Mohamed Bouebdelli a trop souffert de la répression sous l'ancien régime de Ben Ali. Il a milité contre la dictature à travers la publication d'œuvres critiques et une nouvelle vision de la démocratie. Ingénieur informaticien de formation, Mohamed El Boussaïri Bouebdelli a commencé sa vie professionnelle en travaillant auprès des multinationales en France. Après une longue période en France, Bouebdelli regagné la Tunisie en 1972. Militant de la première heure, il adhère au Parti socialiste destourien(P.S.D), puis au premier parti d'opposition, le Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS), qu'il quitte en 1990, date à laquelle il s'est entièrement consacré à l'œuvre éducative. Après le 14 janvier, Bouebdelli a révélé des secrets passionnants de ses démêlées avec le président déchu. L'avènement de la Révolution l'a décidé à s'adonner à la politique et à fonder le Parti libéral maghrébin (PLM). Pour en savoir plus de ce parti et de ses idéaux, Investir en Tunisie a contacté Mohamed Bouebdelli : Pourquoi fonder un parti politique libéral à l'échelle maghrébine ? M. Bouebdelli : Dans une démocratie moderne, il est normal que le courant libéral puisse s'exprimer et disposer de représentants élus sur des valeurs et des propositions identifiables. J'ai pensé à un parti à l'échelle maghrébine parce que le Maghreb constitue une opportunité de développement unique au sud de la Méditerranée. Avec la globalisation, et le rassemblement des peuples pour les causes communes de la paix, de la prospérité, et de la préservation du patrimoine de l'Humanité : l'Homme et la Planète. Les Etats n'ayant pu réaliser ce « Monde meilleur », ce sont les ensembles régionaux qui vont dorénavant assurer l'avènement de cet objectif. D'ailleurs les Européens l'ont compris, les Etats d'Amérique du Sud y travaillent, les pays d'Asie aussi. Les pays d'Afrique du Nord ont créé l'Union du Maghreb arabe (UMA), mais n'ont jamais avancé dans leur projet, n'ayant pas créé de grandes institutions économiques, commerciales et sociales, ni harmonisé leurs systèmes économiques, commerciaux, sociaux et judiciaires. Pourtant les peuples du Maghreb sont favorables à la construction maghrébine et y voient la seule réponse aux problèmes de toute la région. Ils ont raison. Outre une population de 100 millions d'habitants, la région dispose d'un potentiel économique et industriel énorme, ainsi que d'une capacité de résoudre tous les problèmes à l'échelle maghrébine. En effet avec l'ensemble réunissant la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Libye, le problème du chômage sera résorbé. Les duplications des grands projets économiques seront évitées. L'économie de l'ensemble sera harmonieuse. Au Maghreb, nous parlons la même langue, nous pratiquons la même religion, et nos histoires ont beaucoup de points communs. Quel rôle pour le Parti libéral maghrébin dans l'Union du Maghreb arabe ? Le Parti libéral maghrébin, associé à l'UMA et aux autres partis politiques maghrébins, ouverts aux populations des cinq pays, veut créer une dynamique nouvelle qui amènera les gouvernements à y réfléchir d'une manière sérieuse et responsable. L'enjeu est donc de taille pour les économies et les sociétés maghrébines que la désunion rend tous les jours un peu plus vulnérables et marginales au sein de l'économie mondiale. Plus le Maghreb sera désuni, plus son pouvoir de négociation avec l'Union européenne sera faible. L'Union le ferait gagner en crédibilité et lui permettrait de faire valoir ses intérêts propres. La Banque mondiale a estimé qu'une pleine intégration économique du Maghreb permettrait une hausse importante du PIB de chacun de ses pays. Pour la Tunisie, ce taux serait de 24 % d'ici 2015, ce qui résoudrait le problème du chômage des jeunes de l'ordre de plus 50 %. Or, la Tunisie dispose d'énormes atouts pour faire face aux nouveaux horizons qui s'ouvrent à elle. Le plus considérable est la diversité de ses talents et la volonté d'entreprendre de ses citoyens. Pour permettre à la Tunisie et aux Tunisiens de donner leur pleine mesure, nous devons nous appuyer sur une Union avec les autres pays du Maghreb. Ne serait-ce que pour des raisons économiques, l'Union apparaît comme une question de survie. Une grande partie du commerce mondial s'inscrit dorénavant dans les aires d'intégration régionale. C'est ainsi qu'au Maghreb, le commerce interrégional ne représente que 3 % des échanges, ce qui contraste avec les 70% du commerce extérieur consacrés à l'Union européenne. Quel est le programme du PLM ? C'est un projet de modernité et de progrès social fondé sur la promotion des libertés et les institutions démocratiques. Nous œuvrons à la construction d'une société de justice, de prospérité, de solidarité et de modernité et ayant pour devise: Travail, Justice, Solidarité. Pour la mise en œuvre d'un tel projet démocratique et social, la Tunisie a fondamentalement besoin d'exigences que le PLM s'efforcera de respecter : En premier lieu, un consensus fort autour d'un cadre institutionnel reposant sur un Etat démocratique, moderne et efficace fondé sur la justice et l'équité sociale. La séparation effective des trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire est primordiale. Je propose dans ce sens un préambule dans la prochaine Constitution qui fasse référence au respect des Droits Fondamentaux de l'homme. En deuxième lieu, l'accélération de la croissance économique par le renforcement de l'investissement et l'amélioration de la compétitivité de l'économie nationale. Et c'est à travers la construction d'une société fondée sur la récompense du mérite, du travail, de l'initiative et de l'effort. Troisièmement, créer une dynamique de progrès, résultant de la mobilisation de notre jeunesse et de toutes les potentialités de notre peuple autours des objectifs de développement. C'est-à-dire autour d'un système de gouvernance favorisant le renouvellement des élites, la démocratie participative et donnant toute sa place à la décentralisation et à la régionalisation. Quatrièmement la consolidation et valorisation du rôle de la femme dans la vie politique, économique et sociale de notre pays. Et cinquièmement, faire participer davantage les Tunisiens résidant à l'étranger à la vie politique de la Tunisie et renforcer les structures d'assistance tant à l'étranger que lors de leur retour au pays. Notre projet de société de prospérité, de justice sociale, de modernité et de démocratie conduisant à la satisfaction des besoins fondamentaux des citoyens et le renforcement du pouvoir d'achat. Ce projet passe inéluctablement par l'investissement dans nos ressources humaines à travers l'éducation et la formation. Il faut privilégie l'équité et le mérite, le renforcement de la protection sociale et la lutte contre l'exclusion et la pauvreté. La position du PLM de la laïcité ? Nous sommes pour la liberté de la religion et nous militons pour elle. Mais, nous sommes contre l'exploitation des mosquées pour la propagande politique. Nous sommes pour la séparation de l'Etat de la religion. Propos recueillis par Abderraouf Fatnassi