au-delà de la valeur sociale et de la plus value qu'il apporte à nos concitoyens, a une valeur scientifique, académique et médicale.

Qu'en est-t-il de l'affaire Néjib Karoui ? Nous avons entendu parler d'une intervention du fisc. Confirmez-vous cela ?
D'abord, je ne suis pas ministre des Finances. De plus, je suis tenu par le secret administratif puisqu'une procédure administrative et disciplinaire est prise. Je veux dire que c'est une polémique qui n'a pas lieu d'être parce que c'est interne au ministère. Il s'agit d'une décision qui a été prise par un ministre sur des bases factuelles. Je ne souhaite pas y donner aucun caractère politique. Je ne veux pas intervenir dans cette polémique. Il y a des procédures qui sont en cours. Sincèrement, je n'ai pas connaissance d'une quelconque autre mesure qui aurait été prise. C'est des instructions qui ont été données et qui n'ont pas été appliquées. C'est l'intérêt supérieur de l'Etat, ça dépasse le ministre de la Santé et le chef de service en question. Vraiment, ca n'a pas de dimensions politiques. J'ai pris cette décision et je l'aurais prise.

Je veux juste préciser un point : A Sousse il y a 8 ambulances de type A et 37 ambulances de type B et on a jamais eu l'intension de laisser, ni Sousse ni aucune autre région, sans couverture médicale. Il n'y a qu'une seule ambulance médicalisée qui a été utilisée. Les autres sont des ambulances de type B et quoiqu'il arrive on avait la capacité d'organiser le transfert de ces victimes à Tunis. Et c'était à la demande du procureur de la République pour les besoins de l'enquête qui est une enquête de terrorisme. Le procureur de la République est le seul compétent pour décider où ces victimes devaient être transférées. La décision a été prise par le procureur de la République. Moi en tant que ministre de la Santé ma responsabilité c'était d'assurer ou de faciliter le transfert des victimes sur Tunis c'est ce qui a été fait. Il s'agit d'une décision prise sans intervention dans les aspects médicaux. C'est une décision ayant un aspect logistique.

Entretien conduit par Elyes ZAMMIT et Ikhlas LATIF


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