Dans le cadre de sa visite de deux jours en Tunisie, Mr François Fillon, Premier ministre français, a été présent au forum économique Tuniso-français, tenu au siège de l'UTICA, à la matinée du vendredi 14 avril 2009. A cette occasion, il a présenté un discours incitatif à la coopération et au partenariat bilatéral entre les deux nations tunisienne et française, sous le slogan « seul le prononce fait foi ». Voici l'intégralité de ce discours : Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Président de l'UTICA, Mesdames et Messieurs, II existe entre la France et la Tunisie une complicité qui m'autorise à vous dire que je me sens parmi vous un peu comme en famille. Dans les jours fastes comme dans les épreuves, nos sorts sont liés. Nous vivons une crise mondiale majeure. Nous ne savons pas où elle nous mènera ni combien de temps elle durera. Elle est la plus grave depuis un siècle. C'est la première véritable grande crise de la mondialisation. D'ores et déjà, quelques signes positifs existent, mais rien n'est gagné, et il va encore falloir se battre. A l'issue de cette crise, la hiérarchie des nations se sera substantiellement modifiée. Il y aura celles qui auront fait face avec sang froid et volonté, et celles qui auront cédé à l'illusion du court terme et de la facilité. Une chose est certaine : aucune nation ne peut espérer s'en sortir en faisant cavalier seul. Les liens exceptionnels tissés au fil des années et la confiance qui nous rassemble, peuvent et doivent nous rendre plus forts dans l'adversité. C'est le sens de ma visite en Tunisie. L'amitié si ancienne et si profonde qui existe entre nos deux pays est un atout. L'amitié et le partenariat économique ne sont pas deux réalités distinctes : ce sont les deux facettes d'une volonté de progresser ensemble. Tout rapproche nos deux pays. Nous partageons la même langue. Nos populations sont mêlées. Nos universités développent des cursus croisés. La France est votre premier client et votre premier fournisseur. Elle est le premier employeur étranger en Tunisie, avec 1200 entreprises employant 106 000 personnes. 600 000 Tunisiens ou franco-tunisiens vivent en France, 80 000 visas sont délivrés chaque année, 10 000 jeunes tunisiens étudient en France. Les échanges commerciaux entre nos deux pays sont supérieurs à 7 Mds € par an : ils dépassent les échanges de la France avec le Brésil, l'Inde ou la Corée. Ce partenariat déjà riche, nous avons le devoir de le développer encore par une nouvelle stratégie économique commune. Nous voulons insister en particulier sur l'investissement et sur l'innovation, qui sont au demeurant deux des axes majeurs du plan de relance de l'activité en France. La visite du Président Sarkozy en avril 2008 a donné un véritable élan à notre collaboration. Tous les engagements pris lors de cette visite ont été tenus. Hier, j'ai par exemple assisté à la signature: - de deux conventions financières dans le domaine des infrastructures de l'eau ; - de notre accord de coopération dans le domaine nucléaire civil paraphé Pan dernier. Hier, nos deux pays ont signe un partenariat global dans le domaine des transports urbains et ferroviaires. Il s'agit de faciliter le partage d'expérience et des coopérations industrielles, de valoriser la bonne coopération entre l'opérateur tunisien Transtu et les entreprises françaises, dont nombre sont présentes aujourd'hui. Les financements français, concessionnels ou non, sont largement mobilisés pour soutenir les grands projets tunisiens. Mais nous voulons aller plus loin et bâtir dans la durée en misant sur l'éducation, la formation et l'innovation. Hier encore, nos ministres de l'Education, nos présidents d'universités et plusieurs dirigeants d'entreprises ont signé différents accords. Nous nous donnons ainsi les moyens d'offrir à nos jeunes les compétences professionnelles et culturelles qui renforceront la compétitivité de nos pays et la fraternité entre nos peuples. Nous avons décidé, pour cela, de mobiliser par anticipation les 40 millions d'euros de subventions prévus pour la formation professionnelle dans L'accord de gestion concertée des migrations et de développement solidaire qui est sur le point d'être ratifié en France. La Tunisie a été le premier pays émergent avec lequel nos pôles de compétitivité ont développé d'étroites relations, notamment dans les domaines des nouvelles technologies, du textile et de l'agro-industrie. Ces partenariats s'enrichissent chaque jour, comme en témoignent les nouveaux textes qui seront signés en ma présence cet après-midi au pôle El Ghazala. L'intérêt de ces coopérations concrètes est simple : il s'agit de nous rendre plus forts sur les marchés asiatiques ou américains, comme l'illustrent les succès de TELNET que je visiterai cet après-midi. Je suis heureux qu'à côte de nos grandes entreprises, les PME, françaises et tunisiennes, trouvent leur place. Plus de 1 000 PME françaises sont installées en Tunisie, 9 000 y exportent. Dans le même temps, près de 2 500 entrepreneurs tunisiens sont actifs en Ile de France. Pour accompagner ce formidable potentiel, nous avons mis en place hier une ligne de crédit de 40 millions d'euros pour l'achat de produits français par des PME tunisiennes exportatrices. C'est la première fois que la France met en place un programme de ce type. J'ai la conviction qu'il sera un succès. Mesdames et messieurs, La crise mondiale exige de nos gouvernements des politiques raisonnables et responsables. La Tunisie, grâce à une gestion prudente, a des fondamentaux solides et présente des résultats impressionnants. Elle cherche à préserver un équilibre entre l'accélération des réformes, l'intégration dans l'espace euro-méditerranéen, l'amélioration des ressources humaines, le respect des équilibres économiques et sociaux. C'est ce qui lui vaut sa bonne notation sur les marchés internationaux des capitaux comme auprès des investisseurs étrangers. Pour autant, aucun pays n'est épargné par les retombées de la crise financière sur l'économie réelle. Partout se font sentir le ralentissement des exportations et le tarissement des entrées de capitaux. Face à cela, la France a pris des initiatives, en Europe lors de sa Présidence, et encore maintenant au sein du G 20. Tout au long des débats et au fil de ces initiatives, nous n'avons jamais cessé de consulter nos autres partenaires, notamment ceux d'Afrique et du Maghreb. La France continuera à le faire car elle est convaincue que c'est une certaine idée du monde et de sa prospérité globale qui se joue. Cet enjeu, il est aussi le vôtre. Que voulons-nous ? D'abord, une nouvelle régulation financière internationale. Il faut remettre au cœur du marché ces principes qui n'auraient jamais du être oubliés : la transparence et la responsabilité. Je sais que la Tunisie y est tout autant attachée que nous. Ensuite, nous voulons un pouvoir mieux réparti, qui prenne mieux en compte la voix des pays émergents. Cette crise doit être l'occasion d'imaginer une nouvelle gouvernance mondiale et un meilleur soutien aux pays en développement. Nous refusons de toutes nos forces le protectionnisme et le repli sur soi. Ce sont des tentations récurrentes, parfois compréhensibles, qui empruntent des voies de plus en plus détournées et inavouées. Mais il faut être lucide : le protectionnisme, quelles qu'en soient les modalités, ne peut qu'aggraver la crise. Enfin, il nous faut, ensemble, lutter contre le tarissement des financements internationaux, si cruciaux pour le développement des pays émergents. Le G20 de Londres a pris des décisions majeures : - triplement des moyens du FMI pour aider les pays confrontés à des crises de financement extérieur ; - augmentation de 100 milliards de dollars des engagements des banques régionales et multilatérales de développement ; - mobilisation des banques de développement et des agences de crédit à l'exportation pour maintenir le financement du commerce international. La France, je vous le confirme, maintiendra son effort financier pour le développement économique et social de la Tunisie. Votre pays est le premier bénéficiaire au monde des prêts de l'Agence française de développement. Au moment où les marches de capitaux deviennent plus-incertains, la Tunisie peut compter sur cette ressource. Et nous continuerons de plaider auprès de nos collègues européens pour maintenir et augmenter les flux financiers communautaires vers la Tunisie. La crise, Mesdames et Messieurs, ne doit pas nous empêcher de nous projeter vers l'avenir. Elle rend même plus nécessaire que jamais une réflexion sur le monde que nous voulons construire. La vraie priorité, c'est une mondialisation mieux équilibrée, plus multilatérale. Dans cet esprit, il faut que les grandes régions du monde renforcent leur cohérence. Le Maghreb ne peut échapper à cette règle. La France est prête à accompagner la Tunisie dans l'approfondissement de ses relations avec l'Europe. Les négociations qui s'ouvrent sur la libéralisation des services et du commerce agricole, et sur le partenariat renforcé, doivent en être l'occasion. L'Union pour la Méditerranée, avec ses projets à géométrie variable, est aussi un instrument de cette intégration régionale à l'échelle des défis que recouvre notre mer commune. La Tunisie s'associe au Plan Solaire Méditerranéen, aux projets d'autoroutes de la mer, à l'interconnexion des réseaux électriques. Le Président Ben Ali a parfaitement ressenti l'utilité et la légitimité de cette aventure commune qu'il nous faut conduire et concrétiser. Il y a des siècles, la Méditerranée a été l'un des foyers les plus éblouissants de la civilisation humaine. Aujourd'hui, il nous faut penser le monde des années 2050. 11 faut le construire nous-même plutôt que de subir la marche des événements. La France, et avec elle l'Europe, a fait le choix d'amplifier sa relation prioritaire avec ses voisins du Sud. A nous, Monsieur le Premier Ministre, de faire de la Méditerranée un nouveau pôle de stabilité, de partenariat, d'innovation, de progrès. A nous de faire converger nos prodigieuses ressources naturelles, culturelles, intellectuelles, pour construire un destin commun. La France, Mesdames et Messieurs, croit à ce projet. Elle s'y engage pleinement. Et elle est heureuse de trouver dans la Tunisie un partenaire de choix, un partenaire fidèle et audacieux avec qui progresser dans le respect et l'amitié. Vive la Tunisie et vive la France !