Le nouveau chef du gouvernement Youssef Chahed tarde à annoncer son gouvernement et ce plus de deux semaines après avoir été mandaté par le président de la République. Il était pourtant question qu'il compose ce gouvernement rapidement, au maximum dans un délai de dix jours. Aux dernières nouvelles (ou plutôt aux dernières rumeurs), l'annonce de ce gouvernement devrait avoir lieu dans les prochains jours. Les informations fuitées au compte gouttes de Dar Dhiafa à Carthage laissent entendre que M. Chahed sait ce qu'il doit et ne doit pas faire, mais qu'il doit malgré tout consulter les partis politiques et leur donner un chouia de satisfaction, afin d'obtenir leur feu vert par la suite à l'assemblée.
Il se trouve que depuis quelques jours, il ne prend plus en considération les partis politiques seulement, mais également les avis parfois cavaliers des organisations professionnelles, et notamment l'UGTT. La centrale syndicale a en effet haussé d'un ton son discours depuis 48 heures en annonçant son désaccord pour tel ministre et en déclarant que tel autre ne serait bon à rien. Ni la constitution, ni les us et coutumes dans les démocraties ne donnent un tel rôle à l'UGTT. « La faute à BCE qui leur a ouvert la porte du dialogue national pour donner leur avis et s'immiscer dans une composition gouvernementale qui ne les regarde nullement théoriquement. Le pays a vécu des élections de partis et n'a jamais mandaté l'UGTT pour le représenter », déclare un ministre annoncé sortant.
Quelle sera la position de Youssef Chahed face aux menaces à peine voilées des syndicats ? D'après les échos parvenant de ceux qui l'ont rencontré, le chef du gouvernement est déterminé à ne pas céder aux pressions, puisqu'il y va carrément de son avenir politique et de sa crédibilité. S'il veut renvoyer une bonne image et réussir sa mission, il se doit de paraitre en homme fort qui impose sa décision. S'il cède dès maintenant aux pressions des syndicats et des partis, il ne s'en relèvera plus jamais et devra céder jusqu'à la fin aux « chantages ». Partant du principe qu'il ne pourra jamais satisfaire tout le monde, il sait qu'il fera des mécontents par les choix qu'il fera lors de la formation de ce gouvernement. Insatisfaits pour insatisfaits, autant que les partis et les syndicats le soient après qu'il ait nommé les personnes qu'il juge lui-même bonnes. Abandonner l'idée de nomination de telle ou autre ministre parce qu'il n'est pas désiré par tel ou autre parti, serait la garantie idéale pour Youssef Chahed de se mettre tout le monde à dos, à commencer par les partis et les syndicats eux mêmes, mais également les médias et l'opinion publique. Sans parler de l'image de « l'homme faible » qu'il enverrait, on voit vraiment mal comment le nouveau chef du gouvernement pourrait réussir sa mission, alors qu'on lui a imposé des ministres qu'il ne voulait pas et obligé à se débarrasser de personnalités qu'il voulait.