Violence, régionalisme, anarchie, tels sont devenus les maîtres mots qui qualifient la réalité du football en Tunisie. Le sport le plus populaire au monde, s'est transformé en un véritable cauchemar qui menace même la stabilité et la sécurité de nos villes. Face à cela, le gouvernement ne pipe mot à propos de cette situation devenue plus qu'alarmante. Le match de football qui a eu lieu hier entre l'Union sportive de Tataouine et le Club athlétique bizertin a accaparé, tristement, toutes les lumières et suscité une énorme vague de critiques sur la situation du football et du sport de manière générale en Tunisie. Ce qui s'est passé à Tataouine était une véritable première dans l'histoire du football. L'arbitre reprend le match 27 minutes après avoir sifflé la fin. Il permet, ainsi, à l'équipe locale de marquer un but d'égalisation fort litigieux après lui avoir accordé un coup-franc imaginaire. Cette mascarade avait pour prétexte de préserver la situation sécuritaire dans la ville après que les supporters aient menacé de tout brûler. Autre fait, et non des moindres, des actes de violence ont eu lieu au cours de la partie. Les supporters n'ont pas manqué de jeter des pierres et autres projectiles sur les joueurs de l'équipe adverse, causant, ainsi de graves blessures, notamment de l'entraîneur du CAB. La ville de Bizerte a été le théâtre de toute cette débandade et la réaction des supporters du CAB ne s'est pas fait attendre. Blocage de la circulation notamment au niveau du pont, protestations et pneus incendiés. La réponse était conséquente avec les faits enregistrés lors du match. Une situation qui a nécessité l'intervention des forces de l'ordre pour rétablir le calme dans la ville. Les dirigeants du CAB sont, également, intervenus pour calmer les esprits, en lançant des appels à la retenue et à la sagesse.
Le pire dans tout cela, c'est qu'il ne s'agit pas d'une première ou encore moins d'un cas isolé. La violence et ses tendances régionalistes se sont tellement répandues qu'elles font aujourd'hui partie intégrante du football tunisien. L'état des stades tunisien est plus que déplorable et le maintien de la sécurité est une tâche encore plus pénible. Il y a lieu de se poser la question sur le rôle de l'Etat et de son éventuelle action pour gérer la situation. Or, l'Etat, plus précisément le ministère de la Jeunesse et du Sport, censé représenter l'autorité de tutelle, ne peut plus s'immiscer dans la gestion de la discipline vu la stricte interdiction imposée par la Fédération internationale de football (FIFA). Une situation exploitée à l'extrême par le Bureau fédéral actuel présdé par le tout puissant Wadiî El Jeri. D'ailleurs, le statut disciplinaire stipule qu'en la matière, "la Fédération a l'autorité la plus étendue pour se prononcer sur toutes les infractions aux règlements généraux et pour décider de toutes sanctions [...] La compétence de la Fédération s'étend notamment aux matières de la discipline des joueurs, entraîneurs, dirigeants ou public, ainsi qu'à l'atteinte à la morale sportive, manquement grave portant atteinte à l'honneur, à l'image, à la réputation ou à la considération du football ou des affiliés de la Fédération". C'est le président de la FTF, Wadi El Jeri, originaire de Ben Guerdène, qui se retrouve dans le collimateur des critiques, d'autant plus qu'il puise sa légitimité du fait qu'il a été réélu à la tête de fédération, malgré tous ceux qui s'y sont opposés. L'homme aux super pouvoirs multiplie les affrontements avec les présidents des clubs sportifs. Ils contestent à l'unanimité son ingérence dans le déroulement des matchs et son ascendant sur les arbitres qui déterminent le sort de certaines parties. M. Jeri est accusé d'alimenter les tendances régionalistes, en estimant que les faits l'incriminant sont tellement incontestables qu'ils ne peuvent être occultés.
Il n'y a pas longtemps, des incidents gravissimes ont eu lieu au stade de Sfax lors du Classico entre le Club Sportif Sfaxien et l'Etoile Sportive du Sahel où des dépassements et des propos indécents ont été enregistrés au vu et au su de tous, sans que la Fédération ne prenne de vraies mesures dissuasives. D'ailleurs, on craint d'éventuelles représailles à Sousse lors du match de retour entre les deux mêmes équipes. D'autre part, certains vont jusqu'à évoquer la « main » de Jeri dans la montée fulgurante de l'US Ben Guerdène qui s'est vu catapulter à la phase du play-off et se qualifier aux demi-finales de la Coupe de Tunisie, sachant que cette équipe a bénéficié, tout au long de la saison en cours, d'un penalty dans pratiquement chaque match du championnat. De là jusqu'à dire que les arbitres obéissent ou veulent faire plaisir au « président », il n'y a qu'un pas que certains n'ont pas hésité à franchir. Le problème, c'est que ce genre d'incidents menace, d'un côté, la situation sécuritaire et attise le phénomène du régionalisme, de l'autre. Puisque certains parlent déjà d'un « sud hors-la-loi »… Heureusement que le pouvoir semble avoir pris, enfin, conscience de la gravité de la situation puisqu'on annonce une réunion imminente présidée par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, en présence du ministre de l'Intérieur, Hédi Mejdoub, la ministre de la Jeunesse et du Sport, Mejdouline Charni, et l'inévitable président de la FTF, Wadiî Jeri. En tout état de cause, tout le monde a intérêt à désamorcer la crise et à calmer les esprits afin de redonner au football et au sport, en général, ses lettres de noblesse et lui faire retrouver son aura. En attendant un retour du public, il est curieux et aberrant que plus de six ans après la Révolution, on n'arrive toujours à maîtriser un match de sport !