Le parti du Congrès pour la République (CPR) n'a plus aucune existence. Tel fût le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Tunis, hier, lundi 2 janvier 2017. Ce verdict a mis à plat les opposants à la décision de fusionner ce parti avec celui de Harak Tounes Al Irada créé par l'ancien président Moncef Marzouki. Retour sur un feuilleton qui ne semble pas être à son dernier épisode.
C'est dans la soirée d'hier, lundi, qu'un communiqué cosigné par Imed Daïmi et Zouheir Ismail a été publié annonçant que le Tribunal de première instance de Tunis a décidé un non-lieu, dans le procès intenté par Abdelwaheb Maâtar et Samir Ben Amor pour annuler la décision prise par le Conseil national du parti CPR. Une décision selon laquelle le parti du Congrès pour la République devrait fusionner avec Al Irada de Moncef Marzouki. Selon les signataires dudit communiqué, ce verdict de justice confirme toutes les décisions du Conseil national du CPR et met fin à ce qui pourrait entraver l'opération de fusion. Ainsi la mort officielle du CPR est confirmée. On va jusqu'à considérer que toute personne s'exprimant au nom de ce parti comme étant un usurpateur d'identité. Toutefois, on affirme que le parti Al Irada reste ouvert et tend ses bras à tous les membres convaincus de sa vision et de sa ligne politique, invitant, ainsi et d'une manière implicite, les opposants à un retour à la raison et à rejoindre les rangs des amis d'antan, mais au sein du parti Al Irada.
Sauf que, sitôt le verdict rendu public, la réponse de l'un de ces « amis » n'a pas tardé. En effet, dans la même soirée, l'un des farouches opposants, à savoir Samir Ben Amor, s'est exprimé sur sa page Facebook en réaction à ce jugement se disant étonné de cette décision« surprenante », selon lui. Il l'a même considérée comme contraire aussi bien à la réalité qu'à la loi. Cependant, il a affirmé son intention d'interjeter appel à ce jugement puisqu'il s'agit d'un jugement de première instance. Par ailleurs, il a affirmé que cette décision ne fera pas plier les militants du CPR et ne les fera pas renoncer à leur refus de cette opération de fusion, et à leur retrait de confiance de certains anciens dirigeants impliqués dans ce qu'ils qualifient de putsch contre la direction légitime du CPR afin de servir des agendas personnels n'ayant aucun rapport avec les principes de la démocratie et de la transparence. Il a, également, mis en garde contre « certaines tentatives voulant induire en erreur l'opinion publique en conférant au jugement de première instance des implications inexistantes ».
C'est en remontant le temps au 14 février 2016, qu'on se remémore la décision prise par le Congrès national, lors d'une réunion extraordinaire, stipulant que le CPR fusionnera avec Al Irada. Une décision fortement contestée, notamment, par deux membres fondateurs du parti, à savoir Abdelwaheb Maâtar et Samir Ben Amor qui crient au scandale et à l'illégitimité de ce congrès et vont même jusqu'à intenter un procès judiciaire pour annuler cette décision. Les deux opposants, figures emblématiques du CPR, multiplient les déclarations médiatiques pour dénoncer le putsch sur le parti orchestré par Moncef Marzouki et ses coéquipiers et considérer qu'il s'agit d'un « hold up » visant à servir les intérêts personnels des adhérents d'Al Irada.
Faut-il tout de même rappeler qu'à l'issue de l'échec de Moncef Marzouki à l'élection présidentielle, il avait annoncé la création de la mouvance du peuple des citoyens. Une tentative de l'ancien président d'attirer ou de s'accaparer le réservoir électoral d'Ennahdha qui avait voté pour lui. Un constat qu'il a fait, vu l'énorme écart entre les résultats obtenus lors de l'élection présidentielle et ceux des législatives où le CPR n'a récolté que des miettes. Un résultat qui se traduit, d'ailleurs, par le nombre très limité de sièges obtenus à l'Assemblée des représentants du peuple.
En attendant un éventuel verdict en appel, confirmant ou infirmant la décision en première instance, les observateurs s'attendent à une polémique et à un bras de fer entre les deux parties, sachant qu'objectivement et pratiquement, le Congrès pour la République n'a plus d'existence sur le terrain dans le sens, d'abord, que les divers élus sur ses listes, et à leur tête Imed Daïmi, ont rejoint les rangs de Al Irada. Ce qui ôte tout poids politique réel au CPR. Ensuite, mis à part les deux dirigeants, Samir Ben Amor et Abdelwaheb Maâter, il n'y a pas de voix influentes qui défendent les thèses du maintien du CPR. D'ailleurs, depuis le fameux conflit issu de ladite réunion du Conseil national, on n'a enregistré aucune activité digne de ce nom à l'échelle nationale ou même régionale.
C'est à croire que le CPR se retrouve réduit à ces deux personnes qui ne savent plus où se positionner par rapport à l'échiquier partisan dans le pays. Il ne faut pas perdre de vue que ce même CPR a déjà perdu beaucoup de son aura depuis les premiers départs, à savoir ceux de Mohamed Abbou et son épouse Samia Abbou pour former un nouveau parti, celui d'Attayar, qui est parvenu à obtenir, tout de même, trois sièges à l'ARP.
De l'autre côté, les dirigeants de Al Irada, plus particulièrement Imed Daïmi, Adnène Manser et, bien entendu, Moncef Marzouki, continuent à être très actifs en participant aux divers débats sur les grandes questions à travers les plateaux médiatiques.
Ceci conduit les analystes à affirmer que même si certains nostalgiques continuent à se battre pour la réanimation du CPR, ce parti semble agoniser surtout dans l'attente d'une probable confirmation du jugement par la Cour d'Appel qui serait alors le coup de grâce pour un parti qui, il y a à peine quatre ans, étant le numéro Deux du paysage partisan en Tunisie.