Les anciens RCDistes, purs et durs, sont en en train de renaître de leurs cendres. Après avoir touché le fond au lendemain de la Révolution du 14 janvier 2011 et la dissolution de leur parti, au cours du mois de mars 2011 suite à une requête déposée par l'éphémère et mystérieux ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi, que de chemin parcouru par les ex-sociétaires de ce parti. Cinq ans et demi après la débâcle et alors que tout le monde croyait à un enterrement définitif du parti aux « deux millions d'adhérents », nous voilà devant une formation politique qui recommence à faire parler d'elle. Il faut dire que les « notables » de l'ex-RCD commençaient à réapparaître sur la scène, dans un premier temps, à travers d'autres partis dont notamment Al Moubadara de Kamel Morjane, puis timidement avec Nidaa Tounes et même, très discrètement avec Ennahdha. Avec l'organisation des premières élections définitives, législatives et présidentielle de 2014, on a assisté à une tentative sérieuse ex-RCDistes de se regrouper au sein d'un nouveau parti, dénommé le Mouvement destourien présidé par Hamed Karoui qui était un des premiers à ne pas nier le passé «novembriste » du parti, à faire un timide mea culpa et à participer à certains plateaux radiotélévisés.
Toutefois, ce semblant de retour s'est révélé, finalement, un simple feu de paille dans la mesure où les ténors du Mouvement ne paraissaient pas bien convaincus de leur action. Mais c'était compter sans la présence d'une femme qui croyait et croit encore en la cause, en les valeurs et à l'œuvre de ce parti avec ses faiblesses et ses forces, ses réalisations et ses déboires, ses points négatifs et positifs. Il s'agit de la juriste, avocate de son état, Abir Moussi est parvenue à restructurer le parti en lui conférant un nouveau souffle, et ce sans chercher de nouvelles recettes.
Très attachée à l'ex-RCD et nostalgique à souhait, Abir Moussi vient de reprendre carrément le Mouvement destourien à « son » compte en lui redonnant l'ancienne dénomination avec inversion de l'ordre devenant, ainsi, le Parti Destourien Libre (PDL) comprenant exactement les mêmes structures et pratiquement les mêmes appellations. On citera, entre autres le Bureau politique (diwan essiassi), le Comité central, la Fédération destourienne, la Circonscription et la Cellule (Al khaliya au lieu de choôba).Il y aura, aussi, le président, un poste occupé, désormais, par Abir Moussi, et le secrétaire général du parti sans oublier le retour au terme de « l'unanimité » pour remplacer l'autre terme équivalent en vogue : le consensus. On remarquera que la nouvelle présidente du parti a tenu et obtenu que le congrès dit de la « Constance » soit organisé le 13 août 2016, date symbolique et fétiche célébrant la Fête de la Femme et le 60ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP) et, surtout, à l'ancien siège central du RCD dissous à la Kasbah, lieu transformé en Théâtre de ville. Ce congrès constitutif a pu réunir plus de 1200 et a permis à Abir Moussi, jusqu'ici coordinatrice du parti, de devenir, par plébiscite unanime, présidente du mouvement succédant à son président sortant Hamed Karoui. Quant Hatem Laâmari, il a été nommé secrétaire général du parti.
Emportée par la ferveur du moment et la nostalgie des lieux, elle n'a pu s'empêcher de dire : « Aujourd'hui, nous fêtons ce Congrès constitutif du mouvement destourien. Notre mouvement n'est pas mort ! Nous sommes ici chez nous dans ce lieu hautement symbolique qui est notre demeure. Nous ne sommes ni au stade de Radès, ni au Kram ni à la Kobba d'El Menzah… . Ce moment est un moment historique ». Avant de s'exclamer : « Voilà ce qu'a laissé le leader Bourguiba : des hommes» !
Après avoir lu une lettre adressée aux congressistes par le chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi, qui a félicité le mouvement pour la tenue de son congrès tenu tout en expliquant les raisons l'ayant empêché de répondre positivement à l'invitation, la présidente du parti a également évoqué la Révolution de 2011 et la persécution entamée contre les destouriens. C'est alors qu'elle a déclaré : «Depuis 2011, nous avons été diabolisés, nous sommes devenus une marchandise aux mains des partis. Mais, nous n'accepterons plus cela. Le mouvement destourien est une pensée, une patrie, un message ce n'est pas juste un parti, il ne va pas se disloquer aussi facilement. A tout ceux qui respectent les principes bourguibiens nous tendons la main ». Ensuite, profitant d'une énumération des réalisations, elle a cité, dans un ordre chronologique, Farhat Hached, le leader Habib Bourguiba et … Zine El Abidine Ben Ali… .
Il est bon de rappeler et souligner qu'Abir Moussi a été, pratiquement la seule de l'ex-RCD à se battre contre vents et marées pour défendre le parti. Elle était la seule à se présenter au tribunal de première instance de Tunis, le 9 mars 2011, puis le 28 du même mois à la Cour d'Appel pour assister au procès ayant entériné la dissolution définitive du RCD. Tout le monde se rappelle sa combativité face à des avocats déchaînés qui l'avaient même agressée avant d'être interdite d'exercice et d'être traduite devant le tribunal pour « agression » contre des collègues. Un procès qu'elle avait fini par gagner grâce à des vidéos ayant montré clairement que c'était elle qui avait subi des agressions physiques.
Abir Moussi n'a pas baissé les bras et a toujours reconnu tout haut sa fierté d'avoir appartenu au RCD avec ses aspects positifs et négatifs. Elle n'a jamais tenté d'adhérer à un autre parti politique malgré les tentations. Ce qui lui a valu d'être bannie, à quelques exceptions près, des espaces médiatiques. Et à chaque fois qu'elle était invitée à un plateau, elle s'arrangeait pour crier haut et fort ses convictions et ses constantes Faisant, donc, preuve de résistance et d'endurance, elle a fini par récolter les fruits de son action et de son combat. Dotée de charisme et de son jeune âge de 41 ans, Abir Moussi serait promue à un avenir politique certain, mais sûrement semé d'embûches…