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La gueule de bois des producteurs d'alcool
Publié dans Business News le 11 - 02 - 2016

Ils s'expriment rarement, mais ils en sont arrivés à un tel point qu'ils ne peuvent plus se taire. Ce sont les producteurs de boissons alcoolisées. Leurs ventes dégringolent et ils s'en indignent. Ce n'est pas que le Tunisien boit moins qu'à l'accoutumée, mais l'Etat a bouleversé le marché par sa politique de taxes.
Depuis la révolution, on blaguait souvent en disant que les seules entreprises en progrès sont celles des producteurs d'alcool parce que les Tunisiens avaient de plus en plus besoin de noyer leur chagrin. Désormais, même les producteurs d'alcool ont le blues.

Mais avant de parler des producteurs, parlons des consommateurs. En effet, la bière et le vin sont deux produits dont les prix ont connu une augmentation faramineuse depuis la révolution. Pour des raisons sociales principalement, les consommateurs d'alcool ont payé plein pot sans se plaindre. Les tarifs dans les bars et les restaurants ont connu la même augmentation. Tout cela a donné aux 2 millions de consommateurs d'alcool l'impression d'être les dindons de la farce. En effet, depuis la révolution la taxation des boissons alcoolisées n'a pas cessé d'augmenter : sur les 3 dernières années les taxes sur la bière ont augmenté de 130% et sur les vins de 50%.

Bien qu'en apparence, les nouvelles mesures, relatives aux droits de consommation, tels qu'indiqués dans le cadre du décret N°1768 du 10 novembre 2015 et de la Loi de finances 2016, qui touchent plus précisément la nouvelle taxation sur les alcools forts, devraient réjouir les consommateurs, étant donné que l'Etat tunisien a décidé de baisser la taxe sur les alcools forts (45°) qui est passée de 650% à 50%, cette décision pose de nouvelles problématiques.

Alors que les Tunisiens sont plus tôt des consommateurs invétérés de types d'alcool généralement pas fort (bière et vin, de 3 à 13°), en 2 mois leurs habitudes ont été totalement chamboulées : ils se sont rabattus vers les alcools forts qui sont devenus dans la même fourchette des prix des boissons moins alcoolisées comme les bières et les vins. Ce qui pose une sérieuse problématique de santé qu'elle soit de dépendance et d'alcoolémie, de multiplications de maladies liées à ce genre de consommation (des cirrhoses du foie, cancers, des maladies cardio-vasculaires outre les troubles de l'attention, de la concentration, de la mémoire, etc.) ou de multiplications des accidents de la route alors que la Tunisie fait déjà partie des pays les plus meurtriers de la route.


C'est dans ce contexte, que les producteurs des boissons alcoolisées, par la voie de leur chambre syndicale relevant de l'UTICA et de son président Mohamed Ben Cheikh, se sont insurgés contre les nouvelles mesures. Une conférence de presse a été organisée, mercredi 10 février 2016 à l'hôtel Africa, à cet effet.
Bien qu'ils aient accepté ces dernières années les différentes hausses de taxes qu'on leur a infligées malgré la baisse de leurs ventes, cette fois-ci, ils ont décidé de ne pas se taire et de dénoncer ces nouvelles mesures qui s'attaquent à la production locale et qui menacent ses 25.000 emplois directs, dont 3.000 agriculteurs. Il faut dire que les alcools forts sont produits en Tunisie que par 4 opérateurs qui emploient tout au plus une centaine de personnes et qui n'apportent aucune valeur ajoutée, les produits étant non distillés et à base de produits importés (alcool éthylique, arômes et sucre).
Les producteurs fustigent ces mesures, qualifiée de « sans queue ni tête », qui ont été prises sans la moindre concertation avec la chambre et ne répondent à aucune logique : dans le monde, et par souci de protection de la santé des citoyens, la taxe sur les alcools est liée au volume et au degré d'alcool, apprend-on. Ainsi, plus un produit est alcoolisé plus il est taxé. Par exemple, la bière est 4 fois plus taxée que les alcools forts alors qu'elle contient 8 à 10 fois moins de taux d'alcool. Le seul argument du ministère des Finances étant la lutte contre le marché parallèle, or dans ce secteur il ne représente que 5%.

En effet, la décision du ministère des Finance a totalement bouleversé ce secteur : les ventes d'alcools forts ont augmenté de 300% à 400%, celles des producteurs de vins ont diminué de 20 à 30%, celles des bières ont baissé de 25% pour la SFBT et de plus de 55% pour Sonobra. Cette dernière pense carrément à la mise en place d'un plan social, si l'Etat ne se remue pas pour prendre les décisions qui s'imposent.

