Les troupes de Fajr Libya et celles dirigées par Khalifa Haftar se trouvent obligées de coopérer Il semble que la prise par Daech de l'aéroport de Syrte en Libye a changé radicalement la donne chez notre voisin dans la mesure où les forces de Fajr Libya sont désormais obligées de collaborer avec les deux gouvernements exerçant actuellement à Tobrouk et à Benghazi. Et comme les événements se produisant en Libye ont une incidence directe sur ce qui se passe en Tunisie, en Algérie et en Egypte, les pays qui vivent dans l'angoisse quotidienne de voir Daech s'installer sur leur territoire ou sur une partie de leur territoire, il est normal que les réunions sécuritaires communes de haut niveau se multiplient entre Algériens, Tunisiens et Libyens dans l'objectif de mettre au point une stratégie qui pourrait contrer sérieusement et avec efficacité les projets de Daech. Hier, jeudi 4 juin, devait se tenir, selon plusieurs médias, une réunion à Tunis au cours de laquelle les responsables sécuritaires des trois pays allaient disséquer la nouvelle situation sur tous les plans et imaginer les mesures à prendre en urgence pour bloquer Daech et contourner ses projets diaboliques. Et comme à l'accoutumée, les téléphones des responsables sécuritaires tunisiens ont sonné, hier, dans le vide puisque personne ne voulait rien révéler, alors que les réseaux sociaux explosaient de réactions. Il faut coordonner avec l'Egypte Jusqu'à 19h00 au moment où le présent article était rédigé, on ne savait pas si la réunion a eu lieu ou pas, et à quels résultats elle a abouti. Pour les experts sécuritaires s'activant dans la société civile qui sont toujours écartés des rencontres officielles, «il est impératif de réagir au changement de la donne en Libye puisque désormais Daech est la cible aussi bien de Fajr Libya que de l'armée conduite par le général Khalifa Haftar. Reste à savoir le poids réel dont bénéficient sur le terrain libyen les participants à la rencontre de Tunis. Il s'agit de comprendre s'ils disposent de la crédibilité qu'il faut permettant de conférer à leurs approches et à leurs propositions une dimension pratique si l'on arrive à s'entendre sur une stratégie commune en vue de contrer les Daechistes». L'expert géostratégique Naceur Héni, spécialisé dans le suivi des groupes jihadistes, confie à La Presse : «Cette réunion ne doit pas oublier la part de responsabilité que devrait assumer l'Egypte au cas où l'on déciderait de combattre ensemble Daech. Il ne faut pas ignorer également que le Maroc s'est invité ces dernières semaines à la messe en organisant des rencontres de dialogue entre différents belligérants libyens. L'on se demande pourquoi le Maroc a décidé d'intervenir dans la crise. La réponse est toute simple. De par la lutte stratégique qui les oppose à l'Algérie, les Marocains ne peuvent pas rester insensibles à ce qui se passe dans la région maghrébine et surtout si l'Algérie se proclame leader des actions à entreprendre. Reste l'Egypte qui développe une approche contraire à l'Algérie, dans la mesure où Le Caire soutient une intervention militaire aux côtés des troupes du gouvernement de Tobrouk dirigées par Khalifa Haftar. De son côté, Alger espère que le dialogue interlibyen pourrait éviter une guerre dont personne ne saurait l'ampleur désastres qu'elle va causer. Et c'est là un point de désaccord qui pourrait faire tomber les décisions qui sanctionneront la rencontre de Tunis. D'où la nécessité de coordonner avec l'Egypte même si les points de vue sont encore très loin les uns de l'autres. Quant à la Tunisie, elle est dans l'obligation de marcher sur un fil ténu en vue de contenter les uns et de ne pas frustrer les autres». Les Marocains se sentent menacés Quant au Dr Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, sécuritaires et militaires, elle estime : «La situation est très grave en Libye et dans l'ensemble de la région maghrébine. L'avancement rapide de Daech qui s'approche de plus en plus de la Tunisie et de l'Algérie est à prendre au sérieux. Les cellules dormantes attendent les directives. La réunion d'aujourd'hui (hier) s'imposait et doit aboutir à un accord à tout prix». Dr Gaâloul ajoute : «Contrairement à ceux qui se demandent ce que vient faire le Maroc dans l'affaire, je soutiens les actions que Rabat a entreprises ces dernières semaines en vue de trouver une solution pacifique en Libye. J'étais récemment au Maroc et mes entretiens m'ont permis de découvrir que les Marocains se sentent concernés et gravement menacés. Ils ne veulent pas que Daech s'installe à leurs frontières si une partie de l'Algérie tombe entre les mains des jihadistes. Et il ne faut pas oublier qu'avec 1.500 jihadistes, le Maroc est classé au troisième rang parmi les pays arabes pourvoyeurs de terroristes après la Tunisie et l'Arabie Saoudite.