La scène politique est en pleine effervescence ces derniers jours. La reconstitution des formations parlementaires, l'oscillation permanente des équilibres des forces entre Carthage et la Kasbah… Tant de faits ont ponctué la semaine aussi bien au niveau politique et stratégique. Retour sur une série d'évènements, dont la suite s'annonce incertaine. L'annonce de la démission des 8 députés Nidaa Tounes du bloc parlementaire pour rejoindre, certainement, le nouveau bloc de la coalition nationale, a été l'évènement marquant du dernier week-end. Ce groupe composé de députés ayant un poids politiques considérable, à savoir, Zohra Driss, Moncef Sellami, Ahmed Saïdi, Issam Matoussi, Lamia Dridi, Jalel Ghedira, Mohamed Rachdi ainsi que Maroua Bouazzi, a choisi de quitter le navire, exaspéré par l'attitude du directeur exécutif autoproclamé de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi. D'ailleurs, la députée Zohra Driss a assuré dans ce contexte que « les débuts des problèmes de Nidaa ont commencé depuis le congrès de Sousse, qui était tout sauf démocratique, même si réellement, ça a débuté depuis le départ de Béji Caïd Essebsi. Ceci dit, depuis ce congrès, Hafedh Caïd Essebsi a pris les choses en main, en s'attribuant toute la légitimité. Nidaa Tounes n'est pas une affaire familiale, et même dans une famille on se doit de consulter sa femme et ses enfants. On ne commande pas depuis sa chambre à coucher. Hafedh Caïd Essebsi se croit tout permis en se targuant d'être le propriétaire de la patente! »
Plus que jamais convaincus de la difficulté de réformer le parti de l'intérieur, ce groupe a décidé de rejoindre le bloc parlementaire de la coalition nationale, récemment, formé par 33 députés. Selon des sources qui leur sont proches, d'autres départs sont prévus, et le nouveau bloc s'agrandira probablement davantage. Certaines voix s'élèvent estimant que cette nouvelle formation a été constituée autour de la personne du chef du gouvernement, Youssef Chahed. Ces propos ont été réfutés par les membres du bloc qui affirment être pour la stabilité gouvernementale et politique, notamment, en ces circonstances où le pays vit une crise économique et sociale indéniable.
Cela dit la riposte de ceux qui restent à Nidaa Tounes ne s'est pas fait attendre. Ridha Belhaj, Mongi Harbaoui et Khaled Choukat se sont lancés dans des déclarations médiatiques pour tancer les dissidents en allant jusqu'à les qualifier de rats et les accusant de traitrise. Mongi Harbaoui a même assuré qu'une réunion se tiendra dans les prochaines 48h pouvant conduire à l'éviction de Youssef Chahed du parti ainsi que celle du groupe des démissionnaires.
La vague de démissions se poursuit, avec le départ annoncé en direct sur les ondes de Mosaïque Fm, de l'avocat et membre de Nidaa Tounes Wissem Saïdi, faisant partie, de l'entourage très proche de Hafedh Caïd Essebsi. Un départ très significatif de l'ampleur de la crise que traverse le parti.
Ce dernier rebondissement constitue pour les observateurs un revirement de la situation et une redistribution des cartes en faveur du chef du gouvernement. C'est dire que la semaine dernière, plusieurs personnes ont conclu que les jours de Youssef Chahed seraient comptés à la Kasbah. Ce fût à la suite de l'apparition médiatique du chef du parti islamiste à l'issue de sa rencontre avec le président de la République. Les deux cheikhs avaient convenu de l'activation de fameux 64ème point du Document de Carthage 2, relatif au remaniement ministériel global. Une position prise, alors que Youssef Chahed était en voyage officiel en Chine. Une décision qui n'a pas tenu longtemps. Le parti islamiste s'est, enfin rétracté, en réitérant sa position initiale : un soutien en contrepartie d'un engagement pour ne pas se présenter aux prochaines élections de 2019. Ce changement de cap d'Ennahdha prouve, si besoin est, sa capacité de faire la pluie et le beau temps et son rôle primordial dans le maintien de l'équilibre des forces sur la scène politique nationale. Toujours est-il, selon certains analystes, l'avantage pris par Youssef Chahed, dans l'état actuel des choses, ne revient pas uniquement au soutien d'Ennahdha, mais à la position décriée de Hafedh Caïd Essebsi et l'appui que lui confère son père.
En tout état de cause, la situation ne sera pas de tout repos. Des changements et des rebondissements sont encore en perspective. Cependant, l'évolution récente des événements ne présage qu'un raz de marée d'Ennahdha qui profite de la décadence du paysage partisan et des discordes au sein de la famille progressiste et moderniste. Une remise en question s'impose afin de se ressaisir pour les prochaines échéances électorales, chose qui semble encore loin d'être admise par le locataire de Carthage.