Les syndicalistes se préparent à vivre un été chaud dans l'objectif de réhabiliter la centrale syndicale qui perd, de jour en jour, de sa crédibilité et de son aura auprès de l'opinion publique Il paraît que la saison estivale 2015 sera bien chaude, pour ne pas dire trop chaude, pour les syndicalistes de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) qui livre une grande bataille : celle de reprendre sa place sur l'échiquier politique et social national en tant que première force sans le soutien de laquelle aucun programme politique ou économique n'a de chance d'aboutir. Pour être plus clair, les syndicalistes de l'Ugtt, conduits par les membres du bureau exécutif, les secrétaires généraux des fédérations et des syndicats généraux et par les S.G. des unions régionales, chercheront à réhabiliter «l'image de leur organisation ternie par les grèves anarchiques et le peu de crédibilité dont ils bénéficient désormais auprès de l'opinion publique dont une large partie les considère comme des fauteurs de troubles». Plusieurs analystes politiques ne cachent pas leurs réactions et prédisent : «L'Ugtt a perdu la bataille du secteur de l'enseignement primaire puisque Néji Jalloul, ministre de l'Education, a réussi à organiser les examens de la 6e et de la 9e année après avoir expédié intelligemment celui du passage en classe supérieure dans les premières années de l'enseignement de base. Il multiplie également les déclarations selon lesquelles le dialogue va se poursuivre avec le syndicat général des instituteurs même si Tahar Dhaker et Mastouri Gammoudi (les deux chefs incontestés du syndicat) font monter les enchères et menacent de boycotter la prochaine rentrée scolaire». Les mêmes analystes et observateurs se demandent : «Que vont faire les syndicalistes de l'Ugtt durant la saison estivale afin de reprendre l'initiative sur la scène syndicale, surtout quand on sait que d'autres organisations syndicales comme l'Union des travailleurs de Tunisie (UTT), pilotée par Ismaïl Sahbani, et l'Organisation tunisienne du travail (proche d'Ennahdha) ne manqueront pas de sauter sur l'occasion pour supplanter l'Ugtt auprès du gouvernement Essid qui cherche un soutien syndical pour faire avaler ses réformes douloureuses — tant attendues mais toujours retardées faute d'aval syndical ?». Oui à des négociations équitables Et la réponse de l'Ugtt à ces interrogations ne s'est pas fait attendre puisqu'on apprend que la centrale ouvrière se prépare à mobiliser ses cadres régionaux dans une série de commissions administratives régionales au cours desquelles il sera question de la stratégie à mettre en œuvre en vue de faire face à ce qu'on appelle, du côté de la place Mohamed-Ali, «un plan d'endiguement de l'Ugtt pour qu'elle adhère aux réformes douloureuses que prépare le gouvernement Essid soutenu par les quatre partis de la coalition gouvernementale auxquels vient de se joindre le parti Tayyar Al Mahabba (1 siège au Parlement) dirigé par l'ancien candidat à la présidentielle Hachemi Hamdi». Aujourd'hui, Bouali M'barki, secrétaire adjoint de l'Ugtt, considéré comme l'un des architectes qui ont contribué à la réussite du dialogue national, préside les travaux de la commission administrative régionale à Kasserine. Au programme, l'examen de la situation sociale dans la région et la mise au point de propositions qui pourraient aider à apporter un début de solution à la crise dans laquelle est empêtrée la région de Kasserine dont en premier lieu l'emploi des chômeurs dont le nombre grossit de jour en jour. En attendant que les syndicalistes mettent en œuvre leur stratégie d'avenir, l'on se demande pourquoi les barons de l'Ugtt se sont trouvés acculés à faire appel aujourd'hui à leurs troupes, lesquelles troupes — faut-il le préciser — n'étaient pas aussi homogènes et soudées comme on le disait à l'époque où Houcine Abassi dirigeait d'une main de maître les négociations au sein du dialogue national, finissant par imposer sa feuille de route et avec le gouvernement de compétences apolitiques dirigé par Mehdi Jomâa. «Pour comprendre les dessous de ce branle-bas que vit l'Ugtt, précise Ahmed Essafi, ancien constituant, il faut revenir aux victoires qu'a remportées l'organisation ouvrière à l'époque des deux gouvernements de la Troïka en obligeant Ennahdha à quitter le pouvoir et à céder la direction des affaires du pays à un gouvernement de compétences apolitiques. Aujourd'hui, Ennahdha cherche à faire supporter ses échecs à l'Ugtt. Et ce n'est un secret pour personne, plusieurs ministres nahdhaouis à l'époque de Hamadi Jebali et Ali Laârayedh ont signé des accords de majorations salariales avec l'Ugtt tout en sachant que les caisses de l'Etat étaient vides et, en prime, ils n'ont pas consulté la présidence du gouvernement et le ministère des Finances. De nos jours, le gouvernement de Habib Essid récolte les fruits de ces erreurs». Il ajoute : «Outre les revendications sociales à satisfaire, une nouvelle donnée a fait son apparition consistant à faire en sorte que l'Ugtt devienne un partenaire comme les autres. Elle est consultée à l'instar des autres organisations comme l'Utica. Ainsi, ceux qui veulent réduire l'apport de l'Ugtt considèrent-ils qu'elle a joué son rôle et que maintenant il faut qu'elle rentre dans les rangs. C'est une approche que Abassi et ses troupes n'accepteront jamais parce qu'ils sont convaincus que les concepteurs de cette orientation balisent, en réalité, la voie pour que l'Ugtt s'inscrive dans les réformes: suppression de la compensation, recapitalisation des banques publiques et adoption d'un nouveau code d'incitation aux investissements». «L'Ugtt est disposée, selon notre interlocuteur, à négocier mais à la seule condition que les sacrifices soient équitablement partagés. Seulement, elle se trouve dans une position inconfortable entre la pression de ses bases syndicales et le danger que représentent les organisations syndicales parallèles qui sont prêtes à jouer le jeu au profit du gouvernement si jamais Houcine Abassi n'arrive pas à réussir l'opération restructuration de l'Ugtt et à dompter les régions et les secteurs, surtout quand on sait que beaucoup de syndicalistes dans les régions chaudes sont tombés dans le piège».