La faiblesse de la riposte du dispositif politique dans son ensemble est, elle aussi, révélatrice. Le chef du gouvernement a annoncé une batterie de mesures timorées et dont beaucoup avaient déjà été annoncées. Mêmes litanies, mêmes dérivatifs dérisoires ou accessoires, traitement épidermique, voire cosmétique. Les serpents de mer remontent à la surface Au fil des heures, on en sait davantage sur l'attentat terroriste de Sousse qui s'est soldé par près de 80 victimes, en grande majorité des touristes, dont une quarantaine de morts. Des témoignages fusent, des vidéos circulent, des déclarations officielles s'empilent. Soit une somme considérable d'indices concentriques autour du drame. Tous convergent vers une donne essentielle. Les dysfonctionnements sécuritaires, ayant présidé à la sauvagerie de l'attentat, sautent aux yeux. Le terroriste était déjà fiché sans être suivi. Il était réputé à l'université, et même cité à ce propos tout récemment, pour faire partie d'un groupe de takfiristes ayant des attaches solides avec les camps d'entraînements terroristes en Libye. Son profil facebook est notoirement pro-Daech. Ses statuts et commentaires font l'apologie du terrorisme, d'incitation à la haine et de foule d'autres macabres menaces. Visiblement, il a déjà fait le repérage minutieux des lieux du crime, sur la plage, côté piscines, à l'intérieur de l'hôtel, dans le bloc administratif. Son forfait a été exécuté de sang froid, plus d'une demi-heure durant, sans qu'aucune force de police, ou quelque vigile, n'intervienne. Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur, a été informé, selon ses propres dires, par la propriétaire de l'hôtel, sur son portable personnel, longuement après la perpétration du crime terroriste. Personne sur les lieux n'a informé la police, près d'une demi-heure durant ! Que l'hôtel soit une cible potentielle, c'était on ne peut plus évident. À l'instar des quelque 200 hôtels avec accès direct à la plage que compte le pays, sur les quelque 870 hôtels tunisiens. Soit une soixantaine d'hôtels à Sousse-Monastir, une soixantaine à Jerba, une cinquantaine à Hammamet-Nabeul et une vingtaine à Mahdia. Et puis la journée de l'attentat était très très chaude (avec afflux massif des touristes à la plage) et l'hôtel comptait des centaines de résidents. Les caméras de surveillance font défaut. Les gardes sont clairsemés et complètement désarmés, réduits à végéter. Les forces d'intervention immédiate et d'appoint sont inexistantes. Le dispositif de l'information est défaillant, sinon inexistant lui aussi. L'organisation des secours et des premiers soins était lamentable. Il a fallu plus de 45 minutes pour faire évacuer la première victime sérieusement touchée. Depuis août 2014, le chef du gouvernement d'alors, M. Mehdi Jomâa, avait affirmé que les unités hôtelières (et même industrielles) étaient déjà hermétiquement surveillées et protégées. Moyennant, a-t-il surenchéri, la liaison directe avec les Pc de commandement des différents corps de police, Garde nationale, armée etc. Lesquels auraient procédé à la formation préalable des gardiens d'hôtels et de parkings. Or, il n'en est rien. C'était pur leurre, phraséologie et langue de coton. Aujourd'hui, le mal est fait. Le bilan est lourd. Dramatiquement lourd. Ses effets pervers sont encore en suspens. Nous devrons en supporter, à court et moyen termes, le lourd tribut. Les répliques du tremblement de terre sont à venir. Et à craindre. Ne nous leurrons pas avec le discours auto-satisfait des responsables politiques de tout bord. Il faut regarder la vérité crue et sans atours. Avancer démasqué. S'en tenir à une économie rigoureuse du vrai et du faux. Certes, les forces armées tunisiennes assument une veille stratégique permanente contre les terroristes. Mais l'attentat de Sousse révèle des dysfonctionnements sécuritaires douteux. Et inacceptables. La faiblesse de la riposte du dispositif politique dans son ensemble est, elle aussi, révélatrice. Le chef du gouvernement a annoncé une batterie de mesures timorées et dont beaucoup avaient déjà été annoncées. Mêmes litanies, mêmes dérivatifs dérisoires ou accessoires, traitement épidermique, voire cosmétique. Les serpents de mer remontent à la surface. De leur côté, les partis politiques gigotent de nouveau pour un repartage du pouvoir entre Nida Tounès et Ennahdha. Une manière de profiter d'une opportunité macabre, quitte à parler de corde dans la maison du pendu. «Messieurs-Dames, il faut revoir la copie» serait-on empressé de conclure. Le non-Etat ne pourrait venir à bout du terrorisme. Les responsables doivent répondre de leur responsabilité. Même l'étymologie le commande. Soyons lucides, soyons francs, soyons clairs, nets et précis. Osons souhaiter des lendemains meilleurs. Sans les démons des incuries bureaucratiques, politiques et partisanes. Au préalable, le mea culpa s'impose. Parce que, ici comme ailleurs, le pardon des offenses exige beaucoup de sacrifices. Et les offenses ternissent ceux qui s'en prévalent comme d'une turpitude.