Qui veut mettre les bâtons dans les roues du gouvernement Jebali ? Les accusations proférées par les dirigeants d'Ennahdha désignent des parties occultes et des adversaires visibles. Parmi ces derniers figurent l'opposition, autrement appelée « zéro virgule » et les médias, tous genres confondus. Ce sont eux, parce qu'ils seraient mal intentionnés et voudraient faire tomber le gouvernement, qui empêchent la troïka de mettre à exécution son programme, si programme il y a. Ce sont eux également qui dissuadent les touristes et les investisseurs de venir en Tunisie, pays qu'ils dépeignent comme s'il était « ravagé par la guerre et les conflits de toutes natures ». Il ne sert à rien de pointer un doigt accusateur en direction de l'opposition politique. La majorité, au lieu de sortir de son immobilisme, se complait dans une attitude défensive. Elle essaie d'empêcher le droit à la critique. Elle use de moyens hérités de l'ancien régime pour dissuader les médias de jouer leur rôle et d'émettre des critiques légitimes et notamment alerter l'opinion publique sur les déviations, les dérives, les dérapages et les dépassements commis. Le boycott par l'opposition de la séance-débat de jeudi 1er mars avec le gouvernement est une illustration de plus de la volonté de la coalition au pouvoir d'attenter à la liberté d'expression. L'agression verbale perpétrée contre Chédia Khdhir d'El Watania le jour même par un élu de la Nation, représentant Ennahdha, alors qu'elle exerçait son métier, confirme la haine que voue ce mouvement aux journalistes, tenus pour responsables de son échec. Il est temps pour les autorités au pouvoir de faire leur mea culpa. Tous les observateurs, qu'ils soient tunisiens ou étrangers, s'accordent à voir d'importantes failles dans le mode de gouvernement que cherche à imposer le mouvement islamiste. Pourquoi privilégier des questions marginales et escamoter les vrais problèmes de la société tunisienne ? A-t-on accordé la priorité à l'emploi plutôt qu'au niqab, à la situation en Syrie ou aux propos de quelques pseudo-prédicateurs ? Ne valait-il pas mieux s'intéresser à la proximité proche, faire face aux intempéries, aux catastrophes naturelles, à une économie qui bât de l'aile et à la détérioration du pouvoir d'achat des Tunisiennes et des Tunisiens ? Qu'a fait le gouvernement pour protéger les citoyens des assauts des hordes salafistes ? La mansuétude dont il fait à l'égard de l'extrême droite jure avec l'anathème qu'il jette à la figure des médias, par milice et base d'Ennahdha interposées. La hargne employée à agresser moralement et physiquement les consœurs et confrères administre la preuve qu'on cherche à faire taire ces empêcheurs de tourner en rond. Il est dès lors légitime que la société civile, les « zéro virgule » et les journalistes revendiquent leur droit à la liberté d'expression et dénoncent les abus, devenus flagrants et intolérables. La responsabilité des développements dangereux, qui ne manqueront pas de se produire, incombe sans nul doute au pouvoir en place. Ce dernier a montré suffisamment de faiblesse et d'incapacité à juguler les dépassements et les crises qu'il a cherché à alimenter pour soit dresser la barre, soit abandonner la partie. A la croisée des chemins, la Tunisie optera certainement en faveur de la réalisation des acquis de la Révolution que certains tentent de prendre en otage et de servir des agendas qu'elle rejette aussi bien dans le fond que dans la forme.