La prestigieuse institution de La Rachidia a son propre festival : «Tarnimet» qui en est à sa deuxième édition. A cette occasion, nous avons eu cet entretien avec le président de la Rachidia, M. Hedi El Mouhli Aujourdhui, nous assistons à une jeune manifestation de La Rachidia qui a démarré en 2014 et qui porte le nom de «Tarnimat» «Tarnimet» est une manifestation qui est née effectivement en 2014 parce que nous avons éprouvé la nécessité de donner un festival à La Rachidia surtout que cette institution vient de fêter ses 80 ans. Nous estimons aussi que cette manifestation ne fera qu'affirmer le cachet de La Rachidia. Le festival «Tarnimet» bien qu'il soit jeune a déjà son public et sa particularité. C'est la deuxième édition et nous assistons déjà à l'affluence d'un public averti du malouf et de la musique tunisienne. Pourquoi ce festival est-il né de manière tardive ? Parce qu'il a pris le temps de mûrir. La naissance de ce festival est aussi concomitante avec la naissance des sections de La Rachidia dans différents gouvernorats. Nous voulons avant tout que le festival «Tarnimat» soit l'espace où s'expriment toutes ces différentes sections de La Rachidia à travers la Tunisie : Le Kef, Monastir, Sousse, Bizerte, Kairouan, Kélibia, et bientôt Tozeur. Chaque section présente donc annuellement le fleuron de ses travaux et là nous assistons à la découverte de nouvelles particularités artistiques. Autrement dit, La Rachidia est empreinte artistiquement par la particularité de la région où elle évolue. Chaque région laisse agréablement sa trace dans l'œuvre. Il y a une différence de ton et une différence de maîtres (echouyoukh) entre le nord et le sud et chaque section a sa personnalité en quelque sorte. C'est pour cela qu'il a fallu créer ce festival afin de rassembler toutes ces particularités de La Rachidia. «Tarnimet» est avant tout le festival des sections de La Rachidia. C'est aussi un festival qui se tient à la médina de Tunis mais qui ouvre la porte aux jeunes pour qu'ils jouent un rôle dans l'animation musicale et dans La Rachidia qui doit compter sur ces jeunes pour assurer sa pérennité. Nous tenons absolument à injecter continuellement du sang neuf dans La Rachidia. C'est pour cela que nous avons ouvert la porte aux associations des jeunes présidées par des jeunes et nous les avons encouragées à la création et à l'organisation. Dans le programme de ce festival on voit des noms de jeunes pousses... Effectivement c'est un programme qui associe les jeunes comme Mohamed Ali Chebil et Eya Daghnouj. Le programme a aussi des relents arabes comme la soirée du 11 juillet, animée par le professeur Mahr El Hammami Quels sont les projets de La Rachidia pour les jeunes ? L'un des projets les plus importants est la création d'une bibliothèque musicale très moderne. Nous comptons aussi inscrire La Rachidia dans l'ère de l'information numérique. Nous projetons aussi de développer l'enseignement pour qu'il soit complètement différent des autres écoles qui se trouvent en Tunisie. Autrement dit, l'enseignement va retrouver ses origines à travers des ateliers pour l'apprentissage du malouf et de la musique tunisienne. Il a fallu mettre une nouvelle politique de l'enseignement, nouvelle mais qui s'inspire des origines et des particularités de La Rachidia. Nous voulons redonner à La Rachidia sa personnalité qui la distingue du reste des conservatoires. Nous avons la chance que le professeur Abdelkrim Shabou soit avec nous pour s'occuper de l'enseignement. Selon lui, La Rachidia doit former des musiciens accomplis. Pour cela il faut une pédagogie et une méthodologie particulières. C'est pour cela que le dossier de l'enseignement sera révisé et que le niveau des enseignants sera à la hauteur de nos ambitions. Votre rôle est de préserver le patrimoine mais également d'en créer un nouveau... C'est vrai que le travail sur le nouveau patrimoine fait partie de nos priorités et nous sommes convaincus de la nécessité de produire. Il est vraiment temps! Nous avons commencé à rassembler les hommes capables de mener cette mission comme Abdelkrim Shabou, Habib Raies, Hammadi Ben Othmane pour ne citer que ceux-là... J'en profite pour dire que nous préparons une grande manifestation : il s'agit d'un concours de malouf tunisien sur tout le territoire tunisien avec des prix qui pourront atteindre les dix mille dinars avec le concours d'un partenaire dans le domaine de l'assurance. Partagez-vous l'idée qu'il y a une crise dans le «tarab» tunisien tout comme celle du scénario au cinéma? Oui, je partage votre avis. Car pour se proclamer musicien il faut avoir du nouveau sur le plan du «tarab». Prenez l'exemple de «Houdoud Halabya», lorsqu'il y a un artiste tunisien qui l'interprète il a du succès mais quand ce même artiste présente sa propre production il ne réussit pas à attirer le public parce qu'il lui manque l'art du «tarab». Aujourd'hui, nous devons inventer des œuvres créatrices qui s'imposent par leur propre force. Par quoi expliquez-vous cette crise ? Il y a trois éléments essentiels pour le «tarab» : la force des mots, l'élégance de la composition (enngham) qui transporte, et les moyens. Et ces trois éléments existent chez nous ? Ils existent mais il manque le bijoutier qui les rassemble. Il manque peut-être les têtes d'affiche... Les têtes d'affiche existent mais elles ont viré vers un autre genre. On a de grands noms mais ils ne mettent pas la main à la pâte. Aujourd'hui, La Rachidia a pris ses libertés, elle n'est plus sous le chantage des maîtres qui étaient les directeurs artistiques... C'est le comité directeur qui dirige... J'aimerais surtout dire que La Rachidia s'est enrichie de ces différents directeurs et de ces différences d'opinion... Zied Gharsa a, par exemple, beaucoup donné à La Rachidia, une institution qui l'a vu grandir d'ailleurs. Aujourd'hui, il y a un groupe de personnes qui travaillent avec passion pour La Rachidia et qui restent ouvertes à toutes les propositions positives.