Aziz Krichène, ancien ministre conseiller de Moncef Marzouki, a accordé à Orient XXI un entretien où il livre ses appréciations sur l'état actuel et le devenir de la classe politique tunisienne. Concernant ce qu'on a convenu d'appeler « une confiscation de la révolution par la classe politique tunisienne », M. Krichène a tenu à préciser que ce n'était pas à proprement parler une confiscation. Il s'agit plutôt, a-t-il dit, d'une opération de reprise en main d'un soulèvement dont le seul objectif était d'abattre le régime de Ben Ali, sans qu'il y ait jamais eu une revendication dans l'acception classique du terme, relativement au régime politique, aux changements sociaux ou économiques. Cette reprise en main, a expliqué M. Krichène, a commencé avec la création de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution par Béji Caid Essebsi, désireux de mettre toute la classe politique dans une même structure. Ce furent les partis qui ont « repris en main » la vie politique, à partir d'avril 2011, et suite au débat engagé sur le mode de scrutin, a-t-il fait remarquer. Cette reprise en main a été opérée par la classe politique d'une manière collective, dans l'attente des élections, ce qui a laissé à ceux qui ont fait la révolution le sentiment d'avoir été dépossédés par la Haute Instance, estime-t-il. La classe politique, selon M. Krichène, s'était également arrangée pour étouffer dans l'œuf les contestations du 15 juillet plus connus sous le nom de Kasbah III. L'ancien ministre a évoqué la rupture finale au moment des enregistrements sur les listes électorales où plus de 85% des citoyens âgés de 18 à 25 ans n'avaient pas pu (ou voulu) s'inscrire, car, dit-il, ces vecteurs du soulèvement ne s'étaient pas reconnus dans la nouvelle classe politique. L'importance des abstentions enregistrées lors des trois élections (2011-2014) ont consommé la rupture entre la société politique et la société réelle. Ceux qui sont à la commande aujourd'hui sont en complet décalage avec ce qui s'est produit en décembre 2010 et janvier 2011. M. Krichène pense, par ailleurs, que la classe politique n'a pas connu de changement notable, les mêmes acteurs principaux investissant la scène politique. Ces mêmes acteurs, Nidaa Tounes et Ennahdha, a-t-il nuancé, sont passés d'un état de belligérance à une situation de partenariat. C'est peut-être là, le seul changement notable. Quant aux petites formations, elles demeurent subalternes tout comme auparavant, a-t-il dit. S'agissant du « rapport d'association liant Nidaa Tounes et Ennahdha », M. Krichène estime qu'il s'agit d'un progrès qui devrait permettre à la Tunisie de « surmonter ses divisions identitaires ». Selon M. Krichène, le rapport d'équilibre entre les deux principales formations politiques du pays est une garantie pour la préservation des libertés, un rempart contre les velléités hégémoniques. Cependant, a-t-il précisé, en matière de conception économique, ils possèdent le même programme et ne peuvent reproduire que d'anciennes recettes qui ne pourront fonctionner. A titre d'exemple, M. Krichène pense que le gouvernement ne possède aucune solution au problème des disparités régionales et de développer la politique des prix agricoles instaurée par les gouvernements successifs et qui poursuit l'appauvrissement de la paysannerie et le pillage du monde rural. Ce n'est pas le manque d'investissements qui a laminé l'agriculture et la paysannerie, a-t-il affirmé, mais cette politique des prix qui est à l'origine du grand déséquilibre de nos politiques de développement. M. Krichène évoque l'autre exemple de l'économie parallèle qui constitue près de 60% du PIB, accusant le gouvernement de manquer de vision pour résoudre un tel problème. « Tandis que le pouvoir reste sans réponse appropriée, le pays continue à s'enfoncer dans le marasme. », a-t-il regretté. M. BELLAKHAL
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