L'Amérique a retenu son souffle hier, où a été diffusée, sur presque toutes les télévisions d'infos internationales, le premier duel télévisé entre les deux candidats à la présidentielle US. Hillary Clinton et Donald Trump, que tout sépare, se sont réunis hier soir (2h heure locale) à New York afin de présenter les arguments qui feront de l'un d'entre eux le ou la futur(e) président(e) des Etats-Unis d'Amérique. Deux candidats à des années lumière l'un de l'autre qui font durer, aujourd'hui encore, le suspense quant à l'issue du scrutin. D'un côté, l'expérimentée ancienne Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, démocrate et sûre d'elle, aux discours chronométrés comme du papier à musique et aux réactions parfaitement retenues et chorégraphiées. De l'autre, le show-man républicain Donald Trump, un outsider de la scène politique qui fait hérisser les cheveux de nombreux observateurs, notamment étrangers, de la chose politique américaine. Et pourtant, le candidat, quoi que novice, impulsif et aux méthodes peu habituelles, reste un adversaire de taille, redoutable. Il présente des arguments de campagne qui ont, eux aussi, leur public.
Il est connu qu'on ne gagne pas un duel présidentiel. On ne fait que le perdre. Ce sont en effet plus les bourdes et les maladresses qui marquent un candidat et qui font pencher la balance en faveur d'un autre. Lors du premier duel (car ce n'est que le premier) c'est Trump qui semble enregistrer sa première défaite. En effet, la candidate démocrate semble avoir remporté la manche avec ses réponses posées et documentées prouvant une maitrise des importants dossiers qui touchent l'Amérique. Face à elle, les slogans populistes et un peu trop « spontanés » d'un Donald Trump qui s'emporte à ses réponses, sans pour autant chercher à argumenter, n'ont pas fait mouche. Constat confirmé par les réactions de l'audience, à laquelle on a pourtant demandé de ne pas réagir, extasiée face aux piques lancées par Clinton en réponse aux attaques de Trump. Mais qui a aussi beaucoup ri des flèches empoisonnées lancées par la candidate à son adversaire qui a très peu su s'en défendre. Ce constat est aussi, et surtout, confirmé par les sondages qui ont suivi la diffusion du débat. Un sondage publié par CNN fait ressortir des chiffres éloquents. 62% des spectateurs interrogés ont estimé que ce serait Clinton qui a remporté cette première manche, contre 27% seulement pour Trump. Mais ce résultat reste très peu déterminant à l'heure actuelle où les sondages d'opinion des intentions de vote restent très serrés à 6 semaines du scrutin.
En réalité, les deux candidats peinent à susciter l'enthousiasme de la majorité et les Américains seront amenés, le jour J, à faire un choix douloureux : non pas celui d'élire le meilleur mais le moins mauvais des deux candidats. Un choix tristement familier en Tunisie qui nous ramène aux élections de 2014 où il fallait faire « un vote utile » afin d'élire le candidat qui fera le moins de mal au pays…
Mais les règles du jeu démocratique dans le pays de l'Oncle Sam, restent très éloignées des nôtres. La Tunisie a connu, jusque-là, une seule et unique élection présidentielle qui peut être qualifiée de démocratique et organisée dans les règles de l'art. Un premier tour qui a fait s'affronter 27 candidats de tous bords, tous aussi différents les uns que les autres, et un deuxième qui a réuni Moncef Marzouki face à Béji Caïd Essebsi. Un duo très différent, qui rappelle les deux candidats à la présidence US aujourd'hui. De quoi se poser la question sur les chances qu'auraient eues Trump et Clinton s'ils devaient concourir à la présidentielle tunisienne. On ne le saura jamais de plus que nous n'avons pas eu la chance d'assister à cet exercice démocratique, à notre échelle. A l'heure de la présidentielle tunisienne, Béji Caïd Essebsi avait décliné l'invitation de Moncef Marzouki de s'affronter sur un plateau télévisé. Une décision fort brillante lorsque l'on sait que BCE détenait l'avantage dans les intentions de vote. Pourquoi aurait-il risqué de perdre la main face au tribun Moncef Marzouki, qui aurait certainement eu les arguments pour battre son adversaire ? De plus que ce genre de débat n'aurait pas suscité, en Tunisie, l'engouement qu'il crée à chaque présidentielle américaine où le monde entier reste scotché aux prestations des deux candidats US.
Des prestations qui ont lieu dans une toute autre dimension. Un « clash » où les arguments de campagne se mêlent à des piques purement personnelles (parfois même très basses) mais certes hautement tolérées dans la sphère politique américaine. Tous les coups sont permis (et même appréciés) pour s'en sortir gagnant. Convaincre par des arguments précis, détaillés et maitrisés sur les importants dossiers qui intéressent les citoyens. Mais aussi (et surtout) administrer des coups bas à son adversaire aussi fort et autant que sa dextérité politique, et le contexte général, le permettent. La controverse des emails de Clinton, la non-déclaration des revenus de Trump, en voilà des arguments qui retiennent le spectateur. Plus même que le nombre d'emplois créés, les secteurs de l'économie à promouvoir, ou les lois à voter. Un match déterminant pour l'issue du scrutin où rien n'est joué encore et où chaque défaillance peut conduire à une défaite aussi assurée qu'inattendue. Vivement un exercice pareil lors des prochaines élections tunisiennes !