Quelle mouche a piqué certains experts, si tant est qu'ils le soient dorénavant, pour affirmer péremptoirement que la délégation du FMI sera absente du rendez-vous fixé au début du mois d'avril 2017 pour faire le point sur l'état d'avancement du programme de réformes convenues avec le gouvernement et permettre ainsi le décaissement des tranches, en stand-by, du crédit de 2,7 milliards de dollars sur 4 ans, octroyé par l'institution de Bretton Woods à la Tunisie. Certes, les raisons qui les ont poussés à émettre une telle affirmation sont légitimement fondées. Il n'empêche, leur résultante ne peut être que pure spéculation. Car, rarement contacts, entre la délégation du FMI et les autorités tunisiennes, n'ont été si nombreux que ces derniers jours. Par visioconférences, bien sûr. Sur cette base, rien ne peut suggérer un quelconque renoncement de l'équipe du FMI à faire le déplacement à Tunis. En revanche, cela dit long sur le branle bas qui agite et le ministère des Finances et la Banque centrale. Il est vrai que le prochain rendez-vous avec le FMI sera décisif. Il est hors de question qu'il débouche sur un second échec. Malheureusement, pour l'heure, cette hypothèse demeure envisageable et le gouvernement devra présenter un solide plaidoyer, fondé sur des données empiriques tangibles pour expliquer tant de lenteur dans la mise en œuvre des réformes visant à redresser les finances publiques et améliorer l'environnement de l'investissement dans le pays. Il faudra également qu'il donne de réelles garanties pour prouver sa détermination à combler le retard pris dans la réalisation du programme de réformes. Celles-ci ne tiennent plus tant à l'accélération de l'approbation législative des réformes clés portant sur le secteur bancaire, la concurrence, le partenariat public-privé, la passation des marchés, l'investissement public et l'investissement en général ainsi que les procédures de faillite, mais à la publication des décrets d'application que prévoient ces réformes. Il en est de même des nouvelles législations sur les incitations à l'investissement et les avantages fiscaux, en attendant la mise en place de la réforme de la fonction publique.
Celles-ci ne tiennent pas tant aussi aux objectifs de gestion des déficits jumeaux, budgétaires et de paiements extérieurs que des mesures qui y tendent comme la lutte contre la fraude, la corruption et l'économie parallèle.
C'est cette démarche qui mériterait de transparaître devant le principal bailleur de fond du pays sans l'approbation duquel, n'en déplaise, il serait illusoire d'envisager le soutien des autres bailleurs de fonds multilatéraux, Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne et Banque européenne d'investissement, a fortiori les marchés domestiques internationaux. Car, les 1,4 milliards de dinars d'appui budgétaire du FMI pour l'année 2017 constituent la plus importante clé pour bénéficier des 2,7 milliards de dinars de soutien budgétaire des autres bailleurs de fonds. A elle seule, cette enveloppe globale représente les deux-tiers des dépenses d'investissement du budget de l'Etat pour l'exercice 2017.
Or, le gouvernement ne semble pas y prendre garde. La décision annoncée, à l'issue de la récente rencontre du Chef du gouvernement, Youssef Chahed avec les signataires de l'Accord de Carthage, de la création de commissions chargées d'étudier les grandes réformes, notamment celles qui concernent les caisses sociales ou l'administration publique ou bien de l'éducation ou encore les entreprises publiques ne milite pas en faveur d'une accélération du processus mais risque, au contraire, d'être perçu comme un frein compte tenu des différences de vision et d'approche de sortie de crise affichés les partenaires de l'Accord de Carthage. « Très probablement et comme toujours, les tractations politiques au sujet de la constitution de ces commissions vont trainer en longueur, et ces commissions risquent d'enfanter des sous-commissions, qui à leur tour enfantent des comités d'experts, etc. Le tout avec des budgets mirobolants, et avec des résultats incertains », estime, à juste titre, l'analyste en économie politique, Asef Ben Ammar, dans une contribution publiée sur le site Bab Bnet.
A la veille du rendez-vous avec le FMI, Youssef Chahed n'avait-il pas autre chose à faire que ménager la chèvre et le chou et se fourvoyer ainsi dans cette impasse ?