INFOTUNISIE- « Ce que la Sicile doit aux arabes » est bien le propos du dernier livre du philologue italien Alfonso Campisi, qui vient de paraitre chez la maison d'édition tunisienne « Cartaginoiserie », traduit de l'Italien par Afef Lemkecher. « Ifriquiya et Siqiliyya, Un jumelage méditerranéen » tente une fois de plus de discréditer les chroniques fanatiques qui attribuèrent aux conquérants arabes des comportements contraire à la tolérance de l'Islam. Il ouvre ainsi une fenêtre sur une Sicile triplement arabe sous les aghlabides, les fatimides et les normands connus pour leur admiration de la culture arabe. L'auteur et à travers non seulement l'historiographie mais aussi la philologie et la linguistique met en relief la prospérité sans précédant de la Sicile arabe grâce à l'amorce des activités et échanges commerciaux et économiques ainsi que l'effervescence de la vie culturelle aboutissant à un couronnement intellectuel et scientifique arabo-normand ! L'un des plus nostalgiques des chantres de la Sicile arabe, le poète Ibn Hamdis se « baladant » avec sa muse dans les jardins de l'Il s'étonne de sa beauté accablante : « Et lorsque tu jettes les yeux vers les merveilles de sa terrasse, tu y vois des jardins qui verdoient dans le ciel… Et Tu t'étonnes des hirondelles d'or qui volent en cercle pour bâtir leurs nids sur son faite » Les références arabes fusent dans ce livre, des poètes aux chroniqueurs,des hommes de sciences aux jurisconsultes tels qu'Al Imam Sahnoun…témoignant ainsi qu'une approche « juste » est avant tout une approche qui va puiser dans les sources de l'autre que l'on croit si loin de nous . Les slogans du dialogue des civilisations ne suffisent pas à eux seuls, il leur faut une méthode « humaniste » ! Dans un dernier chapitre intitulé « Ce que la Sicile doit aux arabes », l'auteur puise dans la Sicile actuelle, son dialecte, ses vestiges, son artisanat, sa musique, sa poésie et même son « Jouha » personnage burlesque que les siciliens appellent « Giufa » ! « Fille spirituelle de l'Ifriqya » après la première conquête arbo-berbere(652-1051),la Sicile a vu ses habitants s'octroyer des prénoms arabo-siciliens en les superposant les uns aux autres, tel que al trabansi (le trépanais) ou al-kir-kintin (le girgentin)…Les Siciliens continuent aujourd'hui dans leurs us et coutumes à perpétrer des croyances arabes concernant le mauvais œil, en faisant porter aux enfants des cornes de corail autour du cou ! « Pour retrouver les coutumes arabes, il suffit de se rendre dans les quartiers populaires de Palerme dans les rues de Balate, Delle Dogane, Del Fondaco…qui avec leurs noms arabes semblent donner le premier salut au visiteur désireux de découvrir ce qui reste aujourd'hui de la vie de Tunis, de Sousse dans le cœur palpitant du Palerme populaire ». Quant à la gastronomie, l'auteur nous livre l'influence déterminante des arabes sur la cuisine Sicilienne, grâce à l'introduction du sucre raffiné, au IX siècle, du riz et des épices tels que le Safran… Mais la grande surprise en lisant ce livre c'est de découvrir que les pâtes que l'on sait italiennes d'origine Chinoise, « furent produite en Sicile un siècle avant la naissance de Marco Polo, dans un texte d'Al- Idrisssi nous remarquons que les vermicelles portent le nom arabe « itriya » ou « tria » en dialecte Sicilien (mais aussi tunisien) qui indique un type de pate filiformes ». C'est durant la présence arabe que les Siciliens adoptèrent cette pâte alimentaire ! Le lecteur ne peut que conclure avec l'auteur que «…Les arabes donnèrent vie à une civilisation florissante exceptionnelle dont l'écho reste extraordinairement encore vivant aujourd'hui », tout en savourant cette poésie italienne on ne peut plus arabe : « Di la finestra s'affacciaula lunae'nta lu menzu la stidda diana… (La lune s'est mise à la fenêtre, et au milieu est l'étoile Diane) !