La chambre ne comprend pas cette décision qu'elle juge arbitraire. Certes, le ministère des Finances compte collecter 70 millions de dinars (MD) en plus, grâce cette mesure. Mais, en contre partie, il devra subir des pertes d'au moins 30% sur les recettes des taxes sur les bières et les vins (qui sont annuellement de l'ordre de 400 MD). D'ailleurs, les résultats seront bien visibles et concrets pour les autorités dès la déclaration du 28 février pour l'activité de janvier 2016, avec des baisses de chiffres d'affaires des différents intervenants d'au moins 20%, et par conséquent des impôts et taxes payées.

Pour les producteurs des boissons alcoolisées, il est clair que le gouvernement est allé vers la solution de facilité pour combattre le marché parallèle ou il y aurait, selon eux, d'autres raisons non déclarées qu'elles soient pour la protection de certains intérêts ou carrément la défense d'une idéologie quelconque. Les producteurs estiment qu'il suffisait qu'il y ait un contrôle des ports et des free shop, d'où sortent les produits de contrebande de leur secteur, pour régler le problème du marché parallèle.

La chambre a dénoncé aussi le changement fréquent des règles du jeu. En effet, avec ses hausses incessantes de taxes, les investisseurs ne se retrouvent plus et sont déstabilisés, car leur business plan qui devaient être fait sur la base de constantes, est totalement chamboulé depuis la révolution. D'ailleurs, le PDG Heineken avait prévenu Habib Essid, lorsqu'il l'a rencontré à Davos, que si le gouvernement continue sa politique, le groupe va se désengager de la Tunisie, a précisé M. Ben Cheikh.

Pour sa part, le membre fondateur du syndicat agricole SYNAGRI, Amor Siama, a souligné que le secteur des boissons alcoolisées est bien organisé et intégré de l'amont à l'aval. Il a martelé que ce secteur fait vivre plusieurs sociétés (production de bouteilles, de bouchons en liège) et surtout quelques milliers d'agriculteurs qui ont de 5 à 10 employés et qui ne peuvent pas planter autre chose à cause de la nature de leurs terrains.
M. Siama a attiré l'attention sur le fait que la Tunisie exportait une partie de sa production en boissons alcoolisées vers certains pays comme l'Allemagne et le Canada et que ce produit figure parmi les denrées réclamées par la Russie. Autre point relevé, il a indiqué qu'il a été approché par une société d'envergure mondiale française qui veut investir dans ce secteur, mais qu'avec cette décision peut être qu'elle changera d'avis !

Souheïel Snoussi, président du Conseil d'administration de la Coopérative Viticole de Bou Argoub (CVBA), a, quant à lui, mis en relief que les investissements en temps et en argent et tous les efforts mis en place par la coopérative et globalement par les agriculteurs du secteur, pour développer les plantations sans aucun soutien des autorités, vont partir en fumée à cause de ces décisions.

Chose claire pour eux tous, la nouvelle donne condamne à mort ce secteur, si des dispositions rapides ne sont pas prises, surtout qu'il s'agit là de métiers ancestraux et d'un savoir faire impossible à récupérer s'il y a une rupture.
Les différents intervenants ont souligné que le vin tunisien est un produit culturel du terroir, dont ses origines remontent à l'époque de Carthage et de Rome. Et ce sont interrogés, que vont faire les autorités lorsque les touristes reviendront : vont-ils importer pour répondre aux besoins ?

Ainsi et en vue de toutes les raisons exposées, la chambre syndicale des producteurs des boissons alcoolisées a envoyé un courrier à la présidence du gouvernement, au ministère des Finances et au ministère de l'Agriculture pour les sensibiliser à la question. Elle réclame le retrait pur et simple de cette loi ou la révision totale du mode de taxation des produits alcoolisés.

Dans ce contexte, M. Ben Cheikh a précisé que le ministère leur a fixé un rendez-vous pour la semaine prochaine. Si des solutions ne sont pas trouvées au cours de cette entrevue, il a souligné que la chambre va monter d'un cran dans sa pression, notamment en organisant des rassemblements de protestation devant les ministères des Finances et de l'Agriculture.

Par ces récentes décisions, l'Etat a bouleversé, par sa politique de taxes, en seulement deux mois, un marché structuré, intégré et porteur. Alors qu'en ces temps durs que vit la Tunisie, il pouvait y participer en créant de l'emploi et de la valeur, c'est vers son agonie qu'il est mené rapidement. Avec une telle perte, ce n'est pas juste un secteur qui prendra fin mais une culture, un savoir-faire, un terroir et une fierté.


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