Yassine Ayari remporte les élections législatives partielles de la circonscription d'Allemagne. Telle fût la nouvelle qui a ébranlé la scène nationale dans la soirée d'hier. Sitôt annoncée, les réactions ont fusé de toutes parts. Entre surprise, état de choc et amertume, personne n'est resté indifférent. Retour sur un scrutin des plus controversés. Tout a commencé au moment de la désignation du député Nidaa Tounes, Hatem Ferjani, au poste de secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la diplomatie économique. La vacance de son siège à l'Assemblée a été l'objet de toutes les convoitises. D'ailleurs, tout le monde se rappelle qu'on parlait même d'une éventuelle candidature de Hafedh Caïd Essebsi. Finalement, Nidaa Tounes, parti vainqueur aux législatives 2014, et premier sur les listes des sondages d'opinion a décidé de présenter un autre candidat qui a été, aussi, soutenu par son allié stratégique, le parti islamiste d'Ennahdha.
Toute cette dynamique autour de ce siège et la mobilisation qui a eu lieu, outre les frais déboursés par l'ISIE pour la tenue de ces élections se sont traduits par un taux de participation ne dépassant pas les 5% des électeurs enregistrés sur la circonscription d'Allemagne. Un taux, pour le moins médiocre, a scandalisé les observateurs de la scène politique, qui témoigne du désintérêt total des Tunisiens des partis politiques. Et pour couronner ce feuilleton, on apprend la victoire du blogueur et cyber-activiste, Yassine Ayari avec ses 264 voix, dans la soirée du 17 décembre. Une fois le résultat annoncé, les réseaux sociaux ont été submergés par une multitude de commentaires et de réactions. La toile a été envahie par des photos du vainqueur brandissant le drapeau noir, emblématique de l'organisation terroriste de Daech. D'autres internautes ont préféré partager d'autres photos issues de l'historique du blogueur à l'instar de celle où il faisait des grimaces clownesques. Et si les gens retiennent, principalement, ces images du blogueur, les politiciens avaient, aussi, leur mot à dire.
Le secrétaire général de Machrouû Tounes a réagi à deux reprises à la victoire de Yassine Ayari. Ainsi, dans sa première réaction à chaud, il a affirmé qu' « il y a de grandes leçons politiques à retenir. Il faut procéder à une révision fondamentale et ferme. D'autre part, les évènements confirment nos propos concernant le consensus frauduleux. Et puis, le parti de Machrouû Tounes a réussi à démentir tous les sondages d'opinion […] Aujourd'hui, Ennahdha a vaincu avec son véritable candidat », souligne-t-il.
Dans un deuxième statut, il a estimé que son parti a réussi à s'organiser dans un laps de temps réduit, pointant l'échec de la stratégie de l'alliance entre Ennahdha et Nidaa Tounes qui a démontré ses limites: « Nous ne sommes contents, ni du taux de participation, ni de notre résultat. Nous ne voulons pas pleurnicher, comme ce fut le cas en 2011. Ce qui s'est passé en Allemagne affirme ce que nous avons déjà avancé. Nous devons tirer les leçons et poursuivre le travail. Je suis optimiste. Concernant le vainqueur, si l'Etat se respecte, il doit d'abord enquêter sur son présumé soutien au terrorisme avant qu'il ne mette le pied sous l'hémicycle du Parlement ».
Quant au député d'Al Horra, Sahbi Ben Fredj il a affirmé que « les électeurs ont puni toute la classe politique mais ils se sont, également, puni en s'abstenant de se présenter au vote. Ce problème s'approfondira lors des municipales. Puis l'échec des partis qui prétendent être les premiers dans les sondages. Il s'agit du début de la fin de Nidaa Tounes dans sa forme actuelle, en contrepartie de l'ascension d'Al Harak et d'Attayar comme véritables adversaires. On notera, toutefois, le progrès de Machrouû Tounes qui lui permettra de devenir l'alternative naturelle à Nidaa Tounes ».
Pour Mongi Harbaoui, porte-parole de Nidaa Tounes l'échec de son parti aux élections législatives partielles d'Allemagne était dû à trois raisons principales. « La première, étant l'image négative de la politique et des politiciens véhiculées par les médias. La deuxième est les politiciens, eux même, qui ont une grande responsabilité dans l'empoisonnement et l'infestation de la scène politique. Et puis, l'électeur constitue la troisième raison de cet échec, qui échappe, selon lui, à ses responsabilités sans gêne et sans scrupule et se contente du rôle du téléspectateur ».
Le dirigeant controversé de Nidaa, Khaled Choukat, a réitéré sa fierté d'appartenir à Nidaa Tounes. « Le résultat des élections en Allemagne doit être pris comme étant un message que nous devons assimiler. Les gens ont des réserves pour les nouveaux, mais refusent le retour des anciens. Le peuple est désespéré et s'attend à une lueur d'espoir. Nous avons mené une campagne honorable, mais nous devons accepter le résultat avec démocratie et civisme ».
La députée Sabrine Goubantini a, également, publié un statut récapitulatif de la situation, « 500 mille DT sont les estimations du coût des élections législatives partielles. Outre les frais des campagnes électorales des 26 listes en euros. Le taux de participation ne dépassant pas les 5% traduit le dégoût du citoyen tunisien de la situation honteuse des partis. Tout cela pour créer le poste d'un secrétaire d'Etat chargé de la diplomatie économique, et désigner l'unique député de cette circonscription à ce poste. Pour qu'au final la Tunisie soit classée sur la liste noire des paradis fiscaux de l'EU ».
Ahmed Néjib Chebbi, a pris part au débat, affirmant que les résultats (encore provisoires) des élections législatives partielles pour la circonscription des Tunisiens résidents en Allemagne a confirmé et renforcé ce que l'on savait déjà, à savoir les 95% des Tunisiens qui se détournent des élections, et que l'heureux élu est un candidat indépendant de l'antisystème, proche du Dr Marzouki. « Le binôme Nida-Ennahdha, n'aura quant à lui réuni que 253 voix autour de son candidat malheureux! On savait que ces deux partis vainqueurs aux élections de 2014 ont connu une descente aux enfers et qu'ils ne représentent plus que quelques miettes de l'électorat tunisien ».
En tout état de cause, ces dernières élections législatives partielles, ont donné un aperçu global de la scène politique nationale à travers les résultats médiocres du taux de participation témoignant du désintérêt général du tunisien, ainsi que l'échec cuisant cumulé par le candidat de l'alliance stratégique entre Nidaa Tounes et Ennahdha. Un résultat que beaucoup devront méditer afin d'en tirer les bonnes leçons.