Alors que la problématique de l'accueil des terroristes tunisiens, partis pour pratiquer le « jihad » dans les zones de conflit, est loin de trouver une solution satisfaisante, un autre présumé terroriste local fait parler de lui à l'étranger. Cette fois, ce n'est pas en Syrie que ça se passe mais en Allemagne. Selon le ministère de l'Intérieur allemand, le principal suspect de l'attentat de Berlin serait de nationalité tunisienne. Anis Amri, élément dangereux de 24 ans et fiché chez les services allemands, fait partie d'une sombre liste d'autres terroristes tunisiens, tristement célèbres dans le monde. Le ministère de l'Intérieur allemand Thomas de Maizière, a affirmé, lors d'une conférence de presse donnée hier mercredi 21 décembre 2016, que le principal suspect de l'attentat de Berlin était de nationalité tunisienne et qu'un avis de recherche a été émis contre lui en Allemagne mais aussi dans tout l'espace Schengen. Ce suspect, un Tunisien de 24 ans du nom de Anis Amri, ne serait pas forcément l'auteur de l'attentat de Berlin mais demeure, à l'heure actuelle et selon les premières investigations, le principal suspect. Un individu « très dangereux » et « probablement armé », selon les autorités allemandes qui offrent une récompense de 100.000 euros pour toute information pouvant conduire à son arrestation. Ouvrant ainsi une véritable chasse à l'homme dans toute l'Allemagne à la recherche du Tunisien.
Suite à cet attentat perpétré lundi soir, et ayant fait 12 morts dont 6 Allemands et 48 blessés dont 14 dans un état critique, les autorités allemandes ont pointé du doigt une « négligence » du côté tunisien. Le ministre de l'Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie, Ralf Jäger a accusé, hier lors d'une conférence de presse, la Tunisie d'avoir « sciemment retardé l'expulsion de Anis Amri, après que sa demande d'asile a été rejetée en juin », affirmant que « Tunis avait longtemps prétendu que l'homme n'était pas Tunisien». Sur RTL, Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, renchérit affirmant que : « il y a un réel problème de gouvernance à Tunis » et accusant les services de renseignement tunisiens de « ne pas être au point ». Du côté tunisien, on explique qu'en aucun cas les autorités tunisiennes n'ont été rendues responsables de négligence dans le dossier de Anis Amri. Il serait fiché chez les services allemands qui avaient toutes les informations le concernant. L'homme devait être expulsé en 2013, avant que son expulsion ne soit annulée par les autorités allemandes, apprend-on du côté tunisien.
Anis Amri n'est certes pas l'unique Tunisien cité comme principal suspect dans un attentat terroriste à l'étranger. Les noms d'autres Tunisiens, tristement célèbres, ont été liés récemment à des affaires similaires. Il s'agit notamment de Boubaker El Hakim. Ce Franco-Tunisien, tué par une frappe de drone américaine à Raqqa en Syrie, il y a quelques mois, était soupçonné par les autorités françaises d'avoir monté l'attaque menée contre Charlie Hebdo. En Tunisie, il accusé d'avoir été le donneur d'ordre des assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Autre terroriste notoire de nationalité tunisienne, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, tunisien de 31 ans domicilié à Nice connu pour des faits de délinquance et répertorié aujourd'hui comme étant « le tueur de Nice ». Le 14 juillet dernier, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonce dans la foule sur la Promenade des Anglais tuant 86 personnes et faisant 434 blessés.
Mais les terroristes tunisiens n'opèrent pas qu'en Europe. Outre les nombreux attentats commis sur notre sol, on compte quelques milliers de terroristes tunisiens partis au jihad à l'étranger. Leur nombre global n'est recensé par aucune étude fiable, mais les dernières données en chiffrent quelques 3000 partis en Syrie pour prêter allégeance à Daech. Organisation terroriste qui revendique la majorité des attentats terroristes dans lesquels des Tunisiens sont impliqués. Les Tunisiens sont, en effet, très représentés chez les combattants de Daech de par le monde. Entrainés en Libye ou en Syrie, ils accomplissent des missions pour le compte de l'organisation terroriste dans plusieurs pays visés. De 2013 à 2015, quelques 12.490 jihadistes ont été empêchés de quitter le territoire tunisien pour rejoindre les foyers de tension, avait déclaré à l'époque Najem Gharsalli, ancien ministre de l'Intérieur. Un chiffre hallucinant pour la petite population tunisienne de 10 millions d'habitants. Si les dispositifs de sécurité et de renseignement mis en place par les forces de l'ordre tunisiennes ont prouvé leur efficacité à plus d'une reprise, dont notamment lors de l'attaque de Ben Guerdène ainsi que dans d'autres attentats avortés, reste l'épineuse question de l'embrigadement mais aussi et surtout du retour. Un chaos transitionnel, une économie mal en point et une effervescence religieuse de plus en plus ambigüe sont derrière le phénomène, mais plus important encore, que prévoir face au retour de ces milliers de « brebis galeuses » ? Que faire le jour où ils seront expulsés vers leur pays d'origine, lorsqu'ils auront purgé leurs peines ou qu'ils décideront de rentrer de leur propre chef ? Là encore, la réponse n'est pas tout à fait très claire. Le président de la République, questionné sur cette problématique à plusieurs reprises lors des dernières semaines, il a affirmé dans une interview à Euronews : « Nous n'empêcherons aucun Tunisien de revenir dans son pays. Ils s'agit-là d'un principe constitutionnel. Nous prenons nos précautions face à eux […] nous agirons avec chacun, sécuritairement et politiquement, en fonction de ses faits et de ce que dicte la situation et ce, avant et après leur retour ». S'exprimant sur la Wataniya 1, il dit : « on ne peut être tolérant avec ceux qui ont nui à leur pays. C'est une position définitive et catégorique ! Je ne serai pas tolérant envers ceux qui ont porté les armes contre leur propre pays. Il est clair qu'on ne peut accueillir ces terroristes avec un bouquet de fleur à la main, ils seront jugés conformément à la loi antiterroriste ».
Si la constitution tunisienne permet à chaque citoyen de revenir dans son pays, une fois sa peine purgée à l'étranger, les mécanismes d'accueil et de réinsertion de ces citoyens gagneraient à être pensés dans l'urgence. Jouissant d'une mauvaise presse à cause des terroristes qu'elle exporte, la Tunisie est aujourd'hui pointée du doigt comme étant une « usine du djihad », un « pourvoyeur de jihadistes à travers le monde ». Sa gouvernance est accusée de « ne pas faire ce qu'il faut pour y remédier »…