Le patrimoine archéologique tunisien est riche. En dépit de sa petite superficie, la Tunisie a vu passer des civilisations, parmi les plus grandes, venues convoiter l'emplacement stratégique qu'offre le pays. Pendant des millénaires, des monuments furent érigés aux quatre coins de la Tunisie prodiguant au pays un patrimoine des plus divers et constituant une richesse architecturale qui a de tout temps attiré les visiteurs du monde entier.
Force est de constater, néanmoins, que ce patrimoine, riche au cœur de l'humanité, ne l'est malheureusement pas pour tous les Tunisiens. En effet, en plus d'avoir été pillé, depuis des décennies, le patrimoine archéologique de la Tunisie est aussi victime de la frénésie de certains promoteurs qui n'hésitent pas à contourner la loi pour bâtir sur des ruines antiques, résidences et autres locaux. Plus récemment, la démolition du monument historique Sidi Bou Makhlouf au Kef a suscité l'indignation des riverains et une vague de réactions sur les réseaux sociaux.
L'Institut national du patrimoine a exigé dans un communiqué publié le 4 février 2016 l'arrêt de la démolition. Il a saisi les autorités compétentes au Kef pour demander l'arrêt des travaux de démolition d'une maison mitoyenne au monument historique « Sidi Bou Makhlouf ». L'INM explique que ces travaux ont provoqué des fissures dans les murs du café du monument, « Toutefois le mausolée du saint Sidi Bou Makhlouf est resté intact », a-t-on ajouté, précisant que les travaux de démolition avaient été engagés sans obtenir une autorisation préalable des autorités. Une commission de l'INP s'est rendue sur les lieux pour constater les dégâts et a préparé un rapport qui stipule un certain nombre de mesures dont l'arrêt immédiat de la démolition et la reconstruction, à l'identique, de la façade.
Omar Thligène, le président de l'association de la sauvegarde et du développement du Kef, a indiqué au magazine Soutour, que le dossier « Sidi Boumakhlouf » a été ouvert en 2011 et qu'il cache dans ses interstices des pratiques de corruption dans la mise en application des procédures légales adoptées dans le cas de l'octroi des autorisations dans ce domaine. Il a ajouté que la situation catastrophique dans laquelle se trouve la cité Bou Makhlouf, après la démolition d'un certain nombre de maisons dont « Dar Chikh El Issaouia » a fait que la vielle ville du Kef soit défigurée en toute illégalité et en toute effraction aux lois qui régissent la préservation de monuments appartenant au patrimoine.
L'historien Mohamed Tlili a précisé dans un article dédié au site que Bou Makhlouf est « le véritable cœur de l'antique cité de Cirta-Sicca et l'âme de l'ancienne médina arabo-musulmane de Chaqbanaria-Kef. C'est un authentique quartier de synthèse où les nombreuses et diverses civilisations, qu'avait connues la ville, avaient laissé leurs empreintes archéologiques et architecturales ». Il a expliqué que « c'est au pied du dernier rocher du Dyr que l'on relève, en plus des traces archéologiques qui remontent à la plus haute antiquité et de certains monuments de l'antiquité tardive, une remarquable armature monumentale de l'ancien centre urbain de la médina, mise en place par les Mouradites depuis le début du XVIIe s ».
En décembre dernier, des jeunes avaient protesté contre cette « profanation ». Nous nous rappelons de la jeune Afra Ben Azza qui a été arrêtée pour avoir participé à un mouvement protestataire contre la transformation du café touristique historique du centre du Kef, « café Bou Makhlouf » dont le propriétaire était accusé de chercher à modifier l'aspect et la nature. Une source sécuritaire contactée par Business News, nous a précisé qu'un groupe de manifestants, dont fait partie Afra Ben Azza, a essayé de faire intrusion dans le café de la médina du Kef afin d'interrompre les travaux de sa rénovation. Les manifestants ont protesté contre la transformation du café historique appartenant à la médina de la ville par le propriétaire des lieux. Ce dernier a appelé les forces de l'ordre qui sont intervenues et ont essayé « d'évacuer les intrus ».
L'indignation de ces jeunes semble avoir été insuffisante pour dissuader le propriétaire du café qui a vite fait de reprendre les travaux le 31 janvier mettant en péril le site comme indiqué par l'INM. Sidi Bou Makhlouf devra compter sur le soutien des Kéfois mais aussi des Tunisiens afin que cesse cette aberration et que la Tunisie puisse continuer à préserver avec fierté ses trésors archéologiques comme tout pays civilisé qui se respecte.