Long était le feuilleton des grèves des stations-services. Depuis des mois, les Tunisiens ont balancé entre maintien, report et annulation. Et pour cause, les négociations entre l'UGTT et l'UTICA à propos des augmentations de salaires et celle des marges de bénéfices. Retour sur une affaire qui a bousculé le quotidien d'une grande partie de citoyens. De longues files d'attente, des bouchons interminables, un embouteillage fou et des conducteurs impatients. Telle était l'image des routes en Tunisie, hier lundi 3 octobre 2016, depuis l'annonce de la grève des stations-service, prévues les 4 et 5 de ce même mois, sur tout le territoire tunisien. Tout le monde s'est rué vers la station-service qui lui est proche pour faire ses réserves en carburant, afin de pouvoir circuler tranquillement pendant les deux jours de grève annoncés. Une situation peu commode et stressante qui a pesé sur le mental de la majorité des Tunisiens. Et le pire, c'est après tant d'attente et d'affolement, les stations-services ont fini par travailler normalement ce matin suite à l'annulation, survenue à la dernière minute, de la grève.
Il faut souligner que cela fait un bon bout de temps que ce feuilleton perdure. Entre annonces de grève, report et annulation, c'est le pauvre citoyen qui paie le prix de ces tergiversations et des négociations qui semblent s'éterniser entre l'UGTT et l'UTICA. En effet, et après une première annonce d'annulation de la grève des stations-service le 21 septembre 2016 et une seconde, de cette annulation le jeudi 23 septembre 2016, la Fédération générale des métiers et services relevant de l'UGTT a annoncé que la grève des stations-service aura finalement lieu mardi 4 et mercredi 5 octobre 2016. Hayet Trabelsi, secrétaire générale de la Fédération des métiers et des services, a annoncé que la grève sera effective sur l'ensemble du territoire de la République et que les concertations portant sur l'augmentation des salaires des ouvriers des stations-service, que les propriétaires veulent relier à l'augmentation de leur bénéfices propres, est une aberration. Elle a déclaré en substance : « Il n'y a pas de lien entre le bénéfice des propriétaires des stations-service et l'augmentation des salaires des ouvriers. On nous pousse à faire la grève et nous la ferons. Cette attitude s'apparente à du chantage ». Coup de théâtre, quelques heures plus tard, l'UGTT annonce que la grève des stations-service a été annulée à la suite d'une énième séance de négociations qui s'est poursuivie jusqu'à 1h du matin, le 4 octobre 2016. L'accord trouvé stipule que les salaires des agents des stations-service seront augmentés de 6% et qu'ils obtiendront 10 dinars de prime de transport et 3 dinars de prime de présence au titre de l'année 2015. Les négociations entre l'UGTT et l'UTICA se sont tenues au siège du ministère des Affaires sociales et l'UGTT était représentée par Belgacem Ayari.
Faut-il encore rappeler qu'un un préavis annonçant une grève des stations-service les vendredi 26 et samedi 27 août 2016 a été publié, le 18 août 2016, selon lequel la grève serait due au fait que l'UTICA ait refusé de signer les augmentations de salaires relatives à l'année 2015 dans le secteur des stations-service. Or, là aussi, suite à une réunion de conciliation entre la Chambre syndicale nationale des gérants et propriétaires de stations-service relevant de l'UTICA et la Fédération générale des métiers et des services relevant de l'UGTT, cette grève fut reportée, aux 23 et 24 septembre. D'ailleurs, le secrétaire général de la Fédération nationale de la Chimie, Anis Gharbi, a indiqué, dans une déclaration à Business News le jour même, que les deux parties se sont mises d'accord sur l'envoi d'une délégation conjointe au ministre de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables pour réviser la structure des prix en augmentant la marge bénéficiaire de 2 millimes afin de préserver la pérennité du secteur et la paix sociale, notamment avec la prolifération de la contrebande des carburants. En effet, le secteur n'étant pas libre, la Fédération générale des métiers et des services relevant de l'UGTT est consciente qu'il faut l'aval du ministère pour toucher aux prix et aux salaires. Et bien que le secrétaire général de la Fédération générale du transport relevant de l'UGTT, Moncef Ben Romdhane, ait affirmé qu'un accord a été signé, le 21 septembre 2016 et que la grève a été annulée, il s'avère qu'il n'en était finalement rien, et la fameuse grève a été reportée pour les 4 et 5 octobre 2016.
Le droit de grève demeure, certes, protégé par les lois et la Constitution, mais il y a lieu de mentionner, d'un autre côté, que les citoyens souffrent le martyre d'être les principales victimes de ces mouvements et de ces bras de fer entre patronat et syndicats. D'ailleurs, ceci touche tous les domaines. Des fois, ce sont les élèves qui se retrouvent pris en otages par les syndicats de l'enseignement qui refusent toute concession et tout sacrifice de par les temps qui courent et la conjoncture socioéconomique par lesquelles passe la Tunisie. Les responsables de l'UGTT avancent l'argument, non sans raison, que ce n'est pas à la classe des travailleurs et des employés de payer, uniquement, les pots cassés et qu'ils sont prêts à consentir les sacrifices qu'il faut dans un contexte général où toutes les parties prenantes en fassent de même. Ces arguments sont valables, encore faut-il que les syndicats conviennent qu'ils sont en train de tirer trop sur la corde en brandissant, d'une manière trop exagéré, la menace de la grève pour faire satisfaire leurs revendications. Sachant que la négociation est un art qui s'exerce et qui a pour règle principale le recours aux compromis et non aux menaces.