Depuis l'obtention de son visa le 1er mars 2011 et selon un sondage réalisé récemment, le mouvement Ennahdha serait le parti le plus connu sur la scène politique nationale avec 17 % des votes, après le RCD qui a occupé la première place avec 20%. Certes, la réputation sulfureuse d'Ennahdha, fait de ce parti le sujet d'actualité des medias et du grand public. Ce dernier n'est pas encore habitué à ce genre de paysage comprenant un parti à idéologie religieuse. Ridha Saïdi, membre du bureau exécutif, chargé des études et de la planification du mouvement Ennahdha, édifie l'opinion sur ce parti. Qu'est ce qu'il faut savoir du mouvement Ennahdha Ridha Saïdi : nous sommes un parti politique qui a été fondé par le président Rached Ghannouchi au début des années 80. Mais, nous sommes restés sans visa puisque nos demandes ont été refusées à l'époque par Ben Ali. Le mouvement jouissait d'une base très importante de popularité. C'est pour cette raison que le président déchu s'est senti menacé dans son pouvoir lorsque le mouvement a remporté 30% des voix aux élections législatives du 2 avril 1989. Mais, les militants ont été exterminés. Personnellement j'ai écopé d'une peine à perpétuité pour appartenance à un mouvement non autorisé. J'ai passé 16 ans et demi dans une cellule. J'occupais alors le poste de directeur de la STEG de la zone du nord ouest. Concernant l'appellation «Ennahdha », elle n'est pas arbitraire, elle signifie la vraie renaissance et la révolution dans tous les domaines : social, culturel, économique, politique, sportif… Ennahdha et la liberté ? Notre slogan est liberté, égalité et développement. La liberté est sacrée pour nous et notre démarche sera l'obligation des libertés parce qu'elle est le fondement de tout progrès. Ennahdha est un parti à idéologie islamique. Il n'exclut ni personnes, ni religions. C'est vrai qu'il y a toujours dans la société des gens de l'extrême gauche mais nous sommes un parti à idéologie islamique modérée et démocratique. Nous ne séparons pas la politique de la religion parce que l'Islam a une vision globale des choses. Les gens doivent savoir que l'Islam est un facteur de développement et non pas un facteur de terrorisme comme prétendent les médias étrangers. Nous ne séparons pas religion et Etat. L'Islam rassemble la religion et l'Etat. Notre prophète était un sociologue, psychologue, général de guerre et tout. La Politique d'Ennahdha ? Notre politique n'est pas indépendante de la religion et repose en priorité sur la lutte contre la corruption dans tous les secteurs sans exception, renforcer la solidarité au sein de la famille, renforcer la liberté de la presse, l'indépendance de la magistrature, la transparence de la loi, et l'égalité entre les régions, l'encouragement du savoir… Ce sont les bases de la société démocratique que nous souhaitons concrétiser même si on n'est pas au pouvoir. La philosophie économique d'Ennahdha ? L'Etat ne doit intervenir que dans les grands projets d'intérêt public et aménager les conditions pour favoriser le climat d'investissement comme les projets d'infrastructure mais ne doit pas entrer en compétition avec le privé dans n'importe quel domaine. Les impôts collectés par l'Etat doivent être réinvestis dans des projets d'intérêt public dans les régions pour qu'il y ait une équité entre les régions et lutter ainsi contre la centralisation. Nous allons travailler sur le volet de l'équité sociale afin de créer un équilibre entre les régions, augmenter le revenu individuel et créer des emplois. La classe moyenne constitue la colonne vertébrale de la Tunisie. Ben Ali l'a marginalisée et l'a appauvrie, ce qui fait qu'elle s'est approchée de la classe pauvre tandis qu'il y avait de nouveaux archi milliardaires dans le pays. Cette marginalisation a créé une congestion sociale et des symptômes d'une explosion due à la fragilité sociale, l'augmentation du taux de chômage, la détérioration du pouvoir d'achat du citoyen. Le désespoir des jeunes conduit forcément à l'explosion. Nous allons renforcer les points forts de chaque gouvernorat. Nous travaillons actuellement avec des parties étrangères pour nous soutenir dans des mégaprojets de développement à l'intérieur de la Tunisie. Nous allons faire de Sidi Bouzid, de Kasserine et des gouvernorats du pourtour une plateforme économique gigantesque. De grands projets d'infrastructure seront orientés vers ces deux régions pour qu'il y ait un atout pour les investisseurs étrangers d'investir dans ces régions afin de faciliter la circulation des biens et des personnes, sans être obligatoirement près des côtes. Nous avons aussi un programme de lutte contre la dégradation de l'environnement. Plusieurs pays amis nous ont promis de nous aider à réaliser nos projets et ils n'attendent que la stabilité des conditions en Tunisie. Propos recueillis par Abderraouf Fatnassi