L'Institut de relations Internationales et stratégiques (IRIS) a procédé à une analyse de la situation en Tunisie après l'épilogue du feuilleton fleuve du remaniement ministériel qui s'est achevé comme l'on sait par la démission du Chef du gouvernement Hamadi Jebali. Baligh Nabli, directeur de recherche à l'IRIS, titre son article « Tunisie : quid après la démission du premier ministre » et commence par avancer une explication sur l'échec du Chef du gouvernement démissionnaire à former un gouvernement apolitique. La fin de non-recevoir d'Ennahdha à l'initiative qualifiée de salutaire de M. Jebali en est la raison première, dit M. Nabli, outre la confrontation interne avec le chef idéologique du mouvement mais également les tensions internes des trois partis au pouvoir et le « jeu trouble » du CPR et d'Ettakattol, les deux partis alliés à Ennahdha. Procédant à une analyse de la démission de M. Jebali, M. Nabli l'explique par son impossibilité à recueillir une majorité autour de sa proposition et par sa démission choisit de « prendre le risque (calculé) d'accroître la crise politique et institutionnelle » apparaissant comme une figure politique davantage soucieuse de l'intérêt national que partisan. Soulignant tout l'intérêt d'un gouvernement d'unité nationale, ouvert à tout l'échiquier politique, l'analyste exprime son doute quant à la disposition d'Ennahdha d'accepter cette option étant davantage tenté par une forme d'appropriation-confiscation du pouvoir. Pour sortir le pays de cette impasse politique, M. Nabli avance les solutions structurelles urgentes au double niveau économique et social, mais surtout l'urgence politique d'accélérer la rédaction et l'adoption de la Constitution, seule issue pour la tenue d'élections en bonne et due forme. Soulignant que la coalition a été affaiblie par l'exercice du pouvoir, l'auteur confirme l'incapacité de la troïka à stabiliser le pays aux prises avec une insécurité croissante et une crise économique et sociale aiguë. L'incompétence technique et la défaillance politique affectent la légitimité des institutions et mettent en péril la transition démocratique. Parlant de certaines dissensions à l'intérieur du parti Ennahdha, révélées par l'épisode de la démission de M. Jebali, M. Nabli fait remarquer que l'islamisme politique ne peut échapper aux clivages n'étant pas un bloc homogène et idéologiquement uniforme. Les divisions internes sont accrues par l'exercice du pouvoir, car les partis islamistes se trouvent alors confrontés à des problématiques gestionnaires et l'existence de contre-pouvoirs réels. Ce même exercice du pouvoir accroit l'opposition entre une partie (minoritaire) d'« islamistes pragmatiques susceptibles de rechercher des compromis » et une autre composante constituée d' « islamistes braqués sur des postures idéologiques et dogmatiques et qui n'hésitent pas à recourir à la violence politique, au moins sur le plan verbal » L'analyste rappelle la position de certains politiques étrangers (Manuel Valls, actuel ministre français de l'intérieur) et souligne la nécessité qu'il y aurait d'éviter d'agiter le spectre « d'un fascisme islamique » général et indéfini. Il voit dans les propos de tels personnages un encouragement à la théorie du choc des civilisations et une volonté évidente de « propagation de la peur ». M. BELLAKHAL