Dans une déclaration accordée à think-tank, libéral italien Libertiamo, Habib Sayah, jeune responsable associatif libéral et candidat de la liste Sawt Mostakel à l'Assemblée Constituante dans la circonscription « France 1 » a demandé de cesser de parler de la victoire du parti islamiste « Ennahdha ». « C'est la première force politique du pays, mais elle n'a pas obtenu la majorité des sièges, encore moins des voix des Tunisiens ! Il ne faut pas parler de victoire d'Ennahdha, mais il faut surtout voir que 60 à 70% des électeurs ont voté pour des partis laïcs. Le succès d'Ennahdha était en effet prévisible. Nul doute que le parti islamiste allait obtenir le plus gros score à l'issue de ces élections. Pour autant, il faut éviter de s'affoler et regarder les résultats à la loupe. Si Ennahdha parvient à former un gouvernement d'union nationale, elle gouvernera avec face à elle plusieurs garde-fous. Un gouvernement composé tant de laïcs que d'islamistes et une forte opposition laïque. En plus d'avoir une réelle opposition face à elle au sein de l'Assemblée et dans la rue, Ennahdha va devoir composer avec l'héritage socioculturel des Tunisiens. En effet, la Tunisie est le seul pays arabe à avoir refusé l'inscription de la Charia dans sa constitution au moment de l'Indépendance. Cette tendance à la sécularisation est vécue par la majorité des Tunisiens comme un acquis, voire un véritable trésor qu'il faut conserver. Ennahdha a su gagner la sympathie de nombreux Tunisiens. Ce parti a fait une campagne remarquable, et possède à son actif plusieurs décennies de répression subie par ses militants. Mais le succès d'Ennahdha doit beaucoup aux lacunes de la stratégie des partis laïcs qui étaient trop divisés. La réalité est que les Tunisiens ne se laisseront pas priver de leurs libertés et qu'Ennahdha devra gouverner dans un régime démocratique. Un scénario à l'iranienne n'est donc pas envisageable, et les dirigeants d'Ennahdha sont conscients que les Tunisiens sont sur leurs gardes car ils ont fait campagne en affirmant qu'ils maintiendraient les acquis de la femme tunisienne et ne reviendraient pas sur les libertés individuelles. Le succès d'Ennahdha n'est pas significatif à l'heure actuelle. Mais ses dirigeants sont patients et savent qu'ils doivent agir en douceur sur les mentalités afin que dans 5 ans les Tunisiens soient en quelque sorte progressivement anesthésiés et de plus en plus perméables aux idées islamistes et moins attachés à leur liberté car toute remise en cause brutale des libertés de la part des islamistes susciterait l'opposition des Tunisiens. À nous aujourd'hui d'accepter le jeu démocratique et d'agir sur les mentalités, que ce soit dans l'opposition démocratique ou dans la société civile, afin de maintenir l'exception tunisienne. Il s'agit de concilier Islam et liberté ».