Par Brahim OUESLATI Il y a tout juste une année, l'organisation terroriste de l'Etat islamique, plus connue sous l'acronyme de Daesh, apparaît au grand jour sous un visage macabre et hideux: elle a, depuis, commencé une fulgurante ascension jusqu'à étendre son pouvoir sur plus de 10 millions d'habitants « répartis sur un territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie et grand comme la moitié de la France ». Elle est arrivée à contrôler 15% du PIB du pays « dont des puits pétroliers, des terres agricoles mais aussi d'immenses réserves de phosphate », a révélé une enquête réalisée par la chaîne franco-allemande, Arte. Cette organisation est, en effet, « l'enfant monstrueux d'Al-Qaïda et du désastre provoqué par l'invasion américaine de l'Irak en 2003 ». Elle a réussi, en peu de temps, à étendre ses tentacules dans plusieurs pays et à rallier plusieurs groupes terroristes qui lui ont fait allégeance en Egypte, Libye, Tunisie, Algérie, mais également au Nigeria, avec Boko Haram, et jusqu'en Asie centrale. Macabre célébration Pour célébrer son anniversaire, Daesh a lancé un appel à ses cellules dormantes, partout dans le monde, pour commettre des actions spectaculaires afin de « terroriser l'opinion mondiale et en faire la plus large publicité possible ». Objectif atteint par ces attentats de Sousse, en Tunisie, contre un hôtel, de l'Isère, en France, contre une usine et du Koweït, contre une mosquée. Une concomitance assertorique, en ce vendredi 26 juin, qui fait penser à un quelconque fil d'Ariane, sorte de ligne directrice qui aurait conduit les acteurs des trois attentats, simultanément, vers les objectifs assignés. Et Dieu seul sait s'il n'y avait pas eu d'autres attentats programmés qui avaient échoué. Mais il y en aura certainement d'autres. Le terrorisme s'installe partout dans le monde et aucun pays ne saurait se targuer d'y échapper. Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu'il frappe quelque part, de manière aveugle et sanglante. Les efforts fournis par les Nations unies, où ce fléau figure à l'ordre du jour depuis des décennies, pour le combattre se sont avérés vains et sans résultats probants. Les grandes puissances mondiales, qui ont une grande part de responsabilité dans la naissance et la propagation de cette hydre, ne font pas assez pour la contenir. L'invasion de l'Irak par les Etats-Unis de Georges W. Bush, en 2003, et le bombardement de la Libye par la France de Nicolas Sarkozy en 2011, ont augmenté les menaces terroristes et fait essaimer des groupuscules prônant le jihad radical. La guerre contre le terrorisme est une guerre sans frontières. « Le terrorisme ne peut être prévenu et éradiqué que si la communauté internationale prend des mesures globales, efficaces et coordonnées pour le combattre », disait le secrétaire général de l'ONU. Soit. Mais a-t-on réellement pris la mesure de l'ampleur de ce phénomène et de ses conséquences sur la stabilité des pays et la sécurité mondiale ? Qui l'aurait imaginé, un jour ? Qui aurait imaginé, il y a quelques années, que la Tunisie ferait un jour face à une telle menace jusqu'à devenir une proie facile pour les terroristes ? Conséquence de ce qui est faussement appelé « printemps arabe », le terrorisme risque de se métastaser dans un corps vulnérabilisé et trouver un terreau fertile dans une société moins solidaire. Les attentats contre le musée du Bardo, le 18 mars dernier, et contre un hôtel à Sousse, vendredi 26 juin, confirment, si besoin est, que notre pays comme, d'ailleurs les pays musulmans, sont les plus touchés par les actions jihadistes contre les populations civiles. Sans revenir sur les causes de la résurgence de ce phénomène, il y a lieu de relever, non sans amertume, que l'une des principales causes, c'est le laxisme des différents gouvernements depuis le 14 janvier 2011 et, notamment, celui de la Troïka. Inutile de rappeler cette pression faite par les « néorévolutionnaires » sur le gouvernement de Mohamed Ghannouchi et le président intérimaire Foued Mebazaa pour décréter une amnistie générale qui a profité pêle-mêle aussi bien aux militants politiques et des droits de l'Homme qu'à des individus impliqués dans des affaires terroristes et qui, une fois élargis, ont repris le chemin du jihad. Encouragés en cela par certaines parties qui n'avaient pas caché leur soutien aux jeunes émigrés en Syrie ou en Irak. Un soutien qui s‘est exprimé sous plusieurs formes, par des prêches dans les mosquées, à travers des réseaux de recrutement, grâce à un flux d'argent versé dans les comptes d'associations... Ces experts qui débitent des sornettes Nonobstant les causes et les faits, on doit regarder la réalité en face. Le pays est aujourd'hui confronté à l'essor du terrorisme et du jihadisme radical. Le chaos s'installe à nos frontières sud et la menace de Daesh se précise de plus en plus. Au même moment, le socle interne se fissure et l'unité tant recherchée tarde à se dessiner. Les partis politiques passent beaucoup plus de temps à s'accuser mutuellement qu'à réfléchir sur les moyens susceptibles de consolider le front intérieur. Certains ne font malheureusement qu'approfondir le fossé alors que quelques médias sont tombés dans l'apologie du terrorisme en offrant l'occasion à certaines gens pour dédouaner des terroristes avérés et tenter de les blanchir. Ces experts « attitrés » et ces commentateurs « chevronnés » qui, à chaque coup, envahissent les plateaux pour nous débiter des sornettes ne font que détourner l'opinion publique de ce qui est essentiel en ces temps difficiles. Nos médias ont perdu beaucoup de leur crédibilité et sont passé complètement à côté, lors de leur couverture de la tragédie de Sousse. Beaucoup de Tunisiens ont trouvé dans les médias étrangers, notamment français, une source fiable aussi bien dans l'information que dans l'analyse. Dans une précédente livraison de la Presse, nous avons titré « quand la maison brûle, on ne doit pas regarder ailleurs ». Malheureusement, la maison est en train de brûler et nous nous cachons derrière de faux alibis. Cette fois, nous appelons à éteindre le feu avant qu'il ne soit trop tard